Edmond Dupont (1827-1886)

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Edmond Louis Dupont est né le 16 octobre 1827 à Boulogne-sur-Mer, fils de Louis Joseph Dupont (capitaine de première classe d'infanterie ; chevalier de l'Ordre de Saint-Louis) et de Marie Élisabeth Adèle Griset. Il est mort le 2 mars 1886 à Paris.

  • Archiviste-paléographe (promotion 1852). Chef de la section du secrétariat aux Archives nationales. Il contribua à la création du Musée des Archives nationales.
  • Membre de diverses sociétés savantes (Société de l'École des chartes ; Société de l'histoire de France ; Société de l'histoire de Paris et de l'Île-de-France).
  • Chevalier de la Légion d'honneur en qualité de sous chef à la direction des Archives (1866).

Discours prononcé par M. Maury, directeur général des Archives, aux funérailles d'Edmond Dupont :

«  Messieurs,

C'est avec une profonde émotion que je viens adresser un suprême adieu à celui dont la terre reçoit, en ce moment, les restes périssables. M. Edmond Dupont nous a été enlevé à un âge où l'on peut espérer encore bien des années d'existence il n'avait pas même touché le seuil de la vieillesse ! Il était né le 16 octobre 1827, et, cependant, il était le plus ancien des fonctionnaires des Archives nationales. C'est qu'il y était entré presque au sortir de l'adolescence. Il n'avait que dix-neuf ans quand il fut admis dansée grand établissement, à titre temporaire. Juste un an après, en octobre 1847, il était nommé surnuméraire. Mais bien avant de figurer dans le personnel de notre administration, il avait fréquenté le palais Soubise. Ses parents, liés d'amitié avec le savant Daunou, avaient amené à Paris le jeune Edmond et l'avaient présenté à l'illustre vieillard, qui s'était plu à lui donner des encouragements, à le guider dans ces études classiques qu'il avait lui-même cultivées avec tant d'éclat. Edmond Dupont prit peu à peu le goût des documents qui l'entouraient dans la maison de Daunou, dont ses parents étaient devenus les hôtes. Il aima les Archives comme on aime le lieu où l'on a été nourri, la ville où s'est écoulée notre enfance. Il ne séparait pas d'ailleurs l'attachement à notre incomparable dépôt de celui qu'il portait à son éminent et bienveillant compatriote; Edmond Dupont était, comme Daunou, natif de Boulogne-sur-Mer.

Rien n'était donc plus naturel que, lorsqu'il fut question pour Edmond Dupont de prendre une carrière, son choix se soit tourné vers ces Archives nationales, qui étaient pour lui comme une demeure paternelle. Letronne, le digne successeur de Daunou, l'accueillit avec bonté et lui ouvrit la voie.

Tout promettait dans le jeune archiviste un employé aussi zélé qu'actif. Il se mit à la besogne avec un véritable enthousiasme, et sa curiosité se porta sur les diverses parties du vaste trésor historique au service duquel il s'était voué.

Afin de se mettre en état d'inventorier avec plus de sûreté et d'intelligence les documents qu'il avait sous les yeux, il entra, en 1852, à l'École des chartes, dont il suivit les cours, tout en s'acquittant des fonctions qui lui étaient confiées au palais Soubise. Une fois pourvu du diplôme d'archiviste paléographe, il se donna tout entier à l'établissement qui l'avait adopté. Son zèle, sa patience n'étaient jamais rebutés. Il gravit ainsi tous les échelons de la hiérarchie des archivistes, jusqu'au grade le plus rapproché de celui de directeur général. Le 1er juillet 1871, il était nommé chef du secrétariat et prenait la direction d'une section dont il avait été, pendant plusieurs années, le sous-chef. C'est dans ce poste que je trouvai Edmond Dupont, lorsque je fus appelé, en mai 1868, à la direction générale. Les fonctions qu'il remplissait le mettaient presque quotidiennement en rapport avec moi. Je ne tardai pas à reconnaître en lui toutes les qualités qui font l'administrateur émérite la rectitude de jugement, l'esprit d'ordre et de méthode, la suite dans les idées, la persévérance dans l'exécution, l'assiduité dans le travail. Ces qualités maîtresses ont fait d'Edmond Dupont un collaborateur précieux de notre établissement. Il en avait, au plus haut degré, ce qu'on pourrait appeler le génie; il en fixa dans sa mémoire les traditions il s'était fait l'homme indispensable, et il n'épargnait ni son temps, ni sa peine, pour maintenir la régularité du service et le bon fonctionnement de toutes les branches de notre administration. Aussi, nul n'était mieux fait pour diriger le secrétariat, qui imprime à l'ensemble des services dont notre grand dépôt se compose l'unité et leur donne la vie extérieure. Aussi, nul n'a plus contribué qu'Edmond Dupont à étendre et à activer les relations des Archives nationales avec les divers établissements de l'État, à préparer la création et l'installation de notre beau Musée, à la description duquel il apporta un heureux concours; nul n'a veillé avec un soin plus jaloux au bon aménagement de nos collections dans les salles du palais Soubise. Son œil d'artiste était blessé de tout ce que pouvait condamner l'élégance et le goût.

Sévère envers lui-même, quand il s'agissait de l'accomplissement du devoir, il prêchait d'exemple et était en droit d'exiger le même zèle et la même assiduité de ses inférieurs. Mais sa fermeté dans la direction du service n'excluait pas la bienveillance. Il se préoccupait des intérêts légitimes de tous ceux qui étaient placés sous ses ordres, quelque modeste, quelque obscure que fût leur position, et il cherchait constamment à concilier le devoir avec le droit.

Tous ceux qui ont pu connaître Edmond Dupont, qui ont été à même d'apprécier ses mérites, lui ont rendu pleine justice, aux Archives comme au dehors, à la Société de l'histoire de France, dont il fut bien des années le trésorier, comme à la Société de l'École des chartes. Le ministère tint à lui donner des témoignages publics de sa haute estime et du prix qu'il attachait à sa coopération. Il lui conféra successivement la croix de chevalier de la Légion d'honneur et la décoration d'officier de l'instruction publique.

Placé à un poste conforme à ses goûts et à ses aptitudes, uni à une épouse dont le dévouement était sans bornes et chez laquelle se rencontrent les dons les plus précieux du cœur et de la raison, entouré de l'affection de deux filles, Edmond Dupont semblait avoir trouvé la félicité mais un mal terrible brisa de bonne heure de si belles espérances. Atteint, depuis plus de vingt années, d'une affection nerveuse qui troubla, puis abolit graduellement chez lui la faculté de locomotion, envahi par de cruelles souffrances physiques, tandis que son intelligence demeurait nette et lucide, il assistait à sa déchéance corporelle. Il demandait vainement à tous les remèdes de l'art médical la guérison de son mal, contre lequel il luttait avec énergie. Ses infirmités croissantes et précoces ne purent affaiblir son zèle, l'attachement qu'il avait pour ses chères Archives. Accablé par la souffrance, il s'y traînait encore. Il y est venu jusqu'à la fin. Il s'y faisait transporter, quand la paralysie l'atteignait de toutes parts, quand déjà le gagnait le froid de la mort, et se faisait rendre compte, du fond de la voiture dont il ne pouvait descendre, de tout ce qui s'accomplissait dans le service à la tête duquel il demeurait placé.

Messieurs, les Archives nationales ont été terriblement frappées depuis peu d'années. Nous avons perdu de ces hommes rares, qui sont toujours prêts à sacrifier leurs intérêts personnels aux obligations que leurs fonctions leur imposent, qui ont préféré, à la notoriété que donnent de nombreuses œuvres historiques ou des productions littéraires, la conscience d'avoir bien servi l'État et été utiles au public, qui ont mis leurs devoirs professionnels fort au-dessus des satisfactions égoïstes que nous trouvons dans des travaux personnels. Citons au premier chef Douët d'Arcq, Jules Tardif. Le nom d'Edmond Dupont, qui fut leur émule et leur ami, s'associera désormais au leur. Conservons pieusement le souvenir de ces regrettés serviteurs de notre administration, qui nous laissent de si admirables modèles. Il arrive parfois, messieurs, que s'obscurcit en nous la notion du devoir, que le découragement s'empare de nous, après des travaux arides qui n'ont pas été, à nos yeux, équitablement appréciés que nous nous sentons enclins à récriminer contre nos supérieurs. Messieurs, quand il en est ainsi, évoquons ces nobles mémoires. En se présentant à notre esprit, elles fortifieront notre conscience vacillante et raffermiront notre courage ébranlé.

Cher collègue, qui fus pour moi, pendant près de quinze ans, le conseiller le plus sûr et l'auxiliaire le plus fidèle, au nom de tous ceux qui t'ont estimé, c'est-à-dire de tous ceux qui t'ont connu, je t'adresse un éternel et douloureux adieu. »

Discours de M. Rocquain, chef de section aux Archives nationales aux funérailles d'Edmond Dupont :

« Messieurs,

Au nom de la Société de l'École des chartes, je demande la permission d'ajouter quelques mots aux discours que vous venez d'entendre. Entré dans notre Société au mois de juillet 1853, un an après sa sortie de l'École, Edmond Dupont fut nommé, au mois d'avril 1860, membre de la commission des fonds. Il porta, dans ces modestes et parfois délicates fonctions, les mêmes qualités qu'il montra dans des fonctions plus importantes, je veux dire la droiture, l'exactitude et une exemplaire assiduité. Jamais il ne manqua aucune de nos séances. Depuis bien des années, l'état de sa santé l'empêchait d'assister à nos banquets mais on le voyait fidèle à nos réunions mensuelles, fatigué et déjà pâli par la maladie, souriant néanmoins à ses confrères qu'il avait plaisir à trouver rassemblés. Il portait à notre Société un vif et profond attachement. Il eût voulu la voir se développer, devenir à la fois un centre d'utiles informations pour nos jeunes érudits, un moyen de discrète assistance pour nos confrères malheureux et surtout un lien de solide et mutuelle affection. C'est à ce titre qu'il demandait que toujours des notices biographiques fussent consacrées, dans notre recueil, à ceux de nos confrères que nous avions la douleur de perdre. Il souhaitait aussi que toujours un hommage leur fût rendu ou, tout au moins, qu'un souvenir leur fût donné à leur suprême demeure. Conformément à ses vœux et au nom de la Société de l'École des chartes, je lui apporte cet hommage, je lui offre ce souvenir, dû à ses estimables qualités, et j'envoie à notre cher et regretté confrère un affectueux et dernier adieu. »


Sources