L'administration du Pas-de-Calais pendant la Grande Guerre

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Dans un exposé donné en septembre 1918 lors de la deuxième session du Conseil général du Pas-de-Calais, le préfet Robert Leullier livra un aperçu exhaustif de l'activité de l'administration du Pas-de-Calais d'août 1914 à septembre 1918.

Au-delà des nombreuses données statistiques, ce rapport d'activité décrit avec précision le fonctionnement des procédures mises en place pour pallier aux effets de la guerre dans l'ensemble des domaines d'intervention des pouvoirs publics : administration, œuvres de guerre, économie, solidarité, assistance, instruction publique, réfugiés, rapatriés, pupilles de la Nation, mutilés de guerre, première reconstruction, etc. Il apporte un éclairage précieux sur l'incroyable défi administratif que les administrations du Pas-de-Calais ont dû relever : gérer le quotidien et l'exceptionnel.

Nous vous proposons ci-dessous la transcription de ce document dont un original est conservé aux Archives départementales du Pas-de-Calais sous la cote BA P 452/129


Sommaire

Titre

La vie administrative, les œuvres de solidarité, d'assistance, d'hygiène et d'enseignement, et la vie économique du département du Pas-de-Calais pendant la guerre

Exposé présenté en 1918, à la deuxième session de l'assemblée départementale, par M. Robert Leullier, préfet.

Introduction

Page de couverture
Page de couverture de l'exposé

Messieurs, partiellement envahi dès le premier mois des hostilités, le département du Pas-de-Calais subit depuis plus de quatre années les plus pénibles et les plus douloureuses épreuves. Dans deux de ses arrondissements, plusieurs cantons n'ont cessé d'être occupés par les troupes de l'empereur allemand. Un grand nombre d'habitants sont encore soumis aux souffrances morales et matérielles que l'ennemi s'ingénie à multiplier avec des raffinements inouïs de barbarie et de cruauté. Ceux qui ont échappé à son étreinte ont dû abandonner tout ce qu'ils possédaient. Le fruit de leur travail, de leurs laborieux efforts, celui des générations qui les ont précédés sont anéantis. La libération est prochaine, mais à leur retour nos malheureux compatriotes ne trouveront plus que des ruines amoncelées, des territoires bouleversés, et, partout, le spectacle de la plus indicible désolation. La nation tout entière a l'impérieux devoir de les secourir et de les aider dans la lourde tâche que nécessite leur relèvement. Elle n'y faillira pas.

Mais si nombreuses et si agissantes que puissent être les marques de solidarité, notre Département n'en restera pas moins parmi ceux qui auront le plus cruellement souffert de la guerre. Si les habitants des communes demeurées libres ont été moins éprouvés, ils auront eu cependant leur grande part de deuils, de tristesses et de ruines. Il n'est guère, en effet, de communes qui aient été épargnées. Aussi, n'est-il pas de département qui ait été plus que le nôtre associé aux heures angoissantes que le pays a vécues, comme aussi aux espoirs qu'il a successivement vu naître.

À chaque page de l'histoire de cette guerre reviendront les noms des localités du Pas-de-Calais à jamais célèbres par les combats – de fortune diverse mais tous infiniment glorieux pour nos armes – qui s'y sont déroulés.

1914 ! C'est la séparation d'une partie du département du reste de la France et l'exode douloureux d'un grand nombre de ses habitants ; mais c'est aussi l'arrêt de l'envahisseur, le salut du reste du pays assuré par l'héroïque résistance du front d'Artois. C'est Arras, son chef-lieu, meurtrie par le bombardement, qui reste inviolée. Et ses habitants voient leur foi inébranlable dans les destinées immortelles de la Patrie accrue par leur martyre même.

1915 ! C'est la retentissante épopée de Loos-en-Gohelle, de Lorette, d'Ablain-Saint-Nazaire, de Souchez, de Carency qui surexcite les espérances.

1916 ! C'est Verdun et, plus près de nous, l'offensive de la Somme qui détermine le premier repli important de l'ennemi.

1917 ! C'est la reprise de la crête de Vimy et de Monchy-le-Preux et, aussitôt après, la première tentative pour la renaissance économique des localités récupérées.

1918 nous apporte une nouvelle épreuve : la perte de la plus grande partie des communes reconquises et de plusieurs autres restées jusqu'alors hors d'atteinte de l'ennemi, et en même temps, le bombardement violent et sans excuses des agglomérations de l'arrière. La liste des innocentes victimes civiles s'allonge journellement et les ruines s'ajoutent aux ruines.

Mais bientôt la vaillance des armées françaises et alliés ramène la victoire.

À travers les fluctuations inévitables des batailles, l'admirable confiance des populations de l'Artois n'a jamais fléchi. Leurs souffrances ont décuplé leur volonté de servir passionnément le pays : elles lui ont apporté sous des formes diverses tout ce qu'il était possible d'attendre du patriotisme le plus éclairé et d'une adaptation exceptionnellement rapide aux entreprises créées en vue d’accroître les moyens d'actions de la Défense nationale.

Depuis les communes de la ligne de feu où ils ont peiné sous les obus jusqu'à celles si convoitées du littoral, les habitants ont rivalisé de zèle pour contribuer au ravitaillement civil et militaire et faire face aux besoins de l’armée en munitions et en matériel.

À l'entrée de la cinquième année de guerre, j'ai pensé qu'il pouvait être intéressant de fixer dans un cours exposé la vie du département depuis l'ouverture des hostilités. J'ai divisé cet exposé en trois parties :

I-La partie administrative

II-La partie concernant les œuvres de solidarité, d'assistance, d'hygiène et d'enseignement

III-La partie économique

La partie administrative

Le rôle du Conseil général

L'action, ininterrompue et féconde de ses membres, répondit entièrement à la confiance que les populations avaient placée en ses représentants à l'Assemblée départementale. C'est un devoir pour moi de mentionner les sentiments de profonde gratitude qu'elles leur ont voués pour leur dévouement inlassable et dont je recueille si souvent les échos.

Mais ce n'est pas seulement de l'œuvre accomplie dans les limites du Département qu'elles leur savent gré. Elles sont fières, à juste titre, de l'éclat que projettent sur elles et sur le Conseil général tout entier les immenses services rendus à la Nation par votre éminent président.

Personne n'ignore le grand rôle rempli par monsieur Jonnart. La mission délicate et périlleuse qu'il accepta de remplir en Grèce le classe, par son éclatant succès, au premier rang des diplomates qui ont illustré notre pays.

C'est encore à M. Jonnart, que monsieur le Président du Conseil fit appel pour diriger le premier ministère des Régions Libérées. Depuis lors, le Gouvernement lui a demandé d'accepter la haute et lourde tâche d'administrer l'Algérie. Il a su, par sa clairvoyante activité et sa compétence avertie, obtenir tous les résultats que le Gouvernement avait espérés.

La nomination de monsieur Boudenoot, appelé à la présidence de la commission sénatoriale de l'armée où il succéda à monsieur Clemenceau devenu Président du Conseil, est encore un titre d'honneur pour l'Assemblée Départementale où il occupe une si grande place.

Elle a permis à votre collègue de déployer pour le service de la Défense nationale ses exceptionnelles qualités, servies par la plus remarquable puissance de travail.

Vous me permettrez de rappeler également la grande place occupée dans les Conseils du Gouvernement par deux autres élus du Pas-de-Calais. Depuis le début des hostilités, l'un d'eux, M. Ribot, a été successivement Ministre des Finances, Président du Conseil et Ministre des Affaires Étrangères. Dans ces divers postes, il a une fois de plus hautement honoré notre département.

L'autre, M. Léon Abrami, tout nouveau venu au Parlement, a su rapidement s'y imposer par sa valeur et ses dons de séduction. Après avoir montré sur les champs de bataille la plus belle vaillance dont témoignent ses citations et sa croix de la Légion d'Honneur, il est à l'heure présente, un des collaborateurs les plus immédiats et les plus précieux de M. le Président du Conseil, et sa place est déjà marquée dans la glorieuse lignée des Parlementaires dont s'enorgueillit si justement le Pas-de-Calais.

Je serais incomplet si je ne rendais aussi un hommage mérité aux services rendus à la Défense nationale et au département par un autre de vos collègues, M. Elby, l'actif et dévoué directeur général des mines de Bruay, qui a intensifié, de la façon la plus remarquable, la production dans le bassin houiller du Pas-de-Calais. C'est cette intensification qui a permis de poursuivre et de mener à bien le gigantesque effort qu'a dû accomplir notre pays pour se défendre contre l'agression ennemie.

Plusieurs membres du Conseil général nous sont revenus après un long séjour dans les régions occupées par l'ennemi ou dans les prisons allemandes.

M. le docteur Quettier est resté en captivité pendant plus de trois ans. Il avait été fait prisonnier à Maubeuge où il commandait un bataillon. MM. Bachelet, Goubet, Moth, Manoury, Basly et Lamendin ont été rapatriés après avoir eu à supporter de pénibles souffrances morales et matérielles.

M. Sougey est encore dans les lignes ennemies où il est soumis aux mêmes cruelles épreuves.

MM. Dacquin, Évrard, de France, Paris et Salmon sont mobilisés.

L'assemblée a eu à déplorer la fin tragique de M. Briquet, représentant le canton de Vimy, qui a trouvé la mort, en même temps que M. Albert Tailliandier, dans l'hôtel de ville de Bapaume, au moment où tous deux venaient apporter leur assistance aux habitants qu'ils espéraient retrouver dans les régions libérées.

Le Conseil général a encore vu réduire le nombre de ses membres par la mort prématurée de MM. Boutleux, Caron, Farjon, Gailly, Lebleu, Lengagne, de Quandalle et Rose.

Enfin, mon regretté prédécesseur et ami, M. Briens, est décédé, victime du surmenage qu'il s’était imposé par suite de son dévouement et de son attachement au Pas-de-Calais.

À tous ces disparus les populations conserveront pieusement un souvenir ému et reconnaissant.

Le rôle des maires

Il fut particulièrement important depuis le début des hostilités.

Dans les communes envahies, c'est le maire qui aura été l'âme de la résistance aux vexations et aux exigences de l'ennemi. C'est lui qui défendit pied à pied, avec une énergie qui rien ne rebuta, les intérêts et souvent la vie de ses administrés. Il assura le ravitaillement dans des conditions généralement fort pénibles, paya les allocations à l'aide de bons municipaux que les circonstances l'obligèrent à émettre, pourvut aux besoins de chacun, protégea les femmes et les enfants privés de leur soutien, mobilisé ou absent, et personnifia, par sa courageuse attitude, la confiance dans la victoire et dans l'immanente justice.

Presque tous les maires ont été maltraités par l'ennemi, beaucoup ont été emprisonnés ; d'autres ont même été fusillés. La France saura reconnaître leur héroïsme et le glorifier.

Dans les communes situées sur la ligne de feu, la mission des maires fut infiniment pénible, car elle dut s'accomplir sous les obus et se heurter à des difficultés sans cesse renouvelées. Ce furent des soldats eux aussi qui demeurèrent à un poste d'honneur et de péril.

Dans les communes libérées, la vie des maires fut un véritable renoncement. Ils donnèrent un admirable exemple de volonté tenace, et c'est leur patriotisme et leur énergie qui contribueront le plus efficacement à la restauration des régions récupérées.

Dans les communes de l'arrière, la tâche des premiers magistrats municipaux fut écrasante. Ils eurent à traiter les questions de ravitaillement, de réquisitions, de mise en culture des terres, de circulation, d'hygiène, d’assistance aux réfugiés, aux familles des mobilisés et des sinistrés, de logement et de cantonnement des troupes, etc. les maires de l'arrière ont été les auxiliaires les plus précieux de l'administration. Déjà lourdes en temps de paix, leurs fonctions auront été particulièrement ingrates en temps de guerre. Jamais les populations, plus conscientes - dans le recul du temps – de leur dévouement et de leurs efforts, ne pourront assez leur manifester leur reconnaissance.

Personnel des services départementaux

Malgré les nombreux vides qui se sont produits tant dans les bureaux de la préfecture que dans ceux des sous-préfectures à la suite de la mobilisation, et malgré l'accroissement considérable des travaux et leur complexité dus à l'état de guerre, la marche des services départementaux a été assurée normalement.

Mais, pour faire face aux besoins nouveaux, les agents du cadre permanents ont eu à faire preuve de la plus louable activité et des plus intelligentes initiatives sans lesquelles les millions de requêtes qui sont parvenues à l'administration préfectorale, souvent dans des conditions fort sommaires, n'auraient pu aboutir. Ils ont été aidés dans leur laborieuse tâche par des employés auxiliaires qui ont également témoigné de leur ardeur au travail et dont la collaboration nous fut précieuse. En dehors des services ordinaires du temps de paix, les nécessités de la guerre ont entraîné la création de services nouveaux qui ont pris une particulière extension par suite de la densité de la population, du grand nombre des éprouvés et de l'insuffisance des moyens d’action.

Par exemple :

  • Circulation dans la zone des armées.
  • Circulation automobile.
  • Carnets d'étrangers et cartes d'identité.
  • Ravitaillement : cession de denrées aux magasins municipaux et aux coopératives.
  • Réglementation et taxation des denrées.
  • Réglementation et répartition du pétrole et de l'essence entre les municipalités.
  • Réglementation de la consommation du gaz et de l’électricité.
  • Sursitaires.
  • Conscriptions successives.
  • Réquisitions.
  • Allocations aux familles de mobilisés.
  • Allocations aux victimes civiles de la guerre.
  • Service des réfugiés.
  • Service des rapatriés.
  • Secours aux soldats des régions envahies.
  • Fédération départementale des comités d'assistance aux prisonniers de guerre du Pas-de-Calais.
  • Rééducation professionnelle et placement des mutilés et blessés de la guerre.
  • Secours aux populations victimes des événements de guerre.
  • Évacuation des populations des communes menacées.
  • Évacuation du matériel, des marchandises et des mobiliers des communes menacées.
  • Établissement des plans d'alignement dans les communes sinistrées.
  • Application de la loi sur les baux à loyer.
  • Création de cimetières militaires.
  • Contrôle des œuvres de guerre.
  • Œuvre Le Vestiaire des envahis. Œuvre Le Pas-de-Calais dévasté.
  • Mandatement des dépenses afférentes aux nouveaux services créés par l'état de guerre.
  • Allocation aux petits retraités de l'État.
  • Assistance aux militaires tuberculeux de la guerre.
  • Assainissement des régions libérées.
  • Extension des lois relatives à l'assistance aux vieillards, aux familles nombreuses et aux femmes en couche.
  • Gaz asphyxiants. Mesures préventives.
  • Service médical des populations civiles.
  • Tombes militaires, emplacement, recherches.
  • Contrôle de la main d'œuvre agricole.
  • Contrôle des battages.
  • Mise en culture des terres abandonnées.
  • Reconstitution des régions libérées et des dommages de guerre.
  • Bureau des charbons.
  • Office permanent des céréales et ravitaillement en sucre.
  • Office départemental des pupilles de la Nation.

Le livre d'or de l'administration

Croix de la Légion d'honneur et croix de guerre

  • L. Briens, préfet du Pas-de-Calais, Commandeur de la Légion d'honneur.
  • Bonnefoy-Sibour, sous-préfet de Béthune, chevalier de la Légion d'honneur et croix de guerre.
  • Gerbore, vice-président du conseil de préfecture, chevalier de la Légion d'honneur et croix de guerre.
  • Capitaine Flament, archiviste départemental, chevalier de la Légion d'honneur et croix de guerre.
  • Capitaine Vasseur, rédacteur à la préfecture chevalier de la Légion d'honneur et croix de guerre.
  • Lieutenant Rigaux, secrétaire de la sous-préfecture de Boulogne-sur-Mer, croix de guerre.
  • Sous-lieutenant Daman, expéditionnaire à la sous-préfecture de Béthune, croix de guerre.
  • Sous-lieutenant Labenne, contrôleur des services d’assistance à la sous-préfecture de Béthune, croix de guerre.
  • Sergent-fourrier Malbranque, chef de bureau à la préfecture, croix de guerre.
  • Sergent Denoyelle, rédacteur à la préfecture, croix de guerre.
  • Caporal Manfredi, rédacteur à la préfecture, croix de guerre.
  • Soldat Ledent, commis d'ordre à la préfecture, croix de guerre.
  • Soldat Crohen, concierge à la préfecture, croix de guerre.
  • Quennehent, commis d'ordre, croix de guerre.

Tués à l'ennemi

  • Guindey, sous-préfet de Boulogne, lieutenant d'infanterie.
  • Clipet, employé à la sous-préfecture de Boulogne.
  • Desmaret, commis d'ordre à la sous-préfecture de Montreuil.
  • Vigneron, chimiste à la station agronomique d'Arras.

Tués au cours des bombardements d'Arras

  • Warin, huissier auxiliaire à la préfecture.
  • Delattre, employé auxiliaire à la préfecture.

Disparus

  • Flament, archiviste départemental, capitaine d’infanterie.
  • Ternaux, rédacteur à la préfecture.

Réformé suite de blessures aux armées

  • Malbrancque, chef de bureau à la préfecture.

Blessés aux armées

  • Lieutenant Rigaux, secrétaire à la sous-préfecture de Boulogne, blessé deux fois.
  • Caporal Deleury, rédacteur à la préfecture, blessé deux fois.
  • Soldat Hucquedieu, rédacteur à la préfecture, blessé une fois.
  • Caporal Manfredi, rédacteur à la préfecture, blessé deux fois.
  • Maréchal des logis Plé, rédacteur à la préfecture, blessé une fois.
  • Delannoy, commis d'ordre à la sous-préfecture de Boulogne, blessé deux fois.

Prisonniers de guerre Six employés ont été faits prisonniers et sont internés en Allemagne.

Personnel des retraites ouvrières et paysannes

Médaillé militaire et croix de guerre

  • Paul Lemaire, soldat dans l’infanterie.

Croix de guerre

  • Gérard Boury, sous-lieutenant d'infanterie, quatre citations.
  • Marcel Basset, sergent d'infanterie, trois citations.
  • Marcel Dufour, brigadier d'artillerie, deux citations.
  • Georges Quatreline, brigadier d'artillerie, une citation.
  • Alphonse Schlosser, soldat d'infanterie, une citation.

Blessés

  • Paul Lemaire (cécité, réformé).
  • Duflos (réformé).
  • Woirion
  • Gérard Boury
  • Quatreline
  • Huret
  • Schlosser

Ravitaillement de la population civile

Blés et farines

Depuis le début des hostilités, la question du ravitaillement de la population civile du département a nécessité l'intervention des pouvoirs publics.

Le Pas-de-Calais, quoique producteur de céréales, n'a pu, avec ses propres récoltes, suffire à l'alimentation de ses habitants et le service central du Ravitaillement a dû lui consentir des cessions de blés et de farine.

Si, en 1914 et 1915, le département est arrivé à se ravitailler normalement sans l'aide appréciable du Gouvernement, puisqu'il n'a été consenti en 1915 que 40.000 quintaux de blé, il n'en a pas été de même pour les années 1916 et 1917 pendant lesquelles des envois de blé d’outre-mer et de farines exotiques ont été sans cesse réclamés au ministère du Ravitaillement.

En effet, la campagne de 1916-1917 accusait une production totale de 1.144.480 quintaux de blé et ne pouvait assurer que jusqu'à la mi-juin l'alimentation des 850.000 habitants que comptait la population du Pas-de-Calais, auxquels il fallait ajouter les nombreuses troupes alliées cantonnées sur le territoire.

Par suite de la lenteur des opérations de battage en régie, qui n'était alors qu'à la période de début, de nombreux moulins se trouvèrent dépourvus de blé et il a fallu recourir au service central du Ravitaillement dès le mois d'octobre 1916 pour les alimenter.

C'est ainsi que l'administration préfectorale a été amenée à demander l'envoi régulier de 50.000 quintaux de blé par mois. Mais à la date du 1er mai 1917, le ministère n'avait attribué au département tant en blé qu’en farine que 180.540 quintaux, ce qui fait une moyenne d’environ 30.000 quintaux. La situation s'aggravant et les départements voisins de la Somme et de l'Oise possédant encore d'importants stocks de céréales, le ministère décida que la Somme nous fournirait chaque jour 1.000 quintaux de blé, pendant que l'Oise expédierait 800 quintaux de farine à partir du 1er juillet.

À ces quantités vinrent s'ajouter 2.000 tonnes de farine en provenance de la Chambre de commerce de Dunkerque et les apports de blé et de farine exotiques consentis directement par le Ravitaillement Général.

Les difficultés chaque jour grandissantes dues au caractère nettement déficitaire de la récolte de 1917 et à l'insuffisance de plus en plus marquée des moyens de transport, m'ont amené à apporter pour l'exercice qui commence de profondes modifications pour l'organisation du service. J'ai pris, par ailleurs, des mesures pour la constitution de stocks destinés à éviter le retour des difficultés indiscutables que j'ai trouvées à mon arrivée dans le Pas-de-Calais. J'ai confié la direction du service réorganisé à M. Mariette. Je n'ai qu'à me louer de sa collaboration dévouée, intelligente autant que désintéressée.

Céréales panifiables. Réorganisation du service

Dès mon arrivée dans le département, j'ai recherché les éléments permettant de faire face à une situation critique dans toute la France, mais plus angoissante dans la zone des armées en raison des difficultés de transport, tant par fer que par mer.

Dans cet ordre d'idée, ma préoccupation première a été de connaître les quantités de céréales panifiables indispensables à nos besoins. Ce calcul établi, il importait de faire l'inventaire de nos ressources afin de savoir ce qu'il y avait lieu de demander à l'importation. La situation était grave.

En effet, nous avions vécu sur les ressources locales à l'exception d'importations à peu près insignifiantes. La conséquence de ce régime fut que dès le mois d'avril il n'y avait plus à proprement parler de disponibilités locales dont il nous eût été possible de faire emploi. J'ai donc dû signaler cette situation à M. le Ministre du Ravitaillement. Au cours de plusieurs entretiens, nous nous sommes mis d'accord sur les quantités indispensables au département, et M. le Ministre a bien voulu me promettre de nous les faire parvenir. Des difficultés de transport indépendantes de sa volonté et résultant d'impérieuses nécessités militaires ont malheureusement trop souvent empêché les expéditions.

Par ailleurs, j'avais constaté des défectuosités très grandes dans le fonctionnement des moulins et dans la façon dont les minotiers procédaient aux distributions. Aussi, ai-je résolu de remanier complètement le système en vigueur. Mais j'ai dû attendre l'ouverture de la campagne 1918-1919 pour mettre en mouvement la nouvelle organisation. Des instructions précises ont été données pour arriver à une répartition équitable entre toutes les communes et en rapport avec leurs besoins. J'ai l'espoir que les mesures nouvelles permettront d'éviter pour la nouvelle campagne agricole les difficultés rencontrées au cours de ces derniers mois et qui n'ont pu être surmontées que grâce à l'esprit de patriotisme de nos populations. Voici le principe sur lequel repose le service des répartitions des céréales panifiables.

Jusqu'au 5 octobre prochain, le système ancien permettant l'approvisionnement, sans contrôle suffisant, des communes par les meuniers, aussi bien des quantités livrées par eux que de celles reçues par ailleurs par les Maires, subsistera pour faire place, à compter du 6 octobre, au régime nouveau ainsi défini :

Les meuniers ne pourront plus, à partir de cette date, délivrer aucune quantité de farine aux Maires pour l'alimentation des habitants de leur commune que sur présentation d'un bon qui aura été adressé en temps opportun au Maire de chaque commune par le service compétent de la préfecture.

Chaque semaine, un bon sera envoyé de façon à ce qu'il parvienne 4 ou 5 jours avant la période hebdomadaire pour laquelle il est établi.

Ci-dessous un modèle de ce bon, le talon devant rester à la Direction générale du Ravitaillement :


Bon d'approvisionnement en céréales auprès des meuniers


Et pour qu'aucune confusion ne puisse exister dans l'interprétation à donner à ces bons, les circulaires dont ci-après copies ont été adressées tant aux maires parties prenantes qu'aux meuniers chargés de livrer les farines :

« Boulogne, le 11 septembre 1918

Le Directeur général du Ravitaillement,

À messieurs les maires du département,

J'ai l'honneur de vous informer qu'à partir du 6 octobre prochain, la farine destinée hebdomadairement à l'alimentation de vos administrés ne pourra vous être délivrée que par le meunier désigné pour l'approvisionnement de votre commune et sur présentation d'un bon émanant de la direction générale du Ravitaillement du Pas-de-Calais. Ces bons vous seront adressés chaque semaine suffisamment à temps pour permettre votre ravitaillement normal et continu. Leur envoi sera accompagné d'une note de transmission au bas de laquelle se trouvera un reçu que vous aurez à me retourner dûment daté et signé par le premier courrier.

L'instauration de cette nouvelle méthode a pour but l'utilisation rationnelle de nos ressources en même temps que leur répartition entre toutes les localités sur un pied d'égalité. Elle est rendue nécessaire par le souci qui s'impose de prendre dès le début de la campagne, les mesures susceptibles de prévenir le gaspillage ainsi que tous abus de nature à compromettre l'avenir.

Je veillerai personnellement, en ce qui me concerne, à ce que les abus qui me seront signalés soient rigoureusement réprimés et je compte que de votre côté vous tiendrez à cœur de seconder ma tâche dans cette voie. Il ne vous échappera pas que c'est par une collaboration étroite et la coordination de nos efforts que le but assigné pourra être atteint et ce pour le plus grand bien de tous. »

Circulaire aux meuniers :

« Boulogne, le 11 septembre 1918

Le Directeur général du Ravitaillement,

À messieurs les meuniers du département,

J’ai l'honneur de vous informer qu'à partir du 6 octobre prochain au matin, aucune quantité de farine ne devra plus sortir de votre moulin que sur présentation par la partie prenante, en l'espèce le maire de chaque localité, d'un bon émanant de la direction générale du Ravitaillement du Pas-de-Calais. Sous aucun prétexte cette mesure ne pourra être enfreinte, ni les quantités de farine figurant sur chaque bon modifiées, sans donner lieu à l'application contre les meuniers des sanctions prévues par les dispositions réglementaires en vigueur.

Vous aurez à me renvoyer le samedi soir de chaque semaine, accompagnés d'une situation hebdomadaire établie sur les formules ci-jointes, les bons pour lesquels vous aurez délivré de la farine dans le courant de la semaine. Ces bons serviront de pièces justificatives de sortie de votre moulin. L'application de ces mesures est dictée par le souci qui s'impose d'utiliser la nouvelle récolte au mieux des intérêts de l'alimentation en s’attachant dès le début de la campagne à employer nos ressources le plus judicieusement possible, afin de prévenir dans toute la mesure compatible avec les circonstances les gaspillages et les incertitudes de l’avenir.

Je ne doute pas, Messieurs, que vous ne secondiez notre tâche de toute votre bonne volonté ; votre esprit de profond patriotisme m'est d'ailleurs un sûr garant de la bonne marche de l'organisation nouvelle.

Vous trouverez ci-joint la liste des communes rattachées à votre moulin d'après le nouveau contingentement qui vient d'être fait avec l'indication des quantités de farine nécessaires à chacune d'elles. En dehors de ces communes, vous ne devrez sous aucun prétexte délivrer une quantité quelconque de farine aussi minime soit-elle.

J'ajoute que vous devrez continuer jusqu'au 5 octobre inclus à ravitailler les communes que vous desservez actuellement suivant les bases de l'ancien contingentement. »

Formulaire d'entrée et sortie de moulin
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Meuniers

Pour l'alimentation en farine des populations du Pas-de-Calais, nous disposons des deux éléments suivants :

  • Les meuniers qui ne doivent travailler que pour le commerce ;
  • Les meuniers à façon qui ne doivent travailler qu'à façon.

Les meuniers du commerce ont dans leur ensemble une capacité d'écrasement journalière moyenne de plus de 35.000 quintaux. Les besoins de la consommation étant de 2.100 quintaux environ par jour, le contingentement des communes a été établi d'après ces bases, en prenant toutefois en considération les facilités de communication.

Un autre élément d'appréciation méritait également de fixer l'attention.

Les moulins sont ou à force hydraulique, ou mûs par la vapeur, ou enfin à force mixte, c'est-à-dire actionnés partie par la force hydraulique, partie par le charbon. En raison de la situation économique du pays, nos regards se sont portés plus complaisamment sur les moulins à force hydraulique qui ont pu bénéficier de nos préférences toutes les fois que cette préférence n'a pas été de nature à nuire à d'autres meuniers.

Meuniers à façon

En ce qui concerne les façonniers, je leur ai transmis les instructions ci-après :

« Le Directeur général du Ravitaillement,

À messieurs les meuniers du département travaillant à façon,

MM. les contrôleurs des moulins ont constaté dans leurs tournées que certains meuniers travaillant à façon ne tenaient aucun compte des observations qui leur étaient faites pour l'application des lois et règlements, quelques-uns auraient même déclaré vouloir travailler avec toutes les facilités du temps de paix sans se préoccuper des mesures d'ordre général imposées par le Gouvernement.

Je rappelle à tous les meuniers à façon que comme tous les Français, ils doivent respecter les lois et règlements rendus nécessaires par le temps de guerre et s'y soumettre d'une façon loyale et complète.

En conséquence, tout meunier devra épingler, sur chaque sac de céréales qui lui est apporté pour la mouture, le permis de circulation en vertu duquel le cultivateur a pu transporter ce grain.

Chaque sac non muni de ce permis sera saisi sur le champ, et le meunier coupable de cette non observation des règlements sera rayé de la liste des meuniers admis à travailler à façon et son moulin sera fermé.

Je tiens à préciser que le présent avis sera le seul donné, les sanctions nécessaires seront prises sans faiblesse contre tous ceux qui ne voudront pas se soumettre librement. »

Circulation des céréales

« Le Directeur général du Ravitaillement,

À messieurs les maires du département,

Il me revient que les prescriptions réglementaires édictées par les décrets des 30 novembre 1917 et 22 juillet 1918 en ce qui concerne la circulation des céréales serait, dans bien des cas, inobservées.

J'ai l'honneur de vous rappeler à ce sujet, qu'aucune quantité de céréales ne peut être transportée sans un permis de circulation délivré par vos soins quand il s'agit de transport sur route, que la marchandise soit achetée par un meunier, un courtier ou intermédiaire ou par un négociant.

D'autre part, toute quantité de céréales transportée par le producteur au moulin travaillant à façon doit obligatoirement faire l'objet d’un permis de circulation ; de même, la farine et le son rapportés du moulin à façon par le producteur sont également astreints au permis de circulation.

En vous précisant ces dispositions à la rigoureuse observation desquelles je vous prie de veiller avec un soin tout particulier, je vous serai obligé d'informer tous producteurs intéressés de votre commune que j'ai donné des instructions impérieuses pour que toutes céréales circulant sans le permis réglementaire soient immédiatement réquisitionnées. Celles se trouvant dans les moulins à façon où elles auront été apportées par les producteurs seront également saisies si le permis en vertu duquel elles auront pu y être transportées n'est pas épinglé sur le ou les sacs en dépôt chez le façonnier en attendant la transformation du grain en mouture. Les réquisitions ainsi opérées seront faites avec une réfaction de 15 francs au quintal sur les prix fixés par le décret du 21 mai dernier. Il en sera de même pour la farine et le son de retour du moulin à façon sans permis. Mais pour la farine, la réquisition sera faite avec une réfaction de 20 francs au quintal.

En ce qui concerne les farines et issues livrées par les meuniers travaillant pour le commerce, elles sont affranchies du permis de circulation. »

Stocks communaux

J’ai décidé d'en favoriser la création dans les communes qui en feront la demande.

La constitution de ces stocks communaux qui répondraient aux besoins des quatre derniers mois de la campagne agricole qui s'ouvre, mais qui joueraient sur cinq mois, nous permettrait d'envisager l'avenir avec confiance, en nous mettant à l'abri des difficultés auxquelles nous avons dû faire face depuis mai dernier.

Ces stocks peuvent être de trois catégories :

  • Ils peuvent être composés pour les communes exclusivement rurales de grains trouvés sur place, emmagasinés sur place dans des magasins communaux ; ces quantités réunies représentant quatre mois de la consommation de la commune. Le stock pourra être constitué par la création d'une sorte de coopérative municipale avec l'apport par chaque producteur de quantité de grains variables qui lui seraient payés au moment de la sortie des magasins communaux pour être livrés à la consommation. Un intérêt de la valeur représentative du grain sort serait versé.
  • La deuxième combinaison est mixte. Elle est établie par l'apport d'une partie des grains par les habitants de la commune et par l'achat au Bureau permanent du complément nécessaire. Les ressources permettant de constituer les stocks peuvent être obtenues à l'aide d'un emprunt communal.
  • Enfin, le stock peut être formé uniquement de grains fournis par le Bureau permanent. C'est à l'organisation de ce dernier stock que devront généralement recourir les villes et les communes ne pouvant trouver sur leur territoire les quantités de grains reconnues indispensables.

Voies et moyens

Pour faire face aux dépenses résultant de la constitution des stocks, les moyens suivants peuvent être adoptés :

  • Pour les communes ayant des fonds libres, mon administration autorise l'affectation de ces disponibilités au paiement des blés.
  • Pour les communes qui n'ont pas de fonds libres, elles pourront contracter un emprunt. Afin d'éviter la passation d'un contrat à longue échéance, il convient de s'adresser à des particuliers prêtant pour un an, par exemple, au lieu de recourir aux établissements de crédit qui consentent habituellement des prêts aux communes.
  • Dans le cas où la commune n'aurait pas de disponibilités et ne trouverait pas de prêteur, l'administration préfectorale s'est concertée avec le Comptoir National d'Escompte. Cet établissement consentira aux communes, qui en feront la demande, un prêt d'une durée d’une année, moyennant un intérêt de 7 %, tous frais compris.

Enfin, l'approbation préfectorale sera donnée aux marchés payables et livrables à terme (mai prochain) qui seraient contractés avec des cultivateurs de la commune ou des environs à qui un intérêt pourrait être versé à compter du jour de la passation du contrat.

Répartition du sucre

Le régime de la répartition du sucre repose sur l'arrêté ministériel du 20 octobre 1916, instituant des Comités départementaux et sur l'arrêté préfectoral du 29 janvier 1917 réglementant la vente et la consommation du sucre (carnet de consommation).

Aux termes de l'arrêté type du 29 janvier précité, chaque commerçant est réapprovisionné par le Comité départemental de la quantité de sucre débitée par lui le mois précédent et attestée par le récépissé du dépôt à la mairie, des tickets détachés des carnets de ses clients.

Mais, cet arrêté qui laissait au consommateur la faculté de se ravitailler soit dans sa commune soit dans celles limitrophes de sa résidence ne tarda pas à ouvrir la porte à de nombreux abus en permettant aux commerçants et particulièrement aux grossistes de drainer les coupons de toute une région et de monopoliser ainsi le commerce de la denrée.

Cet état de choses très défectueux a motivé de vives récriminations et a nécessité la modification des dispositions réglementaires en vigueur. L'arrêté préfectoral du 20 juin 1917, modificatif de celui de janvier, a limité la vente du sucre par les commerçants à la commune domicile des consommateurs.

L'application de cet arrêté a facilité considérablement la tâche du Comité départemental qui, à partir du 1er juillet 1917 a pu effectuer pour chaque commune une répartition équitable en prenant pour base le chiffre de la population. C'est ainsi que mensuellement il est attribué au maire le contingent de sucre auquel peut prétendre la localité, à charge pour lui d'en effectuer la distribution aux commerçants de sa commune, au prorata des tickets remis à la mairie par chacun d'eux.

Expédition des sucres

Aux termes des prescriptions ministérielles motivées, les sucres ne peuvent être expédiés soit des raffineries, soit des entrepôts ou sucreries, que par wagon complet de dix tonnes adressé à une seule personne qui en assure le paiement d'avance. D'où la nécessité pour le Comité départemental de rechercher le concours de personnes qui, pour une région déterminée, consentiraient à faire les avances de fonds préalables à l'expédition de toute marchandise et à assurer la distribution de celle-ci aux diverses parties prenantes. Sur cette base toute une organisation a été créée avec le concours des chambres de commerce, de négociants, de maires des chefs-lieux de cantons qui, en qualité d'agents réceptionnaires et distributeurs du Comité, assurent moyennant une rémunération de 1 % le paiement d'avance, la prise en charge du sucre et sa distribution suivant les indications de l'état de répartition dressé mensuellement par le Comité départemental.

Ravitaillement en denrées alimentaires de première nécessité

Durant les trois premières années de guerre, la population civile du Pas-de-Calais est parvenue à assurer ses approvisionnements alimentaires par les moyens habituels du commerce, mais ce ravitaillement est devenu difficile en raison de la pénurie des moyens de transports ; le sous-secrétariat d'État du Ravitaillement, direction des Vivres, est alors intervenu en accordant des cessions de denrées alimentaires de premières nécessités aux centres importants du département.

Le Pas-de-Calais a obtenu au cours de cette année jusqu'au 1er septembre les attributions ci-après qui ont été réparties entre les collectivités :

  • Riz : 70.000 kilos.
  • Pâtes alimentaires : 25.500 kilos.
  • Avoine décortiquée : 21.200 kilos.
  • Lait condensé : 136 kilos.
  • Lentilles : 1.000 kilos.
  • Conserves de saumon : 670 kilos.
  • Jambons salés : 11.577 kilos.
  • Saindoux : 50 kilos.
  • Saucisson : 5.475 kilos.

D'autre part, conformément aux dispositions prévues par M. le sous-secrétaire d’État du Ravitaillement, l'intendance régionale a cédé à des municipalités et à des institutions coopératives et philanthropiques du Pas-de-Calais 2.500 quintaux de pommes de terre nouvelles du 15 juin au 15 juillet 1918.

Carte individuelle d'alimentation

En présence de l'insuffisance de nos ressources alimentaires, le Gouvernement a été amené à apporter des restrictions dans la consommation de certaines denrées : le pain et le sucre notamment.

Pour assurer le contrôle de ces restrictions, il a été établi à partir du 1er mai 1918 une carte d'alimentation.

Cette carte, qui est personnelle, donne droit, suivant la catégorie à laquelle appartient le titulaire, à des rations déterminées de pain et de sucre se décomposant comme suit : Consommation du pain (rations journalières) :

Catégorie E Enfants de moins de 3 ans 100 grammes
Catégorie J Enfants de 3 ans à moins de 13 ans 200 grammes
Catégorie T Enfants de 13 ans et au-dessus et adultes se livrant à des travaux de force 400 grammes
Catégorie A Enfants de 13 ans et au-dessus et adultes se livrant à d'autres travaux ou n'accomplissant aucun travail 300 grammes
Catégorie V Personnes âgées de plus de 60 ans 200 grammes

Des suppléments, jusqu'à concurrence d’une ration de 500 grammes par jour, sont accordés aux consommateurs accomplissant occasionnellement des travaux pénibles, et aux malades.

Consommation du sucre :

Catégories J T V A 500 grammes
Catégorie E 750 grammes

Un supplément de 250 grammes est accordé aux vieillards, aux malades et aux familles dont un membre est prisonnier de guerre.

Pour se ravitailler en pain, les consommateurs doivent présenter chaque mois à la mairie de leur résidence le coupon mensuel n° 1 de leur carte en échange duquel il leur est remis autant de feuilles de tickets de pain que comporte de fois 100 grammes la ration de leur catégorie.

Le pain est fourni par les boulangers sur présentation des tickets journaliers détachés des feuilles dont il vient d'être parlé.

Quant au sucre, il est livré par les détaillants sur présentation du coupon mensuel n° 2 de la carte d'alimentation.

La carte d'alimentation sert encore pour la répartition du pétrole et de l'essence. Le coupon n° 5 s'applique au pétrole et le coupon n° 6 à l'essence.

Essence

La crise de l'essence ne s'est pas fait sentir dans le département pendant les trois premières années de la guerre, mais à partir de 1917, l'insuffisance des disponibilités a obligé le Gouvernement à réglementer la vente de ce combustible en vue d'éviter les abus.

Aux termes des décrets qui ont été pris à ce sujet, les 16 avril, 31 août, 4 décembre 1917, 20 et 23 mars 1918, l'essence est réservée presque exclusivement aux besoins de la Défense nationale et de ceux justifiés par un intérêt public.

Aucune livraison de ce carburant ne peut être effectuée par les raffineurs que sur la production d'un bon de réapprovisionnement. En outre, aucune fourniture ne peut être faite par les marchands, dépositaires ou détaillants, que sur la présentation d'un bon ou ticket de consommation. Les bons de réapprovisionnement (rose) sont délivrés par l'administration préfectorale. Les bons de consommation (blanc) sont accordés par les autorités civiles et militaires.

Aucun bon de consommation n'est délivré que sur production, par l'intéressé, d'un carnet d’essence.

Depuis le 1er avril 1918, la répartition de l'essence est faite entre les communes pour la consommation domestique. La même procédure a lieu pour le pétrole.

Le contingent mensuel accordé au département, depuis quelques mois, est de 150.000 litres pour l'essence et de 369.000 litres pour le pétrole.

En outre de ce contingent, une fourniture de 20.000 litres d'essence et de 400 litres de pétrole est attribuée mensuellement au titre agriculture pour la période des battages.

Services agricoles

Terres abandonnées

Dès la réception de la circulaire du 16 décembre 1916, un tableau fut dressé dans chaque commune du département, afin de connaître la situation des terres incultes. Le double de ces tableaux fut adressé à la préfecture. En exceptant bien entendu les terres soumises à l'inculture par suite de la proximité du front, celles occupées pour des raisons militaires (camps d'instruction, parcs d'aviation, chemin de fer du génie, baraquements, cantonnements, etc.), la surface des terres abandonnées atteignait 750 hectares. Dans la plupart des circonstances, cette surface n'intéressait dans chaque commune que quelques parcelles éparses, le plus souvent sur des sols pauvres, ou bien dans le voisinage des bois où d'ailleurs dès le temps de paix, les récoltes souffraient des ravages des lapins, objets de perpétuels conflits entre producteurs et locataires de chasses.

Il convient de citer néanmoins que dans l'arrondissement de Boulogne, commune de Courset, une exploitation d'environ 100 hectares, était sur le point de rester inculte par suite du décès du fermier, et que, d'autre part, dans l'arrondissement de Montreuil, cinq fermes réunissant 250 hectares, ne trouvaient plus de locataires.

La situation connue, chacun des professeurs d'agriculture reçut communication des documents qui intéressaient son arrondissement avec mission de se mettre en rapport avec les présidents des comités d'action agricole et d'obtenir par la persuasion principalement, le relèvement des efforts indispensables au développement de la production. Il faut reconnaître d'ailleurs que la réquisition des terres, qui n'a été que rarement pratiquée, ne pouvait donner de solution satisfaisante. Je ne pourrai guère citer que quelques communes, comme Monchel-sur-Canche, Mondicourt, où cette mesure a été opérante et a permis la remise en valeur d'une quinzaine d'hectares. Partout ailleurs, malgré de pressantes démarches, les comités d'action agricole nous ont répondu : « les cultivateurs de la commune ont déjà beaucoup de peine à cultiver ce qu'ils possèdent ».

Néanmoins la menace de réquisition exerça quelquefois une influence salutaire sur l'inertie des propriétaires ou locataires. C'est ainsi que cédant à plusieurs mises en demeure, des propriétaires partagèrent quelques parcelles entre des ménages d'évacués, ou se décidèrent à la préparation du sol, avec l'aide de soldats britanniques. Les fermes précitées de l'arrondissement de Boulogne et de l'arrondissement de Montreuil finirent également par trouver preneur au moment où des dispositions étaient prises pour tenter l'ensemencement des meilleures terres avec l'aide de l'armée anglaise.

Par ailleurs, dans l'arrondissement de Saint-Omer, environ 50 hectares d'excellentes terres du marais de Saint-Omer, d'accès difficile, puisqu'elles ne sont abordables qu'en bateau, furent livrés à la culture maraîchère avec le concours de M. Lefebvre du Prey, député, maire de Saint-Omer, au moyen d'une équipe de 40 prisonniers de guerre.

À Avesnes-le-Comte, quatre cultivateurs défaillants qui trouvaient plus profitables de se livrer au commerce des boissons que d'exploiter leurs terres, furent avertis qu'ils seraient dénoncés à l'autorité militaire, en vue de la réquisition de leurs marchandises, s'ils ne remettaient par leurs terres en état de production. La menace produisit son heureux effet.

Le résultat de notre intervention finit ainsi par devenir véritablement efficace. On peut estimer que plus de quatre cents hectares ont été reconquis à l'agriculture du département et que sur les parcelles qui restent encore stériles, un grand nombre l'étaient déjà au moment de la mobilisation, soit par suite de conflits en fin de bail, soir en raison de la proximité des bois abritant de nombreux lapins dont les ravages mettent obstacle à la culture.

L'aide agricole des troupes en cantonnement eut ensuite pour effet d'empêcher que des surfaces plus importantes ne retournassent à la friche. Dès le printemps 1917, une véritable organisation fut mise sur pied avec le concours empressé de la Mission militaire française à Montreuil. Des conférences furent tenues à Boulogne, à Montreuil, à Lillers, à Saint-Pol auxquelles assistèrent les officiers de l'armée britannique et où nos desiderata leur furent expliqués.

La collaboration des tommies fut certainement efficace ; toutes les armées y participèrent dans leur zone respective ainsi que le Cavalry Corps et le GHQ Troops. Un mémorandum émanant du quater master general exposa l'économie du système à appliquer pour rendre efficace l'aide de l'armée britannique. L'administration a pu se rendre compte par des visites sur place, par la liaison constante avec la Mission militaire française, du concours incessant apporté par nos alliés, dans la mesure compatible avec les opérations militaires. Mais l'heureuse offensive du printemps 1917 décida en même temps du départ de nombreuses troupes, plus spécialement du Cavalry Corps dont l'action bienfaisante s'était surtout manifestée dans la région de Boulogne-Montreuil.

À partir de ce moment, la plus grande partie du département fut privée de main d'œuvre militaire anglaise, la zone de concentration des troupes s'étendant entre le front et la ligne Auxi-Saint-Pol-Lillers.

La coopération des troupes britanniques aux travaux agricoles se continue régulièrement dans cette région. Il serait difficile toutefois de chiffrer le nombre de journées qui ont été fournies à l'agriculture, les rapports décadaires tout en donnant des indications intéressantes traduisent, en effet, le concours apporté aux cultivateurs par le nombre d'hommes mis à leur disposition, sans spécifier le nombre de jours. Certaines armées ont néanmoins, dans ces derniers mois, exprimé en journées de travail effectif la participation qu'elles nous apportaient. Je crois que, sans exagération, on peut admettre pour fixer les idées, que l'armée britannique nous a ainsi procuré depuis le commencement de l'année 1917 l'appoint d'environ 200.000 journées de travail (journées de 7 heures).

Les journées de chevaux ont été très nombreuses pour labours et charrois de fumiers.

En 1918, l'armée britannique a continué à prêter son concours aux cultivateurs toutes les fois que les opérations militaires l'ont permis, et contribué ainsi d'une manière efficace, à empêcher l'abandon de parcelles dont les employeurs n'auraient pu maintenir l'état de production.

La loi du 4 mai 1918 n'a pas encore reçu d'application dans le département du Pas-de-Calais. Il convient toutefois de remarquer que 25 hectares de terre d'un seul tenant, existant sur le territoire de Lattre-Saint-Quentin, et appartenant à M. de Boiry, à Chelers, ont été réquisitionnés le 18 juin 1918. L'exploitation devait être confiée à M. Déplanque, de Courcelles-le-Comte. Mais l'incertitude dans lesquelles ont vécu les cultivateurs de cette région pendant plusieurs mois, n'a pas permis jusqu'alors de poursuivre l'exécution du projet.

Deux demandes d’avances ont été en outre formulées en vertu de la loi du 4 mai. L'une de M. Létienne, réfugié de Carvin, qui a repris une exploitation de 10 hectares à Landrethun-lès-Ardres ; l'autre par M. Blondel, réfugié de Festubert qui a repris une ferme de 12 hectares à Vacqueriette. Les renseignements indispensables qui doivent être soumis au comité départemental d'action agricole n'ayant pu être réunis jusqu'à ce jour, ces deux demandes n'ont pas encore pu être solutionnées.

En résumé, on peut dire, à ma connaissance tout au moins, qu'il n’y a pas dans le Pas-de-Calais de fermes abandonnées. Il existe, ainsi qu'il a été dit au courant de cet exposé, des parcelles délaissées, surtout parce qu'elles sont de mauvaise qualité ou susceptibles d'être rongées par le gibier.

C'est là une situation qui fait le plus grand honneur au labeur incessant et à l'activité des cultivateurs du Pas-de-Calais, qui vont jusque sous les obus arracher à la terre d'Artois, meurtrie par les barbares, les éléments du grain de blé si indispensable au ravitaillement de la population civile et des armées.

Mise en culture des terres inexploitées du front

La libération d'une partie du territoire de l'arrondissement d'Arras, à partir du mois d'avril 1917, nous a permis la remise en culture de certaines parties non occupées par les tranchées, les réseaux de fil de fer ou les troupes en cantonnement. L'exploitation de ces terres, incultes depuis trois ans, a nécessité un véritable défrichement, le sol étant envahi par le chiendent et les chardons. Toute culture eut été impossible si plusieurs batteries de tracteurs n'avaient été mises à la disposition du département par le service de la mise en culture des terres.

Le travail a commencé au mois de mai sur les territoires de Beaumetz-lès-Loges et de Wailly. À ce moment, peu de cultivateurs étaient rentrés, et parmi ceux présents, un petit nombre seulement se montrait favorable à l'emploi des tracteurs. Devant leur indifférence, je donnai des instructions pour labourer les terres sans s'occuper des limites parcellaires. En présence du fait acquis, la plupart des agriculteurs de Beaumets-lès-Loges se mirent en devoir de travailler leurs terres. Mais à Wailly, la rentrée des habitants étant très lente par suite du manque d'abris, de la difficulté d'obtenir des permis de séjour, et en présence du peu d'empressement des exploitants à reprendre des terres infestées de chiendent, on eut vite l'impression que, pour ne pas perdre le travail des tracteurs et pour assurer la reprise de la vie agricole, on devait se substituer, momentanément tout au moins, aux anciens entrepreneurs de culture.

Mais ceux-ci, d'abord impassibles, voulurent bientôt devoir reprendre leurs terres alors qu'ils aperçurent que nos efforts étaient couronnés de succès et que nous devions effectuer les semailles dans d'assez bonnes conditions. Céder, c'eût été reconstituer de nombreux damiers dont beaucoup fussent demeurés incultes. Après des pourparlers laborieux, pour ne pas morceler le sol à l'infini, la part des terres à accorder aux cultivateurs fut faite dans la zone qu'ils réclamaient et le reste fut ensemencé sous les auspices de la Direction des services agricoles avec les crédits des chapitres 87 quater.

Deux autres batteries de tracteurs furent, par la suite, envoyées à Foncquevillers et à Gouy-Servins, puis une troisième à Ablainzevelle. Des surfaces importantes abandonnées par des propriétaires défaillants ont été également remises en valeur dans les mêmes conditions que celles qui viennent d’être énumérées. La nature du sol, son état de propreté, détermina la nature des cultures à entreprendre.

Surfaces ensemencées sur les territoires de Wailly-lès-Arras, Foncquevillers, Gouy-Servins, Ablain-Saint-Nazaire et Carency, par les soins de la Direction des services agricoles du Pas-de-Calais :

' Scourgeon Hivernage Lentillons Seigle Blé
Wailly 4 hectares 80 15 hectares 73 3 hectares 72 9 hectares 10 55 hectares 05
Foncquevillers 19 hectares 2 hectares 80 27 hectares
Gouy-Servins et Carency 27 hectares 41 29 hectares 30 45 hectares 55

Enfin, avec l'aide de la 55e division de l'armée britannique, j'ai fait emblaver près du front, à Frémicourt, 8 hectares de seigle, et 30 hectares de scourgeon. Il y avait en outre plus de 100 hectares labourés prêts à recevoir blé ou avoine.

Toutes les cultures dont il vient d'être question devaient augmenter de plusieurs centaines d'hectares au printemps, mais l'offensive du 21 mars annihila tous nos projets.

On put craindre un instant que tant d'efforts seraient complètement stériles. Cependant, dans le secteur d'Arras et de Lens, l'ennemi n'ayant pas reconquis ses anciennes lignes, je dus m'occuper d'organiser la moisson alors que j'avais escompté préalablement que toutes ces cultures auraient pu être remises aux rapatriés, en avances sur leurs dommages de guerre, ce qui leur eut permis de vivre pendant une année et leur eut accordé de grandes facilités pour la mise en valeur de leurs exploitations.

Des dispositions ont donc été prises à Wailly et à Gouy-Servins pour assurer la levée des récoltes. La surveillance générale des opérations a été confiée au lieutenant Malpeaux, attaché à la Direction des services agricoles et dont je ne saurai trop louer l'activité, le dévouement et, bien entendu, la compétence.

À Wailly, une équipe de onze militaires, cantonnés à Berneville, effectuent régulièrement la moisson avec toutes les difficultés inhérentes à la situation : tranchées avec réseau de fil de fer ouvertes ou installées au milieu des cultures, bombardements intermittents qui obligent de temps à autres les travailleurs à se replier. À Gouy-Servins, le maire d'Adinfer, M. Dumetz, dirige l'équipe de ses administrés qui l'ont suivi, et les opérations se poursuivent avec les mêmes difficultés aussi régulièrement que possible. Bien entendu les surfaces ensemencées ont été réduites par les travaux de défense et des dommages ont été causés par les troupes et la cavalerie ; mais il reste encore des étendues importantes où la récolte se présente en moyennes conditions.

Certes, nous ne pouvons prétendre retrouver les rendements des riches terres d'Artois, mais enfin nous avons fait le possible pour augmenter notre production et arracher à l'inculture les parcelles maintenues pendant près de trois années sous le feu des Boches.

À Foncquevillers, il n'a pas été possible de chercher à installer d'une manière fixe des équipes militaires ou civiles. Nos cultures ont été bouleversées par des travaux de défense et sont soumises à des bombardements très fréquents. Néanmoins, l'armée britannique se chargera de sauver ce qui pourra l'être.

M. le directeur des services agricoles estime qu'il reste encore beaucoup de travail à faire ; mais il a la conviction qu'il sera, avec l'aide de tous, mené à bonne fin. Il y a tout lieu de prévoir que le travail entrepris sera fructueux malgré les pertes imposées par l'offensive ennemie et tous les aléas que comporte une situation aussi indécise et aussi mouvementée, avec des moyens d'action qui ne sont souvent que des moyens de fortune.

Votre directeur des services agricoles a montré dans l'exercice de ses fonctions les plus belles qualités d'activité et de courage. Il n'a jamais hésité à se rendre sur les points soumis aux bombardements les plus vifs et il a, dans ces circonstances, fait preuve d'un complet et très beau mépris du danger.

Bureau des charbons

Son rôle. – Depuis le 1er août 1917, M. le ministre de l'Armement réquisitionne toute la production en charbon des mines françaises ainsi que les arrivages dans les ports.

Il fixe, chaque mois, le nombre de tonnes à fournir au Pas-de-Calais, à usage des foyers et de la petite industrie, et c’est l'administration préfectorale qui est chargée de la répartition entre les communes ; à cet effet, la préfecture prend conseil de l'Office départemental des charbons, dont les membres sont choisis parmi les personnalités compétentes. Pour l'exécution des décisions, l'administration a créé le Bureau des charbons.

Répartition.- La répartition est faite mensuellement au prorata du nombre d'habitants de chacune des communes ; le Bureau national des charbons, représentant le ministère de l'Armement, est chargé des expéditions des mines et des ports aux communes ; le bureau de la préfecture n'a donc aucune relation directe avec les mines.

Voici de quelle façon ont été appliqués les principes généraux ci-dessus :

Contingent du Pas-de-Calais.- Il a toujours été notablement inférieur aux besoins ; aussi l'administration préfectorale n'a-t-elle pas cessé de réclamer à ce sujet, en faisant valoir les arguments déjà présentés par le Conseil général, lors de sa séance du 25 septembre 1917, à savoir : que le Pas-de-Calais est un département producteur, que la température y est moins élevée qu'à Paris, par exemple, que beaucoup de communes étant bombardées, les habitants doivent fréquemment séjourner dans les caves, etc.

Répartition dans les communes.- Comme principe général, le maire est chargé de répartir équitablement entre les habitants ; recommandation lui a été faite d'utiliser, à cet effet, les marchands de charbons ayant les moyens et l'expérience nécessaires ; cependant il a été laissé libre d'opérer au mieux des intérêts de ses administrés, pour le cas où il rencontrerait des prétentions inadmissibles.

D'une manière générale, l'organisation adoptée a donné des résultats aussi satisfaisants que les circonstances le permettaient.

M. Jardel, directeur du bureau, s'est dépensé avec un zèle digne d'éloges pour l'accomplissement d'une besogne rendue difficile par la pénurie des moyens de transport et la modicité des contingents accordés.

Expéditions.- Le Bureau national des charbons, représenté à Bruay, à Boulogne et à Calais, peut seul donner des ordres d'expédition aux mines et aux ports. Par suite des difficultés de transports et des conditions imposées pour la composition des trains complets, à destination d’un secteur donné, les envois aux communes n'ont pas toujours été conformes à nos demandes, certaines recevaient plus que leurs contingents, d'autres étaient négligées.

Jusqu'en avril dernier, nous avons tenu compte des différences, en plus en en moins, pour les commandes du mois suivant.

Depuis l'offensive de fin mars, il n'y a plus eu de contingent bien déterminé, ainsi que l'indique le tableau annexé :


Tableau des contingents et livraisons


Enfin, depuis juillet, le contingent accordé au département comprend, en plus des « Foyers », les besoins de la petite industrie consommant de 1 à 10 tonnes par mois, alors que précédemment, nous avions un chiffre déterminé pour cette dernière catégorie de consommateurs.

Il résulte des chiffres relevés, que les livraisons ont été augmentées en juillet ; malheureusement, pendant les deux mois de juillet et d'août, les cultivateurs étaient occupés aux champs, et peu de voitures ont été disponibles pour le transport de la gare au village. Le contingent du mois arrivant parfois en une seule fois, les maires ont dû, pour éviter des frais de magasinage très élevés, imposés par la gare, autoriser certains habitants ayant des moyens de transport propres, à enlever une quantité de charbon plus élevée que leur part. Dans certains cas, ils ont même été obligés d'en céder aux communes les plus voisines des gares.

Il nous a semblé préférable de tolérer provisoirement ces procédés, car, pour les faire cesser, il aurait fallu réduire les ordres, ce qui aurait eu pour conséquence de diminuer d'autant les quantités à recevoir pour le département.

Les variations du tonnage livré d'un mois à l’autre, ne concordant pas avec les contingents annoncés par le Bureau national, ont été autant de difficultés à vaincre pour se rapprocher d’une répartition équitable entre les communes. Cette répartition a été basée sur le nombre d'habitants, mais ce nombre a été instable en raison des évacuations et de l'arrivée de réfugiés en d'autres points. En présence d'une situation aussi anormale, le Bureau des charbons s'est efforcé d'en atténuer les effets dans la plus large mesure possible.

Service financier.- Le prix de revient à la tonne pour assurer le service a été de sept centimes seulement. Le Bureau a recueilli quatre millions et demi de francs qu'il a versé aux Chemins de fer de l'État, chargés de payer les importateurs de charbon anglais.

Circulation

Un décret du 18 juillet 1918 a réglementé la circulation dans la zone des armées.

Il a créé dans cette zone, trois sections qui remplacent les anciennes divisions en zone réservée et zone non réservée.

Le département du Pas-de-Calais est compris dans la 3e section qui correspond à l'ancienne zone réservée.

En application de la loi du 18 juillet, un arrêté doit être pris incessamment par le général commandant en chef pour régler les conditions dans lesquelles les directives du décret seront appliquées, notamment en ce qui concerne la présentation et la solution des demandes.

Pour la zone réservée, les cartes d'identité grises continuent à être valables en raison des difficultés qu'il y aurait à les échanger ; mais en cas de perte ou de remplacement, la carte de circulation permanente établie par l'arrêté du 15 mars 1917 doit être seule employée.

Le périmètre de circulation est limité au canton ou aux cantons limitrophes, et la carte est soumise au visa de l'autorité militaire. Le nombre de cartes délivrées aux Français par la préfecture et les sous-préfectures atteint aujourd'hui une cinquantaine de mille.

Dans la zone des armées (sauf le département de Seine-et-Oise), l'étranger doit obligatoirement et uniquement posséder un carnet d'étranger délivré par l'autorité militaire. La circulation en automobile continue à être plus étroitement réglementée et à dépendre uniquement de l'autorité militaire.

Passeports : Le passeport est toujours nécessaire pour se rendre à l'étranger et il ne peut être délivré que pour des raisons impérieuses et absolument justifiées.

Le préfet et les sous-préfets ont seuls qualité pour délivrer ou viser les passeports des voyageurs.

Les demandes pour visites aux militaires internés en Suisse sont particulièrement nombreuses.

Services des réfugiés et des rapatriés

L'organisation du service des réfugiés fut à ses débuts fort modeste. Elle n'envisageait que l'hospitalisation des « bouches inutiles » provenant de la ville de Maubeuge et c'est à peine si quelques milliers d'évacués furent en août 1914 répartis dans un certain nombre de communes du Pas-de-Calais.

Mais elle ne tarda pas à prendre des proportions considérables dès le mois d'octobre de la même année. Fuyant l'envahisseur, c'est par centaines de milliers que les habitants du Nord et du bassin houiller du Pas-de-Calais déferlèrent épouvantés à l'arrière des lignes ennemies. La majorité d'entre eux furent dirigés sur l'intérieur, avec Rouen comme centre régulateur, et l'on voit l'effort que dut alors faire l'administration préfectorale, au milieu du trouble profond que venait de créer l'invasion, pour obtenir soit par voies ferrées, soir par mer, et dans des conditions les moins pénibles possibles l'acheminement de nos malheureux compatriotes abandonnant leurs foyers.

Le nombre de réfugiés. Il est de 155.192. Mais les opérations militaires qui se déroulèrent sur l'Yser ne permirent pas, faute de moyens de transport, de poursuivre les évacuations. Au surplus, de nombreux réfugiés exprimèrent le désir de rester à proximité de leur domicile, au milieu des populations ayant mêmes habitudes et même mœurs et, dans l'ensemble, ils donnèrent à l'agriculture, au commerce et à l'industrie les concours indispensables dont la mobilisation venait de les priver.

C'est ainsi et pour ces diverses raisons que le Pas-de-Calais, qui ne devait pas recevoir de réfugiés, étant situé dans la zone des Armées, donnait asile à plus de 68.000 réfugiés à la fin de 1914.

Depuis lors, le nombre de réfugiés est allé croissant, soit que des rapatriements aient été autorisés, soit que la main d'œuvre en ait eu besoin, soit que de nouvelles offensives ennemies aient provoqué un nouvel exode des populations voisines de la ligne de feu. Par sa situation spéciale, le département sera toujours, en effet, le point vers lequel convergeront en tout premier lieu les populations récupérées du Nord de la France et, depuis quatre ans, il a été le témoin bienveillant et compatissant d'afflux et de reflux importants et renouvelés de réfugiés.

En décembre 1915, le nombre de réfugiés séjournant dans le Pas-de-Calais était de 125.298 ; il est passé au chiffre de 133.220 en 1916, à celui de 149.297 en 1917 et actuellement, il atteint le chiffre de 155.192 se répartissant comme suit :

Au point de vue de leur département d'origine, la répartition des réfugiés s'établit comme ci-après :

  • Originaires du Pas-de-Calais : 118.292.
  • du Nord : 22.038.
  • de l'Aisne : 396.
  • des Ardennes : 47.
  • de la Marne : 35.
  • de la Meurthe-et-Moselle : 49.
  • de la Meuse : 43.
  • de l'Oise : 44.
  • de la Somme : 1.525.
  • des Vosges : 2.
  • de la Seine : 4.
  • Divers : 403.
  • Belges : 12.314.

La collaboration des municipalités

L'esprit libéral et généreux dans lequel les instructions du Gouvernement faisant appel aux sentiments de solidarité nationale en faveur des réfugiés ont été appliquées dans le Pas-de-Calais est connu de tous. Le département a été trop éprouvé lui-même pour ne pas compatir au malheureux sort des populations évacuées et l'administration préfectorale n'a eu qu'à se louer de la collaboration précieuse et dévouée qu'elle a rencontrée à ce sujet auprès des 700 municipalités qui ont eu à s'intéresser aux réfugiés presque journellement, sous une forme ou sous une autre.

Je ne puis mieux faire, pour bien dépeindre cet esprit, que reproduire la circulaire préfectorale en date du 16 octobre 1915 dont la répercussion fit sensation à l'époque dans les milieux intéressés :

« Boulogne-sur-Mer, le 16 octobre 1915

Le préfet du Pas-de-Calais à messieurs les maires du département,

L'élan de solidarité nationale qui s'est manifestée jusqu'à ce jour avec un intérêt affectueux et soutenu en faveur de nos compatriotes réfugiés ne doit pas se ralentir.

Afin d'atténuer, dans la mesure du possible, les rigueurs de la mauvaise saison, un nouvel effort de sollicitude agissante est nécessaire. Il s'impose à tous ceux qui compatissent au malheur des populations – françaises ou belges – que l'invasion a chassées de leurs foyers pillés, dévastés ou incendiés, et qui ont été brutalement privées des choses indispensables à leur existence même.

Pour secourir les détresses étalées ou révélées et arracher à la misère des familles entières accablées par les souffrances morales et les préoccupations matérielles, l'administration préfectorale a eu recours à l'action clairvoyante et généreuse des autorités municipales secondées par les comités locaux et par la commission des réfugiés.

Cette étroite collaboration, inspirée par un sentiment de haute confiance dans les mesures d’assistance adoptées par le Gouvernement a permis à près de cent vingt mille réfugiés de trouver asile et réconfort dans la partie du Pas-de-Calais restée hors des atteintes de l'ennemi et de coopérer à la reprise de l'activité économique du pays.

Les familles évacuées sont généralement à l'abri du besoin, mais certaines d'entre elles ne disposent pas toujours des ressources suffisantes pour remplacer les vêtements, les sous-vêtements et les chaussures qu'un trop long usage rend inutilisables. Des secours en nature doivent être accordés notamment à ces familles dont le chef est souvent mobilisé ou ne peut subvenir aux charges élevées d’enfants nombreux, ou bien dont les membres malades ou âgés sont dans l’impossibilité de se livrer à un travail rémunérateur. La dépense qui en résultera sera imputée, comme celle des allocations, sur le crédit d'entretien des réfugiés. Elle figure d'ailleurs dans l'état prévisionnel que je vous invite à produire chaque mois. La somme y afférente sera mandatée au profit de la commune qui devra en justifier l'emploi comme en matière de dépenses publiques.

La question du logement n'échappera pas non plus à votre vigilance attentive. Je suis persuadé que vous voudrez bien vous assurer personnellement que les réfugiés ont trouvé une habitation saine, aussi confortable que possible, où ils se protégeront facilement contre le froid. S'il existait dans la localité des immeubles vacants, alors que des réfugiés sont insuffisamment logés, vous vous efforceriez de les en faire bénéficier et au besoin vous m'en référeriez.

Enfin, j'appelle votre attention sur la nécessité de veiller à ce que les enfants des réfugiés fréquentent régulièrement l'école, et à ce que la plus stricte neutralité soit observée en ce qui concerne les établissements choisis par les parents.

Par l'importance numérique des réfugiés qu'il a recueillis, le département du Pas-de-Calais occupe un place toute particulière dans l'œuvre nationale poursuivie avec tant de sollicitude à l'égard des malheureuses populations évacuées. J'apprécie l'étendue de la lourde tâche qui vous incombe et qui est d'autant plus délicate que vous devez ménager les finances de l'État. Mais je sais aussi que l'effort qui vous est demandé ne dépasse pas les limites du devoir patriotique que vous remplissez avec une conscience et un dévouement auxquels je suis heureux de rendre hommage. »

.

Les allocations

La question du paiement des allocations aux réfugiés a été l'objet des constantes préoccupations de l'administration préfectorale, et l'activité bienveillante que la commission départementale des réfugiés a dépensée dans l'examen des nombreuses situations qui lui ont été soumises, en est une des preuves les plus tangibles.

L'allocation, qui était primitivement à 1,25 franc pour les adultes et 0,50 francs pour les enfants au-dessous de 16 ans, a été portée respectivement à 1 franc 50 et à 1 franc par la loi du 4 août 1917.

Le barème annexé au statut du 15 février 1918 autorise dans le Pas-de-Calais les réfugiés isolés à cumuler ressources et allocation jusqu'à concurrence de 6 francs 50 dans les villes et 5 francs 50 dans les communes rurales. Par suite du renchérissement du coût de la vie, j'ai l’intention de proposer prochainement le relèvement de ce tarif qui apparaît insuffisant lorsque les réfugiés ont des charges de famille.

Pour faciliter aux communes le versement des allocations, des avances sur le budget de l'État, dont elles doivent justifier au fur et à mesure des besoins, leur sont consenties. À part de rares exceptions, ce service important fonctionne très régulièrement.

Depuis le début des hostilités, il a été ordonnancé une somme de quatre-vingt-deux millions 770.810 francs 37 centimes pour le versement des allocations, soit :

  • en 1914 : 2.208.612 francs 02
  • en 1915 : 18.208.457 francs 12
  • en 1916 : 17.890.702 francs 54
  • en 1917 : 23.163.770 francs 50
  • en 1918 (jusqu'au 1er septembre : 21.299.268 francs 19.

Secours de loyer

Des secours de loyer sont accordés aux familles réfugiées qui se trouvent dans les conditions pour bénéficier de cette assistance, c'est-à-dire qui ne cumulent pas salaire et allocation. Depuis l'institution de ce secours, qui remonte au 1er février 1917, il a été mandaté pour cet objet un crédit de 1.023.915 francs.

Secours aux femmes de mobilisés

Les femmes réfugiées, dont les maris sont mobilisés touchent à présent, en dehors de l'allocation militaire ou de réfugiés, un secours mensuel de 10 francs.

Assistance aux vieillards infirmes et incurables

Les vieillards et incurables réfugiés qui n'étaient pas admis à l'assistance au moment de leur évacuation peuvent prétendre en vertu de la loi du 28 juin 1918 à un secours mensuel de 20 francs imputable sur le crédit des réfugiés.

Secours exceptionnels en nature

En dehors des allocations, des secours exceptionnels en nature (vêtements, linges, chaussures, combustibles, etc.) sont accordés aux réfugiés les plus nécessiteux. Il a été dépensé à ce jour une somme de 2.512.360 francs pour l'attribution de ces secours, soit :

  • en 1915 : 241.000 francs.
  • en 1916 : 909.920 francs.
  • en 1917 : 1.006.920 francs.
  • en 1918 (au 1er septembre) : 354.520 francs.

Placement des réfugiés

La préfecture a aidé un grand nombre de réfugiés à trouver des emplois en rapport avec leurs goûts et leurs aptitudes. Elle a fait insérer dans la presse les offres des employeurs ainsi que les conditions d'emploi et elle s'est tenue en rapport permanent avec l'office départemental de placement pour faciliter l'examen des demandes.

Réunion des familles dispersées

Un certain nombre de réfugiés qui s'étaient primitivement installés dans le Pas-de-Calais ont sollicité leur départ en vue de se rapprocher des membres de leur famille rapatriés ou hospitalisés dans d'autres départements. La réunion des membres d'une même famille a été grandement facilitée et des bons de transports gratuits en chemin de fer ont été accordés.

Rapatriements

Ils ont été particulièrement nombreux dans le département et notamment dans le bassin houiller. Aussitôt que l'avis favorable des autorités militaires compétentes est formulé, mon administration adresse téléphoniquement l'autorisation au préfet du département du lieu de refuge provisoire des intéressés. On peut évaluer à 19.000 le nombre de demandes de cette nature qui ont été instruites par le Service des réfugiés.

J'ai constaté maintes fois que le moral des rapatriés est excellent malgré les privations et les épreuves de toutes sortes qu'ils ont généralement subies en pays envahi.

Fonctionnaires communaux réfugiés

Aux termes du décret du 24 novembre 1914, les employés communaux évacués touchent les ¾ de leur traitement lorsque leurs ressources actuelles justifient ces avances que l'État a eu l'initiative de consentir et dont il admet le mandatement sur mes propositions.

Échange de bons communaux

Un arrêté ministériel du 14 janvier 1916 a autorisé le remboursement par les caisses publiques des billets émis par les villes ou les syndicats de communes des régions envahies. Cette autorisation a été étendue depuis aux coupures émises par les chambres de commerce et les caisses d'épargne.

Le taux bimensuel de l'échange des billets a été porté depuis peu à 100 francs pour les rapatriés adultes et 20 francs pour les enfants de moins de 16 ans. Un certificat d’échange est délivré au préalable par mon administration ou par le bureau d'Évian.

Les rapatriés qui retrouvent en France libre, soit leur conjoint, soit des ascendants ou descendants en ligne directe, doit des frères, des sœurs ou des beaux-parents, peuvent obtenir pour ces personnes lorsqu'elles vivent avec eux ou sont à leur charge, le bénéfice de l'échange d’après les taux fixés par les arrêtés ministériels.

À cet effet, ils doivent adresser à la préfecture où ils sont réfugiés, une demande accompagnée de pièces établissant leur degré de parenté avec les dites personnes et portant certification de la résidence actuelle de ces dernières. La décision est prise par la préfecture après enquête.

Recensement des réfugiés

Suivant les instructions ministérielles, j'ai prescrit le recensement des réfugiés dans toutes les communes du département et j'ai fourni aux municipalités toutes les indications nécessaires pour l'établissement de cet important travail.

Centres d’évacuation des populations réfugiées

Mon arrivée dans le Pas-de-Calais a coïncidé avec la grande offensive ennemie de mars dernier.

Chacun de nous a encore présent en mémoire les conséquences du recul momentané des troupes alliées, et il sait que nos populations déjà fort éprouvées ont dû fuir à nouveau devant l'ennemi.

Pour l'évacuation du bassin houiller, trois zones ont été prévues dans le plan si consciencieusement étudié par le commandant Welter, attaché au cabinet civil de M. le Président du Conseil, ministre de la Guerre. Des trois centres organisés : Anvin, Fruges et Hesdin, celui d'Anvin, le mieux situé d’ailleurs, a en fait assuré l'écoulement des réfugiés sur Rouen et sur l'intérieur. Plus de 43.000 réfugiés s'y sont embarqués après avoir été abrités dans des tentes, fournies par le ministère de la Guerre, qui peuvent contenir 2.000 personnes. Aucun incident ne s'est produit malgré la précipitation des arrivées et leur importance ; l'organisation, bien que complexe et délicate et nécessitant des mesures spéciales de ravitaillement, de couchage et d'hospitalisation provisoire, fonctionna d'une façon très satisfaisante.

Le centre d'Hesdin comprend 50 tentes prévues pour 1.500 personnes. Quant au centre de Fruges, il n'a pas d’abris de ce genre ; si la menace s'était accentuée en direction de Béthune on aurait dû recourir au logement des évacués chez l'habitant et à l'utilisation des bâtiments communaux, des locaux scolaires notamment.

En ce qui concerne l'évacuation éventuelle des populations au sud d'Arras et à l'est de Saint-Pol, je m'étais mis d'accord avec la Mission française attachée à l'armée britannique pour que des centres fussent créés à Ligny-Saint-Flochel où les autorités britanniques ont dressé cent tentes, à Marquay et à Petit-Houvin, où sur ma demande 40 tentes ont dû être aménagées par les soins de l'armée anglaise.

Quant aux populations domiciliées au Nord de Saint-Omer et à l'Est d'Aire-sur-la-Lys (région d'Hazebrouck, Poperinghe, Estaires, La Gorgue, Merville) et qui durent se replier à la suite de l'avance des Allemands, elles furent groupées en vue de leur acheminement sur Rouen, dans les centres d'Aire-sur-la-Lys, Saint-Omer, Arques et Lumbres.

Ce dernier centre a reçu à lui seul plus de 15.000 réfugiés. Ce sont les Anglais qui, ayant dû quitter le centre bombardé d'Ebblinghem l'ont installé dans un certain confort. Un hôpital pour blessés civils, contagieux et tuberculeux, femmes en couche, y a été établi avec le concours de mon administration et celui de l'autorité militaire française et anglaise, sous la direction de Mme Liouville, infirmière major.

J'ai obtenu que les Américains participent pour les deux tiers dans le prix de journées des malades et j'ai pris l’initiative en attendant la session du Conseil général, de considérer cet hôpital comme pouvant recevoir les hospitalisés du département, la plupart des hôpitaux civils du Pas-de-Calais ne fonctionnant plus. S'il y avait eu lieu, j'aurais prolongé dans la ville de Desvres le centre d'évacuation de Lumbres en y recevant les vieillards et les infirmes.

À l'arrêt des trains de réfugiés venant de la direction d’Hazebrouck-Saint-Omer ou Hazebrouck-Calais, j'ai provoqué l'organisation de cantines de ravitaillement où des boissons chaudes, des conserves et du pain, ont été distribués. C'est ainsi que les gares de Boulogne, de Pont-de-Briques et la mairie d'Hesdigneul ont ravitaillé des dizaines de mille de malheureux réfugiés.

Centre de réception

Par suite du recul de l'ennemi, il est à prévoir que des populations des régions reconquises seront récupérées. Les centres d'évacuations pourront alors être utilisés comme centres de réception.

La commission départementale des réfugiés

Elle comprend onze membres qui ont désigné une sous-commission composée de trois membres, dont le contrôleur départemental, pour l'examen rapide des réclamations.

Cette sous-commission se réunit deux fois par semaine à la préfecture, formule son avis sur chaque demande, et mon administration statue ensuite.

La collaboration de la Commission départementale qui compte dans son sein plusieurs représentants autorisés des comités de réfugiés a toujours été empreinte de la cordialité la plus dévouée ; les services que cette commission a rendus à la cause des évacués ne se comptent plus.

Les comités des réfugiés

Ils se sont constitués dans les localités où les réfugiés ont intérêt à se grouper. Leur action a été bienfaisante et s'est étendue aux réfugiés français et belges.

Voici quels sont les principaux comités :

  • Comité des réfugiés du Nord, à Bruay ;
  • Comité franco-belge des réfugiés, à Le Portel ;
  • Union franco-belge des réfugiés, à Le Portel ;
  • Œuvre du placement gratuit des réfugiés, à Boulogne-sur-Mer ;
  • Comité des réfugiés du Pas-de-Calais, à Calais ;
  • Comité officiel belge de secours aux réfugiés, à Calais ;
  • Comité franco-belge des réfugiés, à Étaples ;
  • Comité des réfugiés du Nord et du Pas-de-Calais, à Fruges ;
  • Comité franco-belge des réfugiés, à Berck ;
  • Comité franco-belge des réfugiés de Rang-du-Fliers et environs ;
  • Comité franco-belge des réfugiés du Touquet-Paris-Plage ;
  • Comité franco-belge des réfugiés, à Saint-Omer ;
  • Comité des réfugiés de Mametz ;
  • Comité des réfugiés d'Aire-sur-la-Lys ;
  • Comité des réfugiés de Saint-Pol.

Le service départemental des réfugiés est l'un des plus délicats, des plus complexes et des plus lourds qui aient été confiés à l'administration préfectorale.

Pour ce service comme pour celui des évacuations, la collaboration de tous les instants de M. Ledoux, chef de la 2e division, m'a été entre toutes infiniment précieuse. Il n'a ménagé ni son temps, ni sa peine, se consacrant bien au-delà de ses heures de service – et en y employant bien souvent une partie de ses nuits – au soulagement des innombrables infortunes constatées.

Évacuations de matériel, de denrées, de mobiliers et d'archives

Voici le compte rendu sommaire de ce qui a été fait dans le Pas-de-Calais au sujet de l'évacuation à l’arrière du matériel, des marchandises et denrées des mobiliers et des archives depuis que j'ai pris possession des services dans le Pas-de-Calais.

Service de reconstitution des régions libérées

50 camions affectés au service de reconstitution des régions libérées furent sauvés au début de l'offensive de mars [1918], mais au lieu d’être laissés à ma disposition, l'autorité militaire les dirigea, avec une précipitation plutôt fâcheuse, sur une destination inconnue de mon administration risquant ainsi de compromettre l'évacuation du matériel.

En présence de cette situation doublement critique, je pris l'initiative et la responsabilité d'utiliser momentanément pour le sauvetage du matériel une partie des camions dont l'envoi d'urgence fut demandé par mes soins, dès le 23 mars, en vue d'aider au repliement des populations habitant les zones menacées. Mais je pris cette précaution d'exiger que les camions rentrassent chaque soir à leur point d'attache de façon à pouvoir les réemployer à leur première destination si besoin était.

Grâce à cette mesure et grâce aussi aux autres moyens de transport qui me furent fournis, par la suite, par M. l'intendant-directeur Gauthier, j'ai pu opérer le sauvetage du matériel et du mobilier restés dans les magasins d'Arras, de Beaumetz-lès-Loges et de Foncquevillers. Le matériel fut remisé à Anvin dans un immeuble dont je m'étais assuré la location, et le mobilier fut plus particulièrement dirigé sur Hesdin.

Treize mille litres d'essence pour tracteurs agricoles se trouvaient en dépôt à Beaumetz-lès-Loges. Je priai les autorités militaires anglaises de les prendre en charge, contre reçu, afin que cette essence ou une quantité correspondante puisse nous être restituée, ce qui me parut préférable aux risques toujours possibles d'un incendie ou d'une nouvelle avance de l'ennemi.

Coopérative agricole de l'arrondissement d’Arras

Tous les instruments et objets d'un caractère agricole appartenant à cette coopérative présidée par M. Bachelet, conseiller général, et qui étaient en dépôt à Beaumetz-lès-Loges ont été ramenés à l'arrière.

Croix-Rouge Américaine

La Croix-Rouge américaine avait à Arras, dans le but de venir en aide aux populations récupérées, 200 lits-cages et une centaine de lits en bois avec literie.

Je me suis mis en rapport avec les représentants de la Croix-Rouge américaine et le matériel a été tout d'abord dirigé vers Aubigny-en-Artois par l'intermédiaire de la mission française de Capelle.

Ayant obtenu de l'officier américain Homer Folks l'autorisation de distribuer ces lits et literies aux réfugiés nécessiteux, je les ai immédiatement transportés dans les arrondissements de Saint-Pol, de Béthune et de Montreuil pour les besoins des populations réfugiées auxquelles ils ont rendu de très grands services dans les centres d'évacuation ou dans les hôpitaux provisoires que j'ai dû organiser.

La Croix-Rouge américaine avait également en dépôt à Arras, un stock important de denrées alimentaires composé ainsi qu'il suit :

Farine, 289 sacs ; sucre, 7 sacs ; riz, 425 sacs ; haricots, 99 sacs ; café, 67 sacs ; chicorée, 33 caisses ; fromage, 4 meules et 6 cuveaux ; bœufs conservés, 99 caisses ; lait condensé, 199 caisses de 48 boîtes chacune ; saindoux, 12 tonneaux ; jambon fumé, 13 barils ; gros haricots, 220 sacs.

J'ai fait évacuer ces denrées sur Boulogne et à la date du 24 avril, j’ai reçu la lettre dont copie est ci-après du capitaine Willington :

« Paris, le 24 avril 1918

Monsieur le préfet,

J’ai l'honneur de vous accuser réception de votre honorée du 19 courant, dans laquelle vous nous informez que les marchandises de la Croix-Rouge américaine, évacuées d'Arras, ont été par vos soins dirigées sur Boulogne-sur-Mer.

Nous vous remercions bien vivement d'avoir pris la peine d’assurer cette évacuation et nous vous sommes aussi très obligés de bien vouloir vous charger de la distribution de ces vivres aux réfugiés.

Veuillez agréer, Monsieur le préfet, l'assurance de ma haute considération. »

.

En possession de cette autorisation, j'ai procédé à la répartition des denrées dans les principaux lieux de passage de réfugiés se dirigeant vers l'intérieur, et j'ai pu ainsi apporter un supplément de soulagement matériel à leur malheureux sort. Ont bénéficié de ces distributions les centres de Boulogne, Calais, Anvin, Fruges, Hesdin, Saint-Omer, Arques, Blendecques, Hesdigneul, Auchy-au-Bois, Monchy-Breton, Lumbres.

Blés

J'ai fait prendre une mesure de réquisition par l'intendance française pour les blés détenus par les cultivateurs de la région très exposée et dont ceux-ci désiraient être débarrassés. Sur ma demande également, l'intendance a poursuivi la réquisition des blés dans toutes les communes à l'arrière du front de bataille et notamment dans les arrondissements d'Arras et de Béthune.

Denrées et cheptel

Deux nouveaux officiers, MM. Simon et Dutemple, ont été adjoints par M. l'Intendant-directeur Gauthier, à ceux qui opéraient dans l'arrondissement de Béthune. Ces officiers ne réquisitionnaient pas au sens propre du mot, mais ils appelaient l'attention des habitants des régions considérées comme menacées, sur l'intérêt qu'ils auraient à céder tout ce qui ne leur était pas absolument indispensable en denrées alimentaires et en cheptel. Cette propagande en faveur des cessions volontaires que j'ai instaurée, a eu pour effet immédiat de décongestionner les localités proches de la ligne de feu, de sorte que l'évacuation des richesses qui y étaient restées put s'effectuer dans des conditions aussi rapides et aussi satisfaisantes que possible.

Camions

À ma demande, le ministère de la Guerre a dirigé le 23 mars sur Saint-Pol-sur-Ternoise, 50 camions de réserve du parc d'artillerie de Versailles en vue de faciliter l'évacuation des populations de la zone sud d'Arras.

Comme la pression ennemie s'est surtout exercée au nord d'Arras et dans la région de Béthune, j'ai pris l'initiative de mettre en partie ces camions à la disposition du sous-préfet de Béthune tout en les utilisant pour les besoins les plus immédiats. C'est ainsi que pendant la période du 9 au 11 avril, 16 camions étaient employés par l'ingénieur en chef des ponts-et-chaussées pour l'évacuation du matériel affecté à la reconstitution des communes libérées de l'arrondissement d'Arras, ainsi qu'il a été dit plus haut.

  • 4 l'étaient par les services agricoles à Beaumetz-lès-Loges.
  • 11 l'étaient par le sous-préfet de Béthune.
  • 4 l'étaient par le sous-préfet de Saint-Omer.
  • 2 par le sous-intendant militaire à Hesdin pour le ravitaillement des classes 19 et 20 et des sursitaires agricoles rassemblés à l'arrière.
  • 6 l’étaient par le sous-préfet de Saint-Pol pour le charroi des denrées en dépôt à Aubigny-en-Artois.
  • 7 étaient en réparation.

Dès le 12 avril, je donnai l'ordre de mettre les 50 camions à la disposition du sous-préfet de Béthune pour l'évacuation de la population minière sur Anvin.

Évacuation des denrées, matériel et mobilier

Plus tard, lorsque le flot des populations évacuées (il est passé près de 43.000 réfugiés au centre d'Anvin) s'est ralenti, les camions ont été affectés au transport à l'arrière des denrées de consommation, des mobiliers scolaires ou hospitaliers, des archives, des mobiliers des particuliers, abandonnés dans les importantes et riches communes voisines de Béthune.

Vous trouverez ci-après le résumé du travail effectué par la section des automobiles militaires pendant la période durant laquelle elle a travaillé sous les ordres de l'administration préfectorale.

2.515 chargements ont été effectués. Ils se décomposent comme suit :

Personnel et évacués 492 chargements 14.760 personnes et bagages
Mobilier 352 chargements 1.056 tonnes
Denrées et machines diverses 438 chargements 1.314 tonnes
Mines de Bruay : pains, farines, baraquements, matériaux 444 chargements 1.332 tonnes
Archives 69 chargements 207 tonnes
Objet d'art et de culte 3 chargements 9 tonnes
Campement 73 chargements 219 tonnes
matériel (intendance), métaux, bois, matériel d'usines, agricole, machines-outils, quincaillerie, faïence 644 chargements 1.932 tonnes

À Arras même, de nombreux transports ont été effectués après l'offensive de mars avec l'aide des camions anglais. En voici le relevé arrêté à la date du 4 juillet et qui se complète journellement depuis lors :

  • 96 camions de matériel industriel et commercial ;
  • 72 camions de marchandises ;
  • 123 camions de mobiliers ;
  • 200 tonnes environs de matériaux et de marchandises diverses.

Sur mes instances, la commission du réseau de chemin de fer du Nord qui n'avait mis que deux wagons par jour à ma disposition en gare de Marœuil pour éloigner de la ville d'Arras matériel, marchandise et mobilier, en a mis six depuis le 5 juillet, ce qui permet d'intensifier le sauvetage.

De son côté, le rapport de M. l'intendant Gauthier accuse avoir opéré le sauvetage dont le détail suit à la date du 31 juillet :

  • 1.321 tonnes de matériels militaires ;
  • 519 tonnes d'archives et de mobilier de bureau appartenant à l'État ;
  • 7.619 tonnes de denrées, marchandises, matériel, etc. appartenant à des particuliers ;
  • 2.672 fûts vides ;
  • 14.949 bovins ;
  • 310 porcs ;
  • 38 moutons ;
  • 2.438 instruments agricoles ;
  • 114 outils divers ;
  • 185 hectolitres de vin.

Évacuation éventuelle dans les communes proches du front. Mesures à prendre

Par circulaire du 30 mars, dont le texte est ci-après, j'ai indiqué aux maires des arrondissements de Béthune, Saint-Omer et Saint-Pol les mesures à prendre, le cas échéants, en vue de l'évacuation du matériel agricole, des animaux, des denrées alimentaires, des récoltes, des archives communales, des objets pouvant être utiles à l'ennemi, etc. Tout en évitant de jeter la panique parmi les populations, je leur ai demandé d'assurer certaines mesures préparatoires et conservatoires et de prévoir, afin de rendre le sauvetage plus rapide, mieux ordonné, et, partant, plus praticable et plus efficace.

« Boulogne-sur-Mer, le 30 mars 1918

Le préfet du Pas-de-Calais, à monsieur le maire de

La grande bataille qui est engagée sur le front franco-britannique nous fait envisager avec confiance l'issue victorieuse de la lutte.

Il peut néanmoins intervenir certaines circonstances telles par exemple que des bombardements aériens ou autres, susceptibles, par leur répétition et leur violence, de nécessiter l'évacuation momentanée de votre commune.

Si cette éventualité se produisait, il conviendrait d'évacuer les vivres, les récoltes, le bétail, les marchandises et le matériel divers, les instruments agricoles, le matériel en cuivre et étain, les huiles, les matières grasses, etc. vous pourriez aussi offrir à l'intendance les différentes denrées et les animaux dont vous n'auriez plus l'utilité.

Je vous prie également de conseiller aux habitants de dresser l'inventaire des objets mobiliers qu'ils laisseront derrière eux, à l'exclusion des titres, valeurs et numéraires qu'ils peuvent facilement emporter.

Cet inventaire sera revêtu de votre visa sous la forme suivante :

« vu à titre de simple renseignement et sous certification des énonciations ci-dessus, pour valoir à toutes fins utiles. ».

En ce qui concerne les documents appartenant à la commune, aux établissements publics et aux particuliers comme les comptes et budgets, les rôles des contributions directes, les plans cadastraux, les plans topographiques, les listes électorales, les registres de l’état-civil, etc., ils devront pouvoir être transportés à l'arrière.

Quant au paiement des allocations militaires et de réfugiés, il aurait lieu, pour la période en cours si possible, au moment de l'évacuation par les soins du receveur municipal avec qui il vous appartiendra de vous concerter à ce sujet.

Dans l'accomplissement de ces mesures, vous apporterez tout le zèle patriotique dont vous avez donné maintes preuves au cours de ces dernières années.

Le Préfet

Robert Leullier »

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Archives notariales et judicaires

Au début d'avril, je me suis rendu à Aire-sur-la-Lys où j'ai offert aux notaires de faire évacuer leurs archives.

Le transport à l'arrière des archives des tribunaux de Saint-Omer et de Béthune a eu lieu avec les camions militaires mis à ma disposition.

À la date du 10 juin, j'ai appelé l'attention des procureurs de la République sur l'intérêt que présentait l'évacuation des archives des officiers ministériels.

Service des finances

Le 8 avril, j'ai prié M. le trésorier payeur général de me faire connaître les mesures qu'il comptait prendre pour assurer la sauvegarde des caisses publiques et faciliter, sur leur demande, le transfert à l'arrière des banques situées dans un secteur de 50 kilomètres du front.

La Recette des finances de Béthune a été évacuée à Divion et aucun comptable n'est, à ma connaissance, resté dans les lignes ennemies, lors de la dernière offensive.

Caisse d’épargne

Les caisses d’épargne de Béthune, de Lillers et d'Aire-sur-la-Lys se sont repliées.

Banques d'Arras

Certains établissements de crédit avaient encore en dépôt à Arras, des titres et des valeurs dans des coffres loués à des particuliers décédés ou restés en pays envahi. J'ai appelé l'attention de M. le ministre de l'Intérieur sur cette situation contraire aux intérêts des particuliers et de l'intérêt national et j'ai obtenu après intervention pressante auprès du tribunal d'Arras, qu'un séquestre ou un administrateur provisoire fut nommé, même d'office, si les banques ne faisaient pas toutes diligences pour dégarnir les coffres des valeurs dont il s'agit.

Archives communales

Par note du 10 juin, j'ai prescrit aux maires des cantons menacés des arrondissement d'Arras, Béthune, Saint-Omer et Saint-Pol de transporter dans une mairie de l'arrière que je leur ai désignée les matrices et plans cadastraux, les registres clos d'état-civil et les archives communales les plus précieuses.

Dans ces divers lieux de rassemblement, j'ai fait diriger les documents sur la commune de Saint-Josse, située à l'ouest du département et qui est desservie par une gare de la compagnie du Nord (ligne Boulogne-Paris).

Sur ma demande, M. le ministre de l'Intérieur m'a désigné le château de Chambord (Loir-et-Cher) pour recevoir ces archives qui y ont été acheminées le 24 juillet.

J'étais aussi intervenu auprès de M. le directeur des contributions directes pour qu'il mît à l’abri les doubles des matrices des plans cadastraux dont la grande utilité, après la guerre, dans les communes sinistrées, n'est plus à démontrer.

Établissements hospitaliers

Les objets de couchage de l'asile d’aliénés de Saint-Venant ont été transférés à Montreuil-sur-Mer, le 28 avril 1918 dans des conditions périlleuses, car l'ennemi est resté longtemps dans le voisinage de cette localité. L'évacuation du matériel a continué depuis cette date et 25 wagons de matériel ont encore pu être récupérés.

Le mobilier des hospices de Béthune a été sauvé dans les mêmes conditions : il se trouve remisé à présent à Bruère-Allichamps (Cher). Celui des hospices d'Arques a été également transféré à Nallier (Vendée).

Œuvres d'art et objets mobiliers classés

Enlèvement d'un tableau de Rubens à l'église Notre-Dame de Saint-Omer, par le service d'évacuation des œuvres d'art du front Nord

À la date du 29 mars, j'ai adressé les instructions suivantes aux maires des communes ayant des objets d'art classés :

« Boulogne-sur-Mer, le 29 mars 1918

Le préfet du Pas-de-Calais, à monsieur le maire de

En raison des événements actuels, il y aura lieu de se préoccuper du danger que peuvent courir les objets d'art de votre commune exposés à des bombardements. Je vous serais donc obligé de faire mettre en lieu sûr les œuvres artistiques suivantes : ….

Vous voudrez bien me tenir au courant des mesures que vous aurez prises conformément à ces instructions.

Le Préfet

Robert Leullier »

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Conférence sous la présidence de l'amiral Ronarc'h

Cette conférence interministérielle a eu lieu à Boulogne le 1er juin en vue de l'élaboration d'un plan d'évacuation sur les trois ports (Dunkerque, Boulogne et Calais) du matériel, des approvisionnements, des stocks en matières premières et en marchandises ouvrées. J'avais pris l'initiative de poser la question à l'amiral Ronarc'h, dès le 16 mai.

Les chambres de commerce ont été invitées, par mes soins, à recueillir ces renseignements auprès de leurs commettants et les relevés qu'elles ont produits ont été envoyés à M. l'amiral Ronarc'h.

Ravitaillement par mer

À la date du 16 mai également, j'ai signalé à M. l'amiral Ronarc'h que dans le cas où, par suite des opérations militaires, le département du Pas-de-Calais se trouverait privé de communications avec l'intérieur, il y aurait lieu de prévoir le ravitaillement en vivre et par mer de 800.000 habitants.

Les denrées les plus indispensables étant le pain, les pommes de terre, le café et les légumes secs, j'ai estimé à 450 tonnes par jour l'importance du ravitaillement à assurer éventuellement.

Ma proposition a fait l'objet d'un entretien à l'issue de la conférence interministérielle du 1er juin.

Enquête dans les communes

Afin de connaître en tonnage et en poids le matériel et les marchandises existant dans chaque commune dans l'hypothèse où l'on devrait les transporter à l'arrière, j'ai invité les maires – par lettre ci-après du 10 juillet – à procéder à ce recensement et à m'en transmettre les résultats.

« Boulogne, le 10 juillet 1918

Le préfet du Pas-de-Calais à Monsieur le maire de

J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur l'intérêt qui s'attache à ce que mon administration connaisse en volume et en poids le matériel et les marchandises existant dans votre commune et qu'il y aurait lieu de transporter à l'arrière en cas d'évacuation.

Ce recensement ne doit avoir rien d’alarmant, il constitue une simple mesure préventive et ne s'applique pas aux usines travaillant pour le ministère de l'Armement. Vous voudrez bien l'établir dans l'ordre suivant et me le transmettre dans le moindre délai :

1- Denrées alimentaires, bétails ;

2- Cuivre. Étain. Acier. Fonte et autres matériaux.

3- Cuirs. Laines. Tissus.

4- Autres marchandises.

Si les circonstances l'exigeaient, les choses et objets à évacuer pourraient l'être, soit sur les départements de l'intérieur, soit à l'ouest de la route nationale Saint-Omer-Hesdin-Abbeville.

Il est à peine besoin de vous signaler que vos administrés seraient largement inspirés en évacuant par leurs propres moyens, le moment venu, tout ce qu'ils pourraient soustraire à l'ennemi et je compte sur votre patriotique concours pour leur rappeler, dès à présent, cet impérieux devoir national. Je crois très fermement, et les événements actuels ne peuvent que fortifier encore cette opinion, que je n'aurai pas à faire état des renseignements demandés. Mais la confiance la plus raisonnée, l'espérance la mieux justifiée par des circonstances chaque jour plus favorables, la conviction même qu'elles sont superflues ne sont pas exclusives contre des éventualités douloureuses, si absolument improbables qu'elles apparaissent et qu'elles soient, ne saurait être assimilé à un acte de foi en l'avenir. Les administrateurs qui omettraient de garantir ceux dont les intérêts sont confiés à leur garde contre le pire, voire contre l'invraisemblable, doivent estimer qu'on les jugerait avec une extrême indulgence si on ne qualifiait d'imprévoyante une semblable attitude. Soucieux de mes devoirs, c'est un reproche que, même sous cette forme bienveillamment atténuée, ma prudence, dût-elle être par certains, et peut-être par moi-même taxée d'excessive, je ne peux mériter.

Le préfet

Robert Leullier »

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Avis aux industriels et commerçants évacués

D'autre part, afin de toucher les habitants des localités évacuées dont le lieu de refuge n'est pas toujours connu, j'ai demandé à la presse régionale d'insérer un avis concernant ces évacuations de matériel, de denrées et de marchandises.

J'ai donné ci-après les indications qui ont été fournies à ce sujet par un journal régional :

« Beaucoup d'industriels, de commerçants, de cultivateurs des communes évacuées de la ligne de feu ont quitté leur domicile avec précipitation en laissant chez eux des denrées alimentaires, du bétail, du cuivre, des laines, des tissus et d'autres marchandises qu'il importait de soustraire à l'ennemi en cas de nouvelle offensive.

Les services de l'intendance, d'accord avec l'administration préfectorale, s'efforcent de recueillir toutes ces richesses pour les mettre en sûreté, mais les opérations du sauvetage sont conduites avec infiniment plus d'ordre et de profit lorsqu'elles sont exécutées avec le concours des intéressés. La présence de ces derniers présente aussi des avantages à d'autres points de vue, et notamment en ce qui concerne leurs réclamations éventuelles. Pour obtenir ces résultats, les pouvoirs publics se heurtent à de sérieuses difficultés. Comment toucher nos compatriotes dispersés aux quatre coins de la France ? Où se trouvent actuellement les habitants de Béthune, Arras, Aire-sur-la-Lys, Lillers, etc. ?

Divers moyens ont été employés pour rechercher les réfugiés qui n'ont pu emporter leur stock de marchandises. Les municipalités, les chambres de commerce, les syndicats, ont uni leurs efforts pour arriver à ce but et le préfet du Pas-de-Calais vient d'avoir l'heureuse inspiration d'utiliser aussi le concours de la presse.

Notre coopération est entièrement acquise à une œuvre qui a pour but de sauvegarder l'intérêt national comme les intérêts privés de nos compatriotes. Il ne faudrait du reste pas déduire des dispositions prises qu’une nouvelle avance des troupes allemandes est prévue, ni même immédiatement à craindre. On nous prie de bien vouloir spécifier qu'il ne s’agit pas d'alarmer le public mais de le renseigner. Cette recommandation semblera inutile surtout aux habitants du Nord, qui ont assisté à l'invasion de 1914 et ne manqueront pas d'établir un parallèle entre l'incurie du gouvernement à cette époque et la prévoyance qui se manifesta tardivement en 1918.

Que d'approvisionnement précieux pour la défense du pays, combien de matières premières indispensables, de trésors artistiques et de richesses de toutes sortes auraient pu être sauvés de Lille, Roubaix et Tourcoing, si au lieu d'entretenir les populations dans une confiance béate, on les avait prévenus du danger en les engageant à enlever ce qui était transportable et en facilitant leur besogne !

Les pouvoirs publics s'efforcent au contraire maintenant d'assurer les évacuations méthodiques. On a compris que c'était un jeu dangereux que de laisser continuer à travailler sous les obus des usines dont l'abandon est susceptible de profiter à l'ennemi. Commerçants et industriels auront ainsi toute latitude pour s'occuper de leurs affaires dans des contrées moins exposées.

Pour enlever les marchandises dont il est question, l'administration ne peut agir seule, car l'opération présente de nombreuses difficultés et il est nécessaire que les intéressés contribuent au sauvetage de ce qu'ils possèdent. Leur présence n'est pas indispensable ; il leur suffira de remplir le questionnaire ci-dessous et d'adresser les renseignements demandés dans le plus bref délai à la préfecture du Pas-de-Calais.

Votre nom et votre adresse ?

Indiquer pour l'expédition, la gare de départ et la gare destinataire ; le nombre de wagons nécessaires ; le genre de véhicule (plat ou couvert) ; le poids et le volume approximatifs des objets à enlever. S'agit-il de denrées alimentaires ou de bétail ? De cuivre, étain, acier, chaudières ? De cuir, laines, tissus, vêtements ? D'autres marchandises ?

Doivent être exclus de cette nomenclature, le matériel et les objets manufacturés des usines travaillant pour l'armement.

Ajoutons que les frais de transport en chemin de fer et d'emballages resteront à la charge des propriétaires, mais que le camionnage jusqu'à la gare la plus proche sera assuré gratuitement par l'autorité militaire. Autant que possible, les marchandises devront être préparées à l'avance de façon à éviter toute perte de temps aux soldats.

Rappelons enfin, pour éviter les correspondances inutiles, qu'il n'est pas question de toutes localités de l'arrière, plus ou moins éloignées du front, mais seulement de celles situées sur la ligne de feu, dont la population a été régulièrement évacuée.

Les lecteurs sous les yeux desquels tombera cet article, feront acte de patriotisme, s'ils ne sont pas directement intéressés, en prévenant les personnes de leur entourage.

Wasselier du P »

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Enquête auprès des divers services administratifs

À la demande de l'intendant-directeur Gauthier, j'ai invité le 23 juillet dernier les divers services administratifs (État, Département, Communes) à produire à nouveau des renseignements sur l'importance des objets, marchandises, matériel, archives, bétails, céréales, outillage agricole, etc. à évacuer éventuellement.

Moyens de transport

La question des moyens de transport joue un rôle considérable dans l'organisation des évacuations. Aussi m'a-t-il été pénible de constater la pénurie de ces moyens et même leur absence presque complète au moment où ils devaient être particulièrement importants (cinq ou six wagons par jour pour tout le département !). J'ai protesté à plusieurs reprises auprès des différents ministères contre une semblable situation, mais les demandes locales ont été primées par le remploi du matériel disponible à des transports de troupes et de ravitaillement.

Du 17 juin dernier au 1er septembre, j'ai inscrit 2.400 demandes émanant de particuliers et tendant à l'évacuation de marchandises, de matériel et de mobilier. Ces demandes ont été transmises à la commission du réseau du Nord qui n'a pu, à ce jour, en accueillir qu'un très petit nombre.

Évacuation de l'asile d'aliénés et de l'asile-hospice de Saint-Venant

Par suite de l'avance de l'ennemi, l'asile de Saint-Venant a dû être évacué à la date du 13 avril.

D'abord hospitalisés provisoirement à Berck, les pensionnaires sont actuellement répartis dans les établissements ci-après : 69 à Bégard (Côtes-du-Nord) ; 101 à Moulins (Allier) ; 36 à Tours (Indre-et-Loire) ; 71 à Lafond (Charente-Inférieure) ; 50 à Alençon (Orne) ; 50 à Poitiers (Vienne) ; 85 à Limoges (Haute-Vienne) ; 93 à la Roche-sur-Yon (Vendée) ; 82 à Picauville (Manche) ; 38 à Blois (Loir-et-Cher) ; 85 à Lesvellec (Morbihan).

À ce sujet, j'ai l'honneur de signaler au Conseil général qu'au cours d'une visite que j'ai faite le 7 septembre à Saint-Venant, j'ai constaté que les dégâts causés à l'établissement départemental pour être importants ne sont pas irréparables. Il sera relativement aisé de le rendre à sa destination.

Réquisitions

La commission d’évaluation

Conformément à l'ordre inscrit sur leurs lettres de services, quelques membres de la commission se sont présentés, le 2 août 1914, à la préfecture, à midi, pour assister à la première séance de la commission d’évaluation des réquisitions militaires.

Les réunions eurent tout d’abord pour objet de faire des propositions en vue d’arrêter les prix des diverses denrées achetées par les commissions de réception pour les besoins de l'armée, ou susceptibles d’être réquisitionnées.

Ensuite, la commission dut également établir les catégories de prestation pour lesquelles il y avait lieu d’établir des tarifs soumis, bien entendu, à l'acceptation de la commission centrale des réquisitions. Enfin, suivant les attributions conférées par le décret du 2 août 1877, le rôle principal de la commission fut d'examiner les dossiers constitués par les prestataires, transmis par les maires des communes, et de donner son avis sur les prix de chaque prestation.

Les séances de la commission furent tenues régulièrement pendant le mois d'août et de septembre 1914. Elles furent un moment interrompues en octobre, au moment de l'évacuation d'Arras par suite du bombardement et reprises à Boulogne le 10 octobre 1914. Depuis lors, le travail se poursuivit méthodiquement et s'exerça principalement sur les très nombreux dossiers soumis à son appréciation.

Ces dossiers furent à l'origine uniquement des dossiers de réquisitions, mais dans les premiers mois de 1915 arrivèrent également des dossiers relatifs aux dommages commis par les troupes en cantonnement.

L'étude des dossiers de réquisitions et surtout celle des dossiers de dommages est toujours assez longue. Malgré toutes les instructions qui ont été données aux maires, malgré les modèles de procès-verbaux de dommages dressés par la commission et qui devaient faciliter considérablement la tâche des prestataires, un grand nombre de dossiers ont dû être retournés aux maires, afin d'obtenir tous renseignements permettant de statuer en connaissance de cause.

Un grand nombre de dossiers de dommages ont dû être aussi soumis à l'expertise en raison des difficultés d'apprécier, sans se rendre sur place, la nature des dégâts et de fixer le montant des indemnités. Le renvoi des dossiers aux maires, la nécessité de les soumettre à l'expertise ont amené certainement des retards dans la liquidation d'un nombre important de prestations ; mais ainsi que j'ai longuement expliqué par des rapports motivés adressés à votre administration, ces retards ne sauraient être imputables à la commission d'évaluation.

Au nombre des circonstances qui ont pu entraver le travail de la commission, il faut encore ranger la prétention émise en 1915, par le service de l'Intendance, de faire rejeter toute réclamation pour dégâts de cantonnement dans la catégorie des réparations civiles. Il faut noter également que, par suite des décisions de l'autorité militaire supérieure, la Commission a été privée, par deux fois, au début de 1917, de tout personnel auxiliaire et dans l'impossibilité absolue d'assurer tout service.

Je pourrais rappeler également certaines difficultés survenues dans le règlement des indemnités dues à l'expert de la Commission et qui ont momentanément suspendu ses déplacements. Ce sont là choses passées, mais en leur temps elles ont occasionné des retards qui ont pesé sur le chiffre des dossiers en instance.

Nombre de dossiers examinés

Quoi qu'il en soit, la Commission a assumé une tâche considérable et a consacré à l'examen des dossiers au cours des années 1915, 1916 et 1917, deux à trois séances par semaine, représentant 8 à 12 heures de travail. En outre, il n'appartient pas de passer sous silence les travaux hors séances que le Président a dû effectuer.

Le résultat de ces efforts peut se traduire par les chiffres ci-après :

  • Au 1er juillet 1915, la commission avait examiné 3.950 dossiers.
  • Au 1er juillet 1916, la commission avait examiné 9.000 dossiers.

Au 20 juin 1917, la commission avait examiné 11.918 dossiers.

À cette époque, le montant des indemnités réclamées s’élevait à 28.000.000 de francs.

Au 4 septembre 1918, le nombre des dossiers étudiés s'élevait à 13.200, dont 10.482 de réquisitions et 2.808 de dommages commis par les troupes en cantonnement, le montant des indemnités réclamées oscillait autour de 30.000.000 de francs. Si l'on admet, ce qui doit être à peu près la vérité, que sur chaque dossier figure en moyenne la réclamation de sept prestataires, nous avons donc eu à statuer sur les demandes d’environ 100.000 prestataires. Ces chiffres sont, je le pense, assez éloquents, et peuvent permettre de juger du labeur accompli par les membres de la Commission d'évaluation. La conséquence de cette assiduité a été d'assurer la liquidation de toutes les réclamations et depuis le mois d’avril 1918, les dossiers, tant de réquisitions que de dommages, sont généralement transmis dans les quinze jours, après avis de la Commission, au service de la sous-intendance.

Il faut noter toutefois que trente dossiers relatifs à des dommages commis par des armées alliées, sont soumis à l'examen de la Commission par suite du refus des bases alliées d'accepter le paiement des indemnités réclamées par les prestataires. Ces dossiers seront examinés dans le plus bref délai possible et transmis au service de la sous-intendance, afin de suivre la voie litigieuse qui devra en assurer la liquidation.

Avis sur les prix des denrées

J'ai dit, au début de ce rapport, que la Commission d'évaluation devait formuler des propositions en vue d'établir le prix des denrées qui doivent être achetées ou réquisitionnées pour les besoins de l'armée. Malheureusement, les propositions de la Commission sont rarement acceptées, les prix proposés sont le plus souvent réduits et ramenés à des taux inférieurs à ceux pratiqués dans la zone de l'intérieur. Cette situation est naturellement préjudiciable à l'agriculture de la région ; mais il ne semble pas qu’elle doive prendre fin, puisque cette année encore le prix de la paille de blé et de seigle sont fixés par la zone de l'intérieur, à 15 francs le quintal, tandis qu'ils ne sont que de 13 francs le quintal pour la zone des armées.

La Commission a dû également émettre des avis assez nombreux sur des questions qui lui ont été soumises par les services de l'Intendance. L'une de ces questions particulièrement importantes visait la forme à adopter pour les avis de la Commission. Jusqu'au milieu de l’année 1917, la Commission d'évaluation a émis des avis en les consignant sur les états A et cela en accord avec les services de l'Intendance. Mais par une lettre, en date du 23 juillet 1916, M. le directeur du service de l'Intendance de la région du Nord, priait l'administration préfectorale de donner à la Commission toutes instructions utiles pour qu'elle ne fit plus figurer son avis sur les états A, afin :

  • D'éviter toute confusion avec les décisions de l'autorité militaire ;
  • D'empêcher que les avis ne soient portés à la connaissance des prestataires.

En complet accord avec la Commission, son Président a soutenu que les avis devaient aussi parvenir aux prestataires. Il nous était apparu, en effet, que tous les éléments de la cause devaient être soumis aux intéressés, surtout quand, en cas de refus, l'affaire doit être portée devant les tribunaux.

Il résulte en outre des travaux préparatoires à la loi de 1877, que la Commission de la Chambre des Députés avait pensé à rendre obligatoire l'avis de la Commission d'évaluation et à ne laisser à l'autorité militaire qu'une sorte d’homologation. Sans se ranger à cette opinion, le rapporteur concluait ainsi :

« Du reste, sans être souverain, l'avis de la Commission d'évaluation aura une très grande importance, car si les citoyens se croyaient lésés dans leurs droits, ils trouveraient dans l'opinion de la Commission une base pour refuser l'offre faite et pour réclamer devant la juridiction compétente une indemnité plus considérable. »

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(commentaires, Morgan, rédacteur du ministère de l’Intérieur)

Au surplus, la loi de 1877, a institué les Commissions départementales en vue d'arbitrer, à titre d'indication, la valeur des prestations. La Cour d'appel de Caen, dans son arrêt du 16 février 1916, qualifie les avis des Commissions de règle d'ordre public, édictées dans l’intérêt des finances publiques dont la sauvegarde présente pour la défense nationale une importance particulière.

Mais la décision de M. le ministre de la Guerre n'ayant pas été favorable à la thèse soutenue par la Commission, celle-ci dut s'incliner et formuler des avis séparés qui ne sont plus portés à la connaissance des prestataires.

M. le Président Tribondeau continue cependant à penser qu'il est regrettable que les avis de la Commission ne soient pas communiqués aux intéressés. Il reste convaincu que, depuis cette nouvelle réglementation, les prestataires sont encore plus incités à résister aux offres qui leur paraissent insuffisantes, et que le nombre des litiges devient de plus en plus considérable, entraînant, par conséquent, de très grands frais de déplacements qui finissent sans doute par être des plus onéreux pour le Trésor.

La collaboration des membres de la Commission a été féconde et aussi éclairée que désintéressée. Deux de vos collègues, MM. Bachelet et Doutremépuich, ont apporté à la Commission le précieux concours de leur expérience avertie et de leur dévouement aux intérêts de leurs compatriotes.

Comptabilité départementale et générale

Les dépenses départementales, qui comportaient annuellement avant les hostilités environs 42.000 mandats, nécessiteront, si la situation reste la même d'ici le 31 décembre, plus de 60.000 mandats, soit une augmentation d'un tiers.

Cette situation est due, en grande partie, à l'évacuation d'un très grand nombre de bénéficiaires des services d'assistance aux vieillards et aux familles nombreuses ; les ordonnancements mensuels ne pouvant plus, pour ces assistés, s'effectuer collectivement.

Il faut noter aussi la création de divers comptes départementaux, hors budget, savoir :

  • a) Cession de farines provenant du Ravitaillement général ;
  • b) Mise en culture des terres abandonnées ;
  • c) Confection des cartes d'essences.

D'autre part, les dépenses des ministères se sont accrues, depuis le début des hostilités, au-delà de toute prévision.

C'est ainsi : 1) Que le montant total des dépenses du ministère de l'Intérieur qui s'élevait, pour 1914, à 2.500.000 francs, atteignait, en 1917, 31.000.000 francs, chiffre qui sera encore sensiblement dépassé en 1918. Cet accroissement de dépenses a nécessité un supplément de 5.000 mandats dû principalement au grand nombre de réfugiés dans le département ;

2) Que le montant total des dépenses du ministère de l'Instruction publique, qui s'élevait pour 1914 à 7.000.000 de francs est passé, en 1917, à près de 10.000.000 de francs. Cette augmentation a nécessité également un supplément de 15.000 mandats dû, en grande partie, à l'application du décret du 31 mars 1916 allouant une indemnité aux fonctionnaires évacués ou repliés par ordre devant l'ennemi, et des trois lois successives concernant l'indemnité de cherté de vie, les suppléments temporaires de traitements et les indemnités pour charges de famille alloués à tous les fonctionnaires de l'État. Il en est de même, dans des proportions variables, en ce qui concerne les autres ministères.

À signaler aussi, la création du ministère du Blocus et des Régions envahies, lequel est appelé à prendre, à brève échéance, une extension considérable en ce qui concerne le service des dépenses.

Les travaux de comptabilité résultant des mandatements supplémentaires précités (tenue des livres, confection des bordereaux d'émission, vérification des pièces justificatives) se sont multipliés dans des proportions identiques.

L'application des lois des 18 octobre 1917, 27 et 30 avril 1918 concernant le service des allocations aux petits retraités de l'État, service qui compte aujourd'hui près de 4.000 bénéficiaires dans le département, a également nécessité un supplément de travail.

Archives départementales et communales

Service des Archives départementales à Arras

Au mois de juillet 1914, le service des Archives se trouvait dans des conditions de développement très favorables. Une jeune et érudit archiviste, M. Pierre Flament, tombé depuis devant Verdun à la tête de sa compagnie, exposait un plan de travail prévoyant à bref délai l'achèvement de plusieurs inventaires de précieuses collections.

On connaît les bombardements acharnés que subit le Palais Saint-Vaast, où les archives étaient conservées.

Dès le bombardement de 1914, le personnel descendit dans une cave, non occupée par le cantonnement des défenseurs d'Arras, les plus précieuses des archives anciennes et les documents les plus utiles des séries modernes. M. le directeur général Langlois, qui vint sur place, en novembre, se rendre compte sur place de la situation, approuva les mesures prises.

En février 1915, l’archiviste-adjoint demanda, au nom de l'administration, des hommes et des camions pour évacuer les archives mises à l'abri, afin de continuer la descente dans la cave d'autres séries. Mais à cette date, la bataille faisait rage autour d'Arras, dont les principaux monuments étaient déjà incendiés par les Vandales, et on répondit : « que les hommes étaient dans les tranchées, et les camions au ravitaillement ». C'est ainsi qu'il fallut, la mort dans l'âme, laisser exposés aux bombes incendiaires, tant de précieux matériaux historiques.

Le violent bombardement du 5 juillet 1915, eut enfin raison du robuste Palais Saint-Vaast. De 2 heures et demi à 10 heures et demi du soir, les obus incendiaires arrivaient par salves ininterrompues, et l'incendie fit rage pendant deux jours, dévorant les archives, la bibliothèque (à l'exception des manuscrits mis à l'abri par le personnel des Archives), le musée et les collections de l'Académie d’Arras (une des premières sociétés savantes en France).

Durant l'effroyable incendie qui gagna la cathédrale, le personnel des archives, avec l'aide de deux officiers du 59e, cantonnés à Saint-Vaast, sauva pour la troisième fois, malgré les barrages, les archives anciennes d'Arras, qui avaient échappé aux brasiers de l'hôtel de ville.

Après ce désastre, on put obtenir des hommes de corvée et des camions pour évacuer sur Paris les documents sauvés (la voûte de la cave qui les abritait étant menacée. En effet, un [obus de] 210 acheva son écrasement quelques jours après son déménagement).

Cette évacuation, compliquée d'un transbordement sur une gare à proximité de la ligne de feu, eut lieu au mois d’août, durant dix-sept séances nocturnes, tous feux éteints.

Sept wagons furent dirigés sur le Palais Soubise, et sept autres contenant les archives modernes, furent expédiés à Boulogne-sur-Mer, dans un local voisin des bureaux provisoires de la préfecture.

Services des Archives départementales à Boulogne-sur-Mer

On improvisa, dans une dépendance du musée de cette ville, un dépôt provisoire. Quatre salles libres reçurent les 2.007 cartons d'affaires courantes, et 1.029 mètres de rayons ne suffirent pas à organiser la centaine de tonnes de dossiers arrivés dans un état plutôt défectueux. Le personnel dressa d'urgence un répertoire numérique pour chacune des quatre divisions, et grâce à cet instrument le moindre employé peut instantanément retrouver le dossier demandé par son service.

Cependant, après la première évacuation, il restait à l’annexe, rue des Fours, à Arras, un certain lot de papiers non périmés, et d'autres à conserver indéfiniment. D'autre part, l'administration hospitalière avait ses propres archives, comprenant 13 fonds anciens (XIIe-XVIIIe siècles) remisés dans les caves humides. Aussi, le personnel des archives n'hésita pas à en faire une deuxième. Du 2 au 13 décembre 1915, seize camions autos firent la navette durant la nuit pour l'embarquement à la même gare. Ce travail fut interrompu deux fois par des rafales de projectiles qui atteignirent l'église Saint-Nicolas, la Préfecture, et achevèrent la destruction du chef-d'œuvre de Grigny, la chapelle de l'ambulance du Saint-Sacrement.

Trois wagons furent expédiés sur Paris, un wagon sur Montreuil-sur-Mer, et un wagon sur la Préfecture, à Boulogne-sur-Mer.

Classements

Le cumulus que formaient ces arrivages fut d'abord l'objet d’un gros triage ; puis le personnel commença le classement définitif. C'est ainsi qu'il organisa d'urgence, au cours de l'exercice 1915-1916, les documents concernant la vie communale ; les plans et les dossiers de la vicinalité ; les chemins de fer ; la navigation, le service maritime ; les mines ; l'enseignement public. La bibliothèque départementale ne fut pas négligée et put acquérir, dans la mesure du possible, les ouvrages et estampes concernant la guerre en Artois. Dans l'exercice 1916-1917, les classements concernent : les circonscriptions territoriales et administratives ; la population ; les élections législatives, cantonales et municipales ; l'administration générale et le personnel administratif ; le protocole ; les Fêtes Nationales ; la police ; l'hygiène publique ; l'industrie et le commerce ; l'agriculture ; le conseil général et le conseil d'arrondissement ; les bâtiments départementaux ; la comptabilité départementale ; la catastrophe de Courrières et de la Clarence ; les écoles et chaires d'agriculture ; les monuments historiques ; les hospices et bureaux de bienfaisance. La bibliothèque s'est enrichie de vues photographiques des villages du front, obtenues de la section photographique de l'armée.

À noter, durant l'exercice 1917-1918, les classements suivants :

Conformément à la circulaire ministérielle, en date du 12 novembre 1916, le service a dépouillé méthodiquement toutes les séries pour constituer une collection de plans de toute nature concernant les localités détruites.

C'est ainsi que 2.500 plans ou croquis ont été prélevés dans 11.200 liasses du dépôt et dans 500 cartons d'archives des divisions. Ces plans ont été classés pour 239 communes.

Il faut y ajouter l'ensemble des plans cadastraux refaits, aménagés dans deux casiers spéciaux en 267 rouleaux. À cette documentation topographique, il faut ajouter des épreuves photographiques prises en avion, de 1914 à mai 1915, obtenues pour 48 communes, du service des fabrications de l'aviation militaire.

En vue de la reconstitution des archives des communes détruites, le personnel a profité des triages précités, pour constituer une série d'affaires communales récentes et même en instance, soit 130 portefeuilles utilisables dès le lendemain de l'évacuation des communes envahies. En dehors de ces classements, il faut noter le classement complet dans les séries O (communes), S (travaux publics), T (instructions publiques) et V (cultes).

En résumé, l'ensemble des classements opérés par les Archives durant la guerre a porté sur 9.586 liasses et registres.

Les recherches et communications demandées par divers services, notamment par celui de la Reconstitution des communes du front, par le service technique, par la mission française près des armées britanniques et par les officiers anglais recherchant la topographie souterraine, s'élèvent au chiffre de 2.105.

Malgré les difficultés de communication, le service d’inspection des archives des sous-préfectures, des communes et des hospices, ne s'est pas ralenti pendant ces années de guerre. Une tournée spéciale a été faite aux villes et communes bombardées, dont le résultat est consigné dans les rapports au Conseil général.

Des instructions précises ont été données aux maires pour la conservation ou la mise à l'abri de leurs documents les plus précieux.

Enfin, le personnel des Archives a prêté son concours pour l'exécution de la circulaire préfectorale du 6 juin 1918 prescrivant l'évacuation des plans et matrices, registres clos et documents les plus utiles.

Archives des communes du front au château de Chambord

Les archives du Pas-de-Calais évacuées à Saint-Josse-sur-Mer pour être transférées au Château de Chambord (Loir-et-Cher), appartiennent aux communes suivantes situées dans la zone de bombardement ou dans les régions éventuelles d’opérations militaires :

Achicourt, Achiet-le-Petit, Acq, Acquin, Agnez-lès-Duisans, Agnières, Agny, Aire-sur-la-Lys, Ambrines, Ames, Amettes, Amplier, Annezin, Aubigny-en-Artois, Auchy-au-Bois, Averdoingt, etc.

La plus grande partie de ces archives étaient d'origine communale et consistaient généralement en registres d'état-civil et documents cadastraux. Des papiers domaniaux, notariaux, ecclésiastiques et privés formaient néanmoins une part assez importante de l'envoi. Les archives hospitalières d'Arras jointes aux archives de l'état-civil, évacuées à Montreuil-sur-Mer, furent également comprises dans l'expédition.

Baux à loyer

Loi du 9 mars 1918

L'application de la loi du 9 mars 1918 relative aux modifications apportées au baux à loyer par l'état de guerre a été confiée pour partie à l'autorité judiciaire ; la seconde partie incombe à l'autorité administrative.

Aux termes de la loi, c'est au préfet qu'il appartient de désigner le lieu où siégera chaque commission arbitrale et de donner à cette décision la publicité requise. C'est lui aussi qui assure, avant l'ouverture de chaque session, la publicité du tirage au sort, sur les listes dressées par les conseillers municipaux, des noms des propriétaires et des locataires appelés à former chaque commission arbitrale.

Un décret du 10 mars 1918 a divisé le département du Pas-de-Calais en 24 circonscriptions, dont 4 pour l'arrondissement d'Arras, 7 pour Béthune, 6 pour Boulogne, 2 pour Montreuil, 3 pour Saint-Omer et 2 pour Saint-Pol.

Conformément aux instructions de M. le ministre de la Justice, j'ai prescrit la réunion des conseils municipaux dans le mois qui a suivi la promulgation de la loi et je les ai invités à établir 3 listes : une des propriétaires, une des locataires patentés, une des locataires non patentés. Ces listes ont pu être dressées dans les arrondissements non envahis et les commissions arbitrales ont été constituées assez rapidement. Il n'en a pas été de même dans les arrondissements d'Arras et de Béthune ; quelques conseils municipaux seulement ont pu exécuter mes instructions, mais aucune commission n'a été constituée.

Sur la demande de M. Amédée Petit, premier président de la Cour d'appel d’Amiens, j'ai, à la date du 26 août 1918, présenté des propositions pour rattacher par voie de décret, aux circonscriptions arbitrales avoisinantes, les circonscriptions ou fractions de circonscriptions dans lesquelles la formation des listes définitives n'a pas été possible par suite des événements de guerre.

D'accord avec lui, j'ai traité la question des indemnités aux secrétaires et des dépenses des commissions.

Ces dépenses, qui sont obligatoires pour les communes, seront réparties chaque année, entre elles au prorata des populations.

Partie concernant les œuvres de solidarité, d'assistance, d'hygiène et d’enseignement

Allocations aux femmes de mobilisés

Les demandes d'allocation prévues par la loi du 5 août 1914 en faveur des familles des mobilisés ont été très nombreuses dans le département par suite de la densité de la population. Les maires, les membres des commissions cantonales et d'arrondissement ont eu à fournir à ce sujet une besogne considérable et on peut affirmer que les uns et les autres ont grandement contribué au maintien de la bonne tenue morale des populations.

De leur côté, l'administration préfectorale et MM. les sous-préfets ont apporté dans la mise en œuvre de la loi toute la bienveillante sollicitude qui avait inspiré le législateur en votant ces mesures d'assistance sociale.

La circulaire préfectorale d'avril 1915 que je reproduis ci-après traduit ces sentiments :

« Le préfet du Pas-de-Calais, à messieurs les maires, présidents et membres des commissions cantonales et d'appel

L'application de la loi du 5 août 1914 sur les allocations aux familles des mobilisés et des circulaires qui l'ont interprétée a exigé de votre part un dévouement confiant et éclairé auquel je me plais à rendre hommage.

Je sais pour avoir personnellement mis en œuvre tous les détails de votre noble et lourde tâche, les difficultés que vous avez rencontrées et les patriotiques efforts que vous avez soutenus et réalisés pour les surmonter. Je connais aussi le légitime souci qui vous a guidé lorsque, dans l'examen des nombreuses demandes qui vous ont été soumises, vous avez entouré vos avis de tous les éléments d'appréciation nécessaires. Et c'est avec une vive et réconfortante satisfaction que j'ai constaté que votre préoccupation constante a été de prendre des décisions conformes au droit et à la justice. Sans doute quelques défaillances locales ont pu se produire, de même que se sont vérifiées des demandes ne traduisant pas la situation sincère des pétitionnaires.

Mais dans l'ensemble, il y a lieu de se féliciter des résultats obtenus. Le département compte à présent plus de cent mille bénéficiaires de l'allocation militaire et le simple énoncé de ce chiffre suffit à lui seul pour témoigner des besoins de nos laborieuses populations et de l'esprit impartial et humanitaire qui a inspiré les commissions.

La bienveillance avec laquelle les demandes d’allocations ont été examinées jusqu'à ce jour doit s'affirmer et s'accentuer de plus en plus. Les ressources de certaines familles de mobilisés ne sont plus les mêmes qu'au début de la guerre et la prolongation des hostilités, en créant de nouvelles souffrances, a parfois modifié considérablement les moyens d'existence des familles. M. le ministre m'a prié de vous dire qu'il ne fallait pas prendre à la lettre le mot « nécessiteux ». »

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Taux de l'allocation

Du 2 août 1914 au 31 mars 1917, l'allocation principale était de 1 franc 25 et la majoration de 0,50 franc.

Du 1er avril 1917 au 3 août 1917, la majoration a été portée à 0,75 francs.

Depuis le 4 août 1917, l'allocation principale est de 1 franc 50 et la majoration de 1 franc.

Nombre de demandes

Le nombre de demande d'allocations examinées par les commissions cantonales au 31 juillet 1918 s'élevait à 171.253. Le nombre actuel des bénéficiaires dépasse 115.000.

Coût de la loi

L'application de la loi du 5 août 1914 dans le Pas-de-Calais nécessite actuellement une dépense mensuelle de 5 millions en chiffres ronds. Du 2 août 1914 au 21 juillet 1918, le coût de la loi s’est élevé à 246 millions de francs.

Rappel d’allocations militaires aux familles rapatriées des régions envahies

Une circulaire ministérielle du 26 mars 1918 a précisé le point de départ des allocations et majorations prévues par la loi du 5 août 1914 qui ont été ou seront accordées aux familles rapatriées des régions envahies et fixé, en principe, d'une façon uniforme au 2 août 1914, que ces familles aient été admises avant ou pendant l'occupation ou qu'elles se soient mises en instance depuis leur rapatriement.

Les intéressés doivent remettre leur demande au maire de leur lieu de refuge qui la transmet revêtue de son avis à la Commission cantonale compétente. Le cas échéant, ils peuvent recevoir immédiatement un arriéré de quatre mois.

Le montant des sommes restant dues constituant le « capital réservé », sera payable à la famille soit à la libération du territoire, soit à la fin des hostilités. L'importance en est reconnue par un certificat délivré par l'administration préfectorale.

Le trouble apporté dans les services des allocations militaires à la suite des évacuations parfois successives des populations a été grand et a nécessité de la part des diverses administrations intéressées un gros effort pour que le paiement de l'assistance au nouveau lieu de refuge ne subisse aucun retard.

Allocations aux victimes civiles de la guerre

La loi du 28 avril 1916 a étendu le bénéfice de la loi du 5 août 1914, dont elle n'est que le prolongement, aux victimes civiles nécessiteuses de la guerre et aux familles nécessiteuses dont le soutien indispensable non militarisé a été victime d'un fait de guerre. Cette assistance est assurée pendant toute la durée de l'incapacité de travail. À la date du 31 août 1918, 284 demandes avaient été formées dans le département et 134 avaient été accueillies.

D'autre part, 103 dossiers sont encore en instance et ont donné lieu à un complément d'information.

Parmi eux, figurent un certain nombre de demandes émanant de victimes qui ont quitté le département à la suite de l'avance de l'ennemi, en mars dernier ou qui ont été rapatriées des régions envahies.

Secours pour événements de guerre

Le ministère de l’Intérieur a mis à ma disposition des fonds destinés à être distribués en secours pour événements de guerre.

Il s'agit de secours immédiats pour faire face aux premiers besoins. À la suite des fréquents bombardements dont beaucoup de communes du département ont souffert cette année, je me suis souvent transporté sur place pour réconforter les malheureux sinistrés et leur remettre des secours.

Voici l'importance des crédits distribués jusqu'à ce jour :

  • 1915 : 4.070
  • 1916 : 2.793
  • 1917 : 45.963
  • 1918 : 72.300 (au 5 septembre 1918)

Œuvres de guerre

Dès l'ouverture des hostilités, un admirable élan de générosité s'est manifesté à travers le département pour soulager les infortunes et venir en aide aux misères créées par la guerre. L'idée était noble, patriotique, bien artésienne.

Une véritable floraison d'œuvres écloses modestement ont pris aujourd'hui un essor considérable. Des hommes et des femmes de cœur ne ménageant ni leur temps, ni leur peine, ni leurs ressources, ont organisé et dirigé avec un inlassable dévouement, une ingéniosité toujours en éveil et une rare distinction tous ces comités d'assistance tant appréciés des populations éprouvées.

Leur action utile et réconfortante s'est traduite sous des formes diverses et a pu se prolonger sans défaillance et sans lassitude grâce à l'inépuisable générosité des habitants du Pas-de-Calais et des concours de l'État, du Département et des communes.

Les œuvres de guerre ont un statut ; c'est la loi du 30 mai 1916 et le décret du 18 septembre suivant qui en ont réglé les dispositions.

Une commission départementale examine les demandes des œuvres qui désirent recourir à la générosité publique et c'est M. le ministre de l'Intérieur qui accorde l'autorisation par arrêté spécial.

La commission départementale exerce le contrôle des recettes et des dépenses des œuvres autorisées, ses réunions ont été fréquentes et soucieuses de connaître l'emploi des fonds recueillis.

En dehors des sociétés de la Croix-Rouge française qui est reconnue d'utilité publique et dont l'effort de bienfaisance s'est particulièrement affirmé au cours de la guerre, voici la liste des œuvres de guerre qui fonctionnent dans le département en vertu de la loi du 30 mai 1916 :

Arrondissement de Béthune

  • Œuvres des prisonniers de guerre de Béthune. Présidente : Mme Flament-Douffer.
  • Comité de secours aux prisonniers d'Auchel qui ne sont pas secourus par les compagnies minières. Président : M. Dantin.
  • Comité de secours aux prisonniers et permissionnaires, à Burbure. Président : Léon Brevière.
  • Comité avionnais d'assistance aux prisonniers à Bruay. Président : M. Poulain.
  • Comité des quêteurs en faveur des soldats des régions envahies et prisonniers de guerre à Auchel. Président : Henri Bailleux.

Arrondissement de Boulogne

  • Comité départemental des secours aux éprouvés de la guerre. Président : M. le préfet.
  • Fédération départementale des comités d'assistance aux prisonniers de guerre. Président : M. le préfet.
  • Comité municipal des vêtements chauds. Secours aux prisonniers de guerre de Boulogne. Présidente : Mme Adam.
  • Œuvre d'assistance aux prisonniers de guerre du Boulonnais. Présidente : Mme Péron.
  • Société de secours aux mutilés de la guerre, à Boulogne-sur-Mer. Vice-président : M. Vidor.
  • Comité départemental d'assistance aux militaires réformés pour tuberculose, à Boulogne-sur-Mer. Président : M. Delelis, député ; secrétaire : M. de Beaumont.
  • Œuvre diocésaine des veuves et orphelins de la guerre à Boulogne. Président : abbé Guillemant.
  • Œuvre des orphelins agricoles à Boulogne-sur-Mer. Présidente : Mme Valence de Marbot
  • Œuvre du foyer du marin et du soldat à Boulogne-sur-Mer. Présidente : Mme Fabens.
  • Œuvre de secours aux patrouilleurs à la mer. Présidente : Mme Valence de Marbot.
  • Œuvre des combattants des régions envahies du Nord et du Pas-de-Calais. Président : M. Danel.
  • Œuvre de secours aux prisonniers du département du Nord envahi à Boulogne. Présidente : Mme Fauchille.
  • Amicale des instituteurs du Pas-de-Calais (secours aux instituteurs prisonniers).
  • Œuvre des pupilles de l'école publique du Pas-de-Calais. Président : Inspecteur d'Académie.
  • Œuvre des vêtements pour les enfants des régions envahies. Président : M. Aubrun.
  • Œuvre de secours aux prisonniers guînois. Président : M. Haigneré.
  • Protection du soldat des régions envahies, à Calais. Présidente : Mme Abry.
  • Œuvre municipal de secours aux orphelins de la guerre, à Calais. Président : M. Morieux.
  • Œuvre du colis aux prisonniers du petit Calaisien. Président : M. Naudin.
  • Comité de secours aux prisonniers de guerre du Calaisis. Président : M. Morieux.
  • Œuvre de secours aux prisonniers de guerre, à Tingry. Présidente : Mademoiselle d'Héricault.
  • Œuvre des réfugiés, à Tingry. Présidente : Mademoiselle d'Héricault.
  • Œuvre de secours aux prisonniers de guerre de Marquise. Président : M. Varlet.
  • Union franco-belge des réfugiés du Portel. Président : M. Détienne.
  • Amicale Eurvin, à Boulogne-sur-Mer. Président : Alexandre Goudal.
  • Foyer du soldat, à Boulogne-sur-Mer. Président : Mme Arbousse.

Arrondissement de Montreuil

  • La Solidarité société de secours aux éprouvés de la guerre, à Montreuil. Président : M. Tattegrain.
  • Œuvre de rééducation professionnelle de Berck. Présidente : Mme Régina Calvé.
  • Le foyer du soldat de Berck-Plage. Présidente : Mme Régina Calvé.
  • Comité des réfugiés du Nord et de la Belgique, à Étaples. Présidente : M. Van Belle.
  • Comité franco-belge des réfugiés au Touquet-Paris-Plage. Président : Cyriaque Petit.
  • Comité franco-belge des réfugiés de Rang-du-Fliers. Président : M. Ruyffelaert.
  • Comité franco-belge des réfugiés de Berck. Président : Léon Colmant (conseiller d’arrondissement de Douai).
  • Abri du blessé du Touquet-Paris-Plage. Présidente : Mme Jannet Marie.

Arrondissement de Saint-Omer

  • Œuvre d'assistance aux prisonniers de guerre de l'arrondissement de Saint-Omer. Président : M. Godefroy.
  • Œuvre d'assistance aux prisonniers de guerre du canton d'Aire-sur-la-Lys. Présidente : Mme Abel Delbende.
  • Œuvre des jeunes amis des blessés militaires en traitement à Saint-Omer et de la maison du soldat. Président : Abbé Delamotte.

Arrondissement de Saint-Pol

  • Œuvre de secours aux prisonniers de guerre de Saint-Pol. Président : Mme Michel.

Croix-Rouge américaine. Secours aux familles éprouvées des militaires

La Croix-Rouge américaine a adressé en 1917 à M. le président du Conseil général, une somme de 150.000 francs pour être répartie entre les familles les plus éprouvées des militaires. La Commission, composée des présidents des conseils d'arrondissement, a été présidée par M. Charles Guyot, vice-président du Conseil général. Elle s'est réunie à la préfecture le 18 décembre 1917 et le 6 août 1918 et, à raison de 100 francs par famille, a accueilli 1.380 demandes représentant une somme de 138.000 francs.

Le reliquat sera réparti ultérieurement.

Comité départemental des secours aux éprouvés de la guerre

Président : M. le préfet.

Membres : MM. Les sénateurs et députés, les membres du bureau du Conseil général, les conseillers généraux et d'arrondissement des régions envahies. Fondé le 25 février 1915 et autorisé à faire appel à la générosité publique par arrêté ministériel du 20 janvier 1917, le Comité départemental des secours aux éprouvés de la guerre a près de quatre années d’existence.

Créé sous l'auspice de l'« Union sacrée » pour soulager les souffrances causées par la guerre, il a poursuivi inlassablement sa mission bienfaisante, aussi lourde qu'ait été sa tâche, aussi vaste qu'ait été son champ d’action. La prolongation des hostilités a pu lui faire éprouver quelques difficultés, mais elle n'a pas ralenti son effort d'assistance ; elle a même surexcité son désir de la développer. S'il est, en effet, une œuvre digne d'éveiller toutes les générosités, c'est bien celle qui a pour but :

  • De soutenir et de réconforter les vaillants combattants brutalement privés de toutes communications avec leurs familles ;
  • D'améliorer le sort des malheureux prisonniers militaires et civils soumis à un régime inhumain de privations ;
  • De relever le moral, quelquefois affaibli par les douleurs endurées, des glorieux mutilés, de leur procurer la rééducation professionnelle qui convient à leurs aptitudes et à leurs goûts et d'assurer leur placement ;
  • D'entourer de soins particuliers les rapatriés ;
  • De constituer des stocks de vêtements et de sous-vêtements pour les envahis, les récupérés et les sinistrés ;
  • De distribuer des objets de première nécessité aux populations qui ont réintégré les régions libérées.

Un attachement profond à la cause sacrée des éprouvés de la guerre a toujours guidé le Comité départemental dans toutes les manifestations de son action. Faire le bien, le répandre avec le plus de célérité possible et avec une constante impartialité, tel a été son souci.

Sa réputation à travers le temps aura été de n'avoir point connu les hésitations quand il s'agit d’atténuer les souffrances, de secourir les détresses, de faire le geste qui console, encourage et rend confiance.

Les centaines de mille de situations intéressantes qu'il a découvertes ou qui lui ont été signalées l'ont trouvé plus agissant.

Les résultats heureux que le Comité départemental a obtenu n'ont échappé ni à l'opinion publique, ni au Gouvernement, ni aux élus du Département. Et c'est également soutenu par eux tous, qu'il a pu recueillir les fonds importants indispensables à son fonctionnement. Il ne saurait oublier l'aide précieuse qui lui est simultanément venue de ces différents côtés ; aussi, confond-il collectivités et individus qui l'ont encouragé dans une même pensée de profonde gratitude.

Budget du Comité

Les recettes totales du Comité départemental se sont élevées à 4 millions 956.009 francs 80 et les dépenses atteignaient 4 millions 664.354 francs 10 au 1er septembre 1918. En voici le bilan détaillé :

Le subside de 5 francs aux soldats des régions envahies

La première des œuvres créées par le Comité départemental comportait l'envoi d'un subside aux soldats des régions envahies.

Eu égard aux modestes disponibilités du début, on avait envisagé l'expédition, une fois pour toutes, d'un mandat de 10 francs, auquel était annexée une carte mentionnant les sentiments d'affectueux dévouement du Comité. C'était le réconfort moral qui réchauffe le cœur, allié au réconfort matériel qui permet de se procurer quelques douceurs.

Mais cette généreuse initiative impressionna le ministère de l'Intérieur qui la généralisa dans tous les départements envahis et mit à la disposition de la Préfecture les crédits nécessaires pour continuer les envois. Toutefois, le subside fut fixé à 5 francs par mois. Lors de l'augmentation de la solde militaire, il ne fut renouvelé que tous les deux mois, mais, sur les démarches pressantes du groupe parlementaire des régions envahies, son renouvellement mensuel fut rétabli.

Nombre de bénéficiaires

En raison du grand nombre des mobilisés originaires des communes envahies du Pas-de-Calais, le service de « la pièce de cent sous » ne tarda pas à prendre une très grande extension. Pour assurer sa régularité avec ordre et méthode, les intéressés furent informés individuellement qu’ils avaient à formuler chaque mois une nouvelle demande, car les nombreux changements d’affectation régimentaire, les mises en sursis, les décès ou les disparitions, ne permettaient pas de procéder à des envois automatiques.

Mais pour éviter aux poilus la rédaction d'une lettre, le questionnaire ci-après (d'ailleurs très populaire dans les tranchées) fut imprimé sur le coupon du mandat :

{{Citation|Avis très important

Le secours de 5 Francs est renouvelable chaque mois

Pour recevoir le mandat il y a lieu de retourner le questionnaire ci-dessous après l’avoir rempli.

1) Nom et prénoms

2) Domicile avant la guerre

3) Numéro de ce coupon

4) Quel est votre grade,

5) Adresse militaire actuelle.

L'emploi de cette formule dispense d'écrire une lettre ; il suffit, 8 jours avant expiration du délai d'un mois qui suit la date de ce mandat, de retourner ce coupon à : monsieur le préfet du Pas-de-Calais, à Boulogne-sur-Mer ».

Plus de 40.000 soldats ont participé aux subsides distribués par le Comité départemental. Si tous en ont bénéficié depuis leur incorporation ou le début de l'institution, tous n'ont pas continué, pour des raisons diverses, à être présents sous les drapeaux et par suite à en profiter.

Nombre de mandats expédiés

Les demandes de subsides nécessitent journellement toute une série d'opérations : un classement attentif, l'établissement et la tenue à jour des bulletins individuels, l'inscription détaillée des envois sur un double registre de comptabilité, la confection du mandat et du bordereau postal. Il y a lieu de prévoir également le retour des mandats dont les destinataires n'ont pu, hélas ! être atteints.

402.126 mandats ont été expédiés ; au cours du seul mois d'août 1918, il en a été établi plus de 20.400.

Situation financière

Le budget de cette section du Comité départemental s'établissait comme suit à la date du 1er septembre 1918 :

RECETTES

Elles s’élevaient à 2.090.919 francs 60 ; se répartissant comme suit :

  • Subventions ministérielles : 1.872.135 ;
  • Subventions du département : 10.000 ;
  • Subventions du groupe parlementaire : 5.982 ;
  • Souscription des particuliers : 23.597, 50 ;
  • Subventions des communes : 47.175, 60 ;
  • Subvention sur la souscription organisée par les œuvres de la Croix-Rouge : 50.000 ;
  • Prélèvement sur le produit de la Journée du Pas-de-Calais : 20.000 ;

Remboursements des mandats qui n’ont pas atteint les destinataires : 40.574, 50.

DÉPENSES

Elles atteignaient 2.072.615, 30 francs ; correspondant à l'envoi de 402.126 mandats de 5 francs. À 38.404, 50 francs reversés au Trésor, et à 23.580, 80 francs de subventions à des œuvres militaires diverses. Les fonds disponibles s'élèvent à 18.304, 30 francs.

Rattachement de l'œuvre au ministère de la Guerre

À partir du 1er septembre courant [1918], l'œuvre sera rattachée au ministère de la Guerre (œuvres militaires) qui assurera le paiement du subside mensuel de 5 francs par ses propres moyens. La liquidation du service se poursuit. Mais c'est encore la préfecture qui instruira les demandes nouvelles.

Assistance aux prisonniers de guerre des régions envahies

L'œuvre du Comité départemental aurait été bien incomplète si son action de réconfort matériel et moral ne s'était étendue avec une égale sollicitude aux prisonniers militaires et civils. Le Comité n'a pas voulu que les plaintes des malheureux qui sont internés en Allemagne restassent sans écho et que leurs souffrances morales et physiques ne soient pas apaisées.

Il a fait face à ce nouveau et impérieux devoir de solidarité par l'organisation d’un service régulier d'expéditions en faveur des prisonniers appartenant aux régions envahies.

Nombre de prisonniers secourus

Plus de 8.600 prisonniers sont régulièrement ravitaillés par le Comité départemental. La très grande majorité d'entre eux vivent dans un isolement complet et ne connaissent d'amélioration à leur triste sort que celle que leur procure le Comité. Aussi leur joie est-elle grande lorsqu'ils reçoivent nos vivres et nos vêtements. Ils en accusent réception en des termes très émouvants et lorsqu'ils sont rapatriés ou qu'ils peuvent s’évader, ils ne manquent jamais de transmettre l'expression de leur vive reconnaissance.

Envoi de vivres

Les colis de vivres sont confectionnés partie par « le Vêtement du Prisonnier » (63, avenue des Champs-Élysées, à Paris), et partie sur place. Voici la composition du colis expédié, sur les indications du Comité, par « le Vêtement du Prisonnier » (prix actuel : 18 francs) : 1 boîte de lait condensé Nestlé ; une boîte de sardines ; une boîte de Corned-beef ; une boite de veal Loaf ; une boîte d’haricots au beurre ou à la tomate ; une boîte de petit salé aux lentilles ou haricots ; une boîte de riz au lait ou de gâteau de riz ; dix cubes bouillon ; une boîte de confiture ; 250 grammes de chocolat ; un tube de boisson (15 à 20 litres).

Le colis confectionné sur place est plus modeste, car les disponibilités du Comité ne permettent pas de faire plus. On alterne donc les envois, c'est-à-dire que le prisonnier qui reçoit un colis de 18 francs au cours d'un mois, en obtient un autre de 8 francs le mois suivant, ce qui établit un colis mensuel d'un prix moyen de 13 francs.

Dépense mensuelle

Comme le nombre de prisonniers secourus dépasse 8.600, c'est une dépense d’environ 100.000 francs par mois, que le Comité doit assurer.

Envoi de vêtement

Les uniformes, vêtements, sous-vêtements et galoches réclamés par les prisonniers leur sont envoyés. Les uniformes sont livrés gratuitement par l’Intendance, mais les autres fournitures doivent être achetées. Les frais d'emballage restent dans cas à la charge du Comité.

Le nombre de colis envoyés depuis l'organisation du service est de 320.892 dont 305.227 colis de vivres et 15.665 colis de vêtements.

Prisonniers internés en Suisse

Des secours en argent sont adressés aux prisonniers internés en Suisse. 1912 mandats de 5 francs représentant une somme de 9.560 francs ont été expédiés.

Subvention du ministère de la Guerre

Le concours financier de l'État est accordé au Comité départemental sous forme d'importantes subventions attribuées par le ministère de la Guerre. Depuis sa création à ce jour, le montant des subventions encaissées s'élève à 1.978.406 francs.

Situation financière

Voici la situation financière de cette filiale du Comité départemental :

RECETTES : Elles s’élèvent à 2.494.719, 50 francs. Et se décomposent ainsi qu’il suit :

  • Prélèvement sur le produit de la subvention du ministère de la Guerre : 1.978.406 francs ;
  • Produit de la Journée du Pas-de-Calais : 250.015 francs ;
  • Subvention du Département : 45.000 francs ;
  • Subvention du groupe parlementaire : 95.975 francs ;
  • Subvention du ministère de l'Intérieur en faveur des prisonniers civils : 10.000 francs ;
  • Souscription du « Secours national » en faveur des captifs civils : 10.000 francs ;
  • Subvention sur le produit de spectacles dans la ville de Boulogne : 11.500 francs ;
  • Souscriptions diverses : 93.153, 15 francs ;
  • Mandats retour de Suisse : 670 francs .

DÉPENSES : Elles sont de 2.329.569 francs. Correspondant à l'envoi de colis de vivres et de vêtements et de secours en argent aux internés en Suisse. Les disponibilités sont de 165.150, 15 francs.

Affiliation à la fédération départementale

Le Comité départemental d'assistance aux prisonniers est affilié à la fédération départementale.

Assistance aux mutilés et réformés de la guerre

Bien avant l'institution du Comité spécial prévue par la loi du 2 janvier 1918, l'œuvre départementale de secours aux éprouvés de la guerre avait jeté les bases de l’organisation sociale qui s'impose, dans un esprit de justice et de solidarité nationale, à l'égard des glorieux blessés et mutilés. Le Comité départemental a encouragé les centres de rééducation professionnelle de Boulogne, Calais et Berck, par l'octroi de subventions.

D'autres part, il a accordé des secours individuels aux mutilés les plus intéressés.

Situation financière

Le situation financière de cette filiale était la suivante au 1er septembre 1918 : RECETTES

Elles sont de 69.739, 80 francs. Se décomposant comme suit :

  • Subvention du groupe parlementaire : 20.000 francs ;
  • Subvention des communes : 12.000 francs ;
  • Prélèvement sur une subvention du Conseil général : 3.000 francs ;
  • Prélèvement sur le produit de la « Journée du Pas-de-Calais » : 25.000 francs ;
  • Souscriptions diverses : 9.739,80 francs .

DÉPENSES

Elles se montent à 40.270 francs et se décomposent comme suit :

  • Subvention à l'œuvre d’assistance aux blessés et aux mutilés de la guerre à Boulogne : 5.000 francs ;
  • Subvention à l'école de rééducation de Boulogne : 15.000 francs ;
  • Subvention à l'école de rééducation de Calais : 13.000 francs ;
  • Subvention à l'école de rééducation de Berck : 5.000 francs ;
  • Secours aux nécessiteux : 2.270 francs.

Reste disponible : 29.469, 80 francs .

Secours aux rapatriés

Le Comité départemental a également témoigné ses sympathies agissantes à nos compatriotes rapatriés et bien que ceux-ci reçoivent l’assistance dans les départements où ils ont trouvé asile, il a tenu à leur faire parvenir quelques fonds en vue de faire face à leurs premiers besoins.

Situation financière

Voici le budget de cette section :

RECETTES :

Les recettes sont de 100.212, 90 francs. Comprenant :

  • Subvention du groupe parlementaire : 7.832 francs ;
  • Prélèvement sur le produit de la « Journée du Pas-de-Calais » : 10.000 francs  ;
  • Souscriptions diverses : 82.380 francs.

DÉPENSES :

Elles atteignent le chiffre de 67.376, 50 et sont détaillées comme suit :

  • Secours divers : 4.376, 50 francs ;
  • Envois aux préfets des départements dans lesquels les rapatriés du Pas-de-Calais ont trouvé asile : 63.000 francs.

Reste disponible : 32.836, 40 francs.

Le vestiaire des envahis

Les besoins en vêtements des malheureuses populations restées dans les lignes ennemies, des récupérés, des sinistrés, seront considérables. Aussi, le Comité départemental a-t-il pensé agir sagement en constituant dès à présent un stock important de vêtements et de sous-vêtements. Ce faisant, il n'a pas eu la prétention de pouvoir satisfaire à toutes les demandes, mais son ambition, tout en étant plus modeste, n'en a pas moins été inspirée par le désir d'être utile. Il vient d'ailleurs d'avoir l'occasion de venir en aide à des sinistrés, victimes de raids d'avions, et de mettre un certain nombre de vêtements à la disposition du centre de réception des récupérés organisé à Arras.

En dehors des dons en nature faits par le Secours National, la maison Bergougnan, de Clermont-Ferrand ou venant d'Algérie, le Comité a acheté pour 90.672, 25 francs de vêtements et sous-vêtements.

Le « Vestiaire » compte notamment : 1.128 chemises pour fillettes, 1.054 chemises pour garçonnets, 3.063 chemises pour femmes, 2.767 chemises pour hommes, 1.045 jupes, 1.574 corsages, 152 robes pour fillettes, 1.037 costumes pour garçonnets, 837 pantalons pour hommes, 500 vareuses pour hommes, 504 paires de bas d’enfants, 1.000 paires de bas de femmes, 1.380 paires de chaussettes pour enfants, 1.085 tabliers pour enfants, etc.

La valeur du stock ainsi constitué dépasse cent mille francs.

Situation financière

Voici le budget de cette section :

RECETTES :

Elles s’élèvent à 92.697, 55 francs, et se décomposent ainsi :

  • Subvention du groupe parlementaire : 20.000 francs ;
  • Subvention du Conseil général de l'Orne : 2.600 francs ;
  • Don du syndicat de la presse : 10.000 francs ;
  • Souscription de la Nouvelle Galle du Sud : 11.000 francs ;
  • Subvention du Conseil général : 2.000 francs ;
  • Prélèvement sur le produit de la « Journée du Pas-de-Calais » : 23.077, 55 francs ;
  • Fonds trouvés sur le corps de M. Tailiandier, député, et remis par M. Boudenoot, sénateur, au nom du groupe parlementaire : 10.000 francs ;
  • Subvention diverses : 14.020 francs .

DÉPENSES :

Achats de linge et de vêtement (environ 22.000 pièces) : 90.672, 25 francs .

L'excédent, soit 2.025, 30 francs, a été remis le 19 décembre 1917 au service de la reconstruction des régions envahies.

Le Pas-de-Calais dévasté

Enfin, le Comité départemental a compris dans son programme (cependant très étendu) l'assistance aux populations libérées. Au fur et à mesure que les populations évacuées sont autorisées à réintégrer les communes qu'elles habitaient avant la guerre, elles doivent être encouragées en vue de favoriser la reprise de l'activité municipale, agricole et économique.

Des concours divers sont parvenus au Comité. Il les a utilisés sans retard en 1917, lors de la première libération des territoires occupés, en faisant bénéficier les populations réintégrées, des draps, de couvertures, d'articles de ménages, etc.

Situation financière.

Voici le budget de cette section :

RECETTES :

Elles sont de 80.586, 40 francs. Comprenant :

  • Subvention du groupe parlementaire : 35.000 francs ;
  • Souscription ouverte par la municipalité de Calais : 39.336,40 francs ;
  • Souscriptions diverses : 6.520 francs .

DÉPENSES :

  • Achat de draps, de couvertures, d’articles de ménage et de vêtements destinés aux populations des régions libérées : 46.905, 45 francs.

Reste disponible : 33.950, 5 francs.

Comptes divers

Sous ce titre, le Comité départemental a ouvert un compte spécial destiné aux dépenses d'imprimés, de frais de bureau, de rémunération du personnel auxiliaire.

Par une heureuse combinaison de trésorerie, il a pu effectuer le placement des fonds momentanément disponibles en rentes sur l'État, en bons de la Défense nationale, et obtenir des intérêts au compte courant en banque.

Les recettes qu'il a pu se procurer de ce chef s'élèvent à 26.864, 40 francs et les dépenses depuis 4 ans ne se sont élevées qu’à 14.920, 30 francs, dont 5.626, 65 pour frais de bureau et 5.196, 75 pour la rémunération du personnel auxiliaire. Soit un excédent de 11.944, 10 francs.

Ainsi qu'on le remarquera, outre que le Comité s'est acquis de nouvelles disponibilités par le placement approprié de ses ressources, il a laissé à l'intégralité des fonds recueillis leur véritable destination. Il est vrai, et je tiens à le souligner, qu'il a eu de précieuses, dévouées et désintéressées collaborations, auxquelles je suis heureux ici de rendre un hommage tout particulier.

Recettes totales:

  • Secours au soldat : 2.090.919, 60 francs
  • Assistance aux prisonniers : 2.494.719, 15 francs
  • Secours aux rapatriés : 100.212, 90 francs
  • Vestiaire des envahis : 92.697, 55 francs
  • Le Pas-de-Calais dévasté : 80.856, 40 francs
  • L’Assistance aux mutilés : 69.739, 80 francs
  • Comptes divers : 26.864, 40 francs

Total : 4.956.009, 80 francs

Dépenses totales:

  • Secours au soldat : 2.072.675, 30 francs
  • Assistance aux prisonniers : 2.329.569 francs
  • Secours aux rapatriés : 67.376, 50 francs
  • Vestiaire des envahis : 92.697, 55 francs
  • Le Pas-de-Calais dévasté : 46.905, 45 francs
  • L’Assistance aux mutilés : 40.270 francs
  • Comptes divers : 14.920, 30 francs

Total : 4.664.354, 10 francs

À la date du 1er septembre 1918, il restait disponible : 291.655, 70 francs, se répartissant comme suit :

  • Bons de la Défense nationale : 160.283, 35 francs
  • Titres de rente : 102, 25 francs
  • En dépôt de banque : 126.769, 20 francs
  • En caisse : 4.500, 90 francs

La journée du Pas-de-Calais

Le Comité départemental des secours aux éprouvés de la guerre, malgré le concours bienveillant du Gouvernement, du Conseil général et des Municipalités, malgré ses diverses interventions pour se procurer les ressources nécessaires à son existence, a dû, en raison de la durée de la guerre, se préoccuper de faire un appel direct à la générosité publique.

C'est pourquoi, l'administration préfectorale, d'accord avec lui, a eu la pensée d'organiser une « Journée » dans le Pas-de-Calais. Une première journée a eu lieu les 13 et 15 août 1916 ; la seconde, qui n'est pas encore close, s'est plus particulièrement déroulée les 15, 18 et 25 août dernier.

Je ne signalerai pas ce qu'une semblable création a nécessité d'efforts minutieux, de soins attentifs, de sollicitations et de démarches. Avec une joie mêlée d'une légitime fierté, nous avons vu les 700 communes non envahies répondre à notre appel de solidarité. Ce fut partout le même élan de générosité, le même empressement à souscrire, le même bonheur à s'associer à nos œuvres départementales de guerre.

Les vaillantes populations d'Artois ont été vibrantes de patriotisme et les municipalités ont été à la hauteur de leur tâche. Que les unes et les autres reçoivent ici l'expression sincère de nos sentiments de profonde gratitude.

La journée de 1916. Les insignes et les cartes postales

En 1916, le Comité départemental a tenu à concrétiser l'admirable effort de nos alliés Anglais et l'héroïque vaillance des Belges en les associant étroitement à la « Journée ». Leurs drapeaux ont été mêlés aux couleurs françaises dans l'insigne-écusson « Journée du Pas-de-Calais », de même dans l'affiche-appel dont une partie était en texte anglais.

Les insignes « la Rose et la pensée », emblèmes de l'affection et du souvenir, ont permis aux acheteurs qui s'en sont parés de marquer leur reconnaissance et leur admiration pour les braves et valeureux Vengeurs du Droit et de la Justice violés, en même temps que leur pieu hommage aux morts héroïques, leur fidélité attendrie aux prisonniers qui souffrent dans les geôles allemandes, leur compassion aux douleurs des familles qui, de l'autre côté du front de bataille, subissent stoïquement la contrainte de l'ennemi.

Quant aux cartes postales, auxquelles le maître graveur, premier grand prix de Rome, M. Mayeur, a su donner un caractère artistique éminemment original, elles ont perpétué, d'une manière tangible et saisissante, la fraternité d'armes des soldats français, anglais et belges, confondus dans un même et sublime élan pour libérer à jamais nos provinces souillées et meurtries.

Ces cartes ont symbolisé, en glorifiant l'Artois : sa mer où évolue la Great Fleet dont les panaches de fumée laissent apercevoir, comme un présage de victoire, le léopard britannique étranglant l'aigle impérial allemand ; son pays minier aux fosses bombardées par les éclatements de bombes ; son héroïque chef-lieu martyr où se profilent quelques-unes de ses merveilles d’art victimes du vandalisme germanique.

Les billets de loterie

Des billets de loterie d’une valeur de cinquante centimes ont été mis en vente et les lots ci-après ont été prévus :

  • 1 lot de mille francs
  • 3 lots de 500 francs
  • 10 lots de 100 francs
  • 40 lots de 50 francs
  • 200 lots de 20 francs.

Les résultats de la journée de 1916

Le succès de cette « Journée » a dépassé les espoirs les plus optimistes ; il s’inscrira comme une page généreuse entre toutes au Livre d'or de la solidarité départementale.

Les recettes brutes se sont élevées à 370.905, 10 francs, et les dépenses, y compris le montant des lots de loterie, n'ont atteint que 17.847, 50 francs. De la sorte que le produit net de la « Journée » ressort à 353.057, 55 francs.

Les recettes se décomposent comme suit :

  • Produit de la loterie : 83.199, 50 francs
  • Vente d'insignes et produits de fêtes : 172.416, 60 francs
  • Souscriptions particulières : 61.459, 80 francs
  • Subventions communales et diverses : 48.614 francs
  • Intérêts des sommes souscrites à l'emprunt national ou placés en bons de la Défense nationale : 5.315, 20 francs.

Les dépenses s'établissent comme ci-après :

  • Cartes postales : 6.165, 40 francs
  • Insignes : 4.489, 75 francs
  • Carnets de loterie : 1.909, 50 francs
  • Bons gagnants de la loterie : 4.920 francs
  • Fournitures, frais divers et de correspondance : 362, 85 francs.

Les recettes par arrondissement se sont effectuées comme suit :

Arrondissement d'Arras :

  • Loterie : 6.458, 80 francs
  • Vente d’insignes : 10.543, 90 francs
  • Subventions communales : 377, 83 francs

Total : 17.380, 43 francs

Arrondissement de Béthune

  • Loterie : 30.045, 50 francs
  • Vente d’insignes, souscriptions et produits de fêtes : 79.797, 50 francs
  • Subventions communales : 4.166, 50 francs

Total : 113.999, 50 francs

Arrondissement de Boulogne-sur-Mer

  • Loterie : 22.924, 50
  • Vente d'insignes, et produits de fêtes : 40.403, 50
  • Subventions communales : 13.341

Arrondissement de Montreuil-sur-Mer

  • Loterie : 8.108, 50 francs
  • Vente d'insignes, et produits de fêtes : 11.802, 25 francs
  • Subventions communales : 4.842, 95 francs

Total : 24.753, 70 francs

Arrondissement de Saint-Omer

  • Loterie : 8.750, 50 francs
  • Vente d'insignes, et produits de fêtes : 17.325, 95 francs
  • Subventions communales : 14.129 francs

Total : 40.205, 45 francs

Arrondissement de Saint-Pol

  • Loterie : 6.911, 70 francs
  • Vente d'insignes, et produits de fêtes : 12.019, 40 francs
  • Subventions communales : 8.649, 10 francs

Total : 27.580, 10 francs

Le produit net de la « Journée », soit 353.2057, 55 francs, a été réparti entre les œuvres ci-après : 1)Fédération départementale des prisonniers : 25.000 francs distribués comme suit :

  • Comité présidé par Mme Adam, à Boulogne : 2.000 francs ;
  • Comité présidé par Mme Péron, à Boulogne : 2.000 francs ;
  • Comité présidé par Melle d'Héricault, à Tingry : 2.000 francs ;
  • Comité présidé par Mme Michel, à Saint-Pol : 2.000 francs ;
  • Comité présidé par Mme Flament, à Béthune : 5.500 francs ;
  • Comité présidé par Mme Delbende, à Aire-sur-la-Lys : 1.000 francs ;
  • Comité présidé par Mme Péron, à Boulogne : 2.000 francs ;
  • Comité présidé par M. Tattegrain, à Montreuil : 3.000 francs ;
  • Comité présidé par M. Godefroy, à Saint-Omer : 2.000 francs ;
  • Comité présidé par M. le maire de Calais : 5.000 francs.
  • Amicale des instituteurs et institutrices : 500 francs.

Total : 25.000 francs.

2) Comité départemental :

  • Secours aux soldats : 20.000 francs ;
  • Secours aux prisonniers des régions envahies : 250.000 francs ;
  • Assistance aux mutilés : 25.000 francs ;
  • Assistance aux rapatriés et récupérés : 10.000 francs ;
  • Le Vestiaire des envahis : 23.057, 55 francs.

Total : 353.057, 55 francs.

La journée de 1918. Les insignes et les cartes postales

Pour marquer notre tribut d'admiration à nos armées victorieuses, il est apparu que la vente d'étendards – symbole du devoir et de l'honneur – répondait le mieux aux sentiments des populations. Aussi, de petits drapeaux français, anglais, américains, italiens, belges et portugais furent-ils offerts aux dates des 15, 18 et 25 août.

Le succès de cette distribution fut très grand.

Non moins vive fut la vente des cartes postales.

Cette année encore, notre distingué concitoyen M. Mayeur, dont le dévouement aux choses qui touchent le Pas-de-Calais est sans limite, mit gracieusement au service de l'administration préfectorale son art et son talent.

Nous gagnerons la guerre. We shall win the war

Trois cartes furent éditées : l'une représentant l'effort américain, l'autre la résistance britannique, et la troisième le Droit et la Liberté. La carte « Nous gagnerons la guerre » a donné lieu à la description suivante insérée dans les journaux du département :

« En une magistrale allégorie de l'Effort Américain, traduite avec son talent toujours vigoureux, son crayon plus puissant que jamais, la maître Carvinois, Arthur Mayeur, évoque ce sublime serment qui, de par-delà les océans, est venu aux heures sombres réconforter notre chère France et ses admirables défenseurs.

We shall win !

Oui, nous gagnerons la guerre !, proclame avec une confiance inébranlable cette jeune et inépuisable légion américaine venue prendre place aux côtés des armées combattantes, depuis quatre ans, pour la cause sacrée de la Liberté en danger.

Et pour gagner cette redoutable partie dont l'enjeu et la sécurité du monde entier qui ne veut pas du joug prussien, l'Amérique ardente rassemble toutes ses énergies, prodigue toutes ses ressources. Pour la gagner, l'Amérique chevaleresque, qui se souvient des Lafayette, des Rochambeau, déverse ses enfants en flots serrés sur les glorieux champs de bataille car elle sent que, de leur sang généreux mêlé à celui de leur compagnon d'armes, naîtra la victoire.

Qui ne les connaît ces vigoureux Amex dont les débuts splendides ont arraché des cris d'admiration à leurs aînés en héroïsme, et jette le trouble, l'émoi chez nos adversaires terrifiés qui voient venir, avec une angoisse croissante, l'heure du châtiment.

Tous, nous les avons vus défiler. Et c'est une évocation saisissante de leur attitude simple et superbe que Mayeur a buriné sur une des cartes qui magnifieront la « Journée du Pas-de-Calais ». Ils s'avancent ! L'un pénétré de la sainte mission dont il est investi, porte avec fierté, largement déployé, l'étendard aux bandes éclatantes et constellé d'étoiles qu'il conduit aux plus hautes destinées. Son compagnon, arme sur l'épaule, va, calme et résolu, le regard vers l'horizon rouge où gronde la bataille féroce.

Et ils sont des millions comme lui, décidés à gagner la guerre !

En rangs pressés, on les aperçoit martelant, de leur pas souple, le sol français qu'ils ont hâte de délivrer de l'infâme oppresseur. Ils vont confiants, assurés que lorsqu'ils tomberont, harassés de fatigue, ou couchés par la douleur sur la terre imprégnée de leur sang vermeil, une douce main les pansera, une voix amie les réconfortera. Une femme, de celles qui se sont enrôlées avec un cœur admirable sous le fanion de la Croix-Rouge, une de ces vaillantes créatures dont la fine image est évoquée, viendra, et, lui parlant de la patrie lointaine, calmera sa peine, guérira sa blessure. Ils vont confiants ! N’ont-ils pas pour eux tout ce qu'apporte leur flotte innombrable dont la silhouette titanesque se détache sur le ciel clair et joyeux sillonné d’avions : canons, fusils, mitrailleuses, munitions, tanks déversés à torrents par des usines monstres ; tout cela est acheminé par des moyens de locomotion incroyables vers le brasier infernal où se forge la Destinée.

Et rien ne les détournera de leur idéal, ces merveilleux champions du Droit violé. Rien ne les arrêtera plus dans leur marche vengeresse. La grandeur de la cause qu'avec leurs Alliés ils défendent leur donne la force invincible qui accomplira l'œuvre libératrice.

Étendant sur eux ses ailes d'or largement déployées, l'ange de la Victoire dont le glaive flamboyant va faire justice de la race de proie maudite, leur montre le chemin radieux où la Récompense suprême sera donnée aux martyrs qui luttent pour le plus précieux des biens : la Liberté.

Voilà ce que dit une des trois cartes heureusement conçues par le cœur et le talent d'un fils d’Artois.

Tous voudront la posséder. En la prenant, tous contribueront au succès de la « Journée du Pas-de-Calais » qui s'annonce féconde en résultats heureux. ».

L'allégorie de la carte « ils ne passeront pas » a été ainsi décrite :

« Ils veillent, l'arme au bras, au sommet de cette glorieuse crête de Vimy, qu'ils ont, au prix de leur sang, arrachée des griffes de l'aigle sinistre. Le regard tourné vers l'Est, au-delà de la plaine féconde de la Gohelle, ils attendent le moment du Destin.

« They will not break through ! » Non, ils ne passeront pas les soldats du Kaiser qui rêvaient de conquérir l'Artois tout entier, de détruire ses richesses inépuisables, d’atteindre ses ports dont la possession les fascine.

Au contraire, l'heure vient où, dans une retraite éperdue, ils entendront retentir derrière eux, le cri vengeur des champions du Droit violé, de la Liberté opprimée, entrés dans le rude chemin qu'illuminera bientôt de sa clarté radieuse, l'aube de la Paix victorieuse.

Devant eux, ils trouveront plus résolus que jamais, ce que l'Angleterre a jeté dans la balance de la guerre atroce déchaînée par le nouvel Attila. À côté du fils valeureux de la Grande-Bretagne se rangent les Canadiens héroïques, l'Australien merveilleux, l'Écossais impétueux ; avec lui combat l'Hindou, dont la ruse alliée au courage porte la terreur dans les rangs des Barbares modernes.

Ce sont leurs mines résolues qu'un artiste, enfant du Pas-de-Calais, a traduites par son crayon délicat et puissant ; c'est leur attitude sublime que Mayeur, de façon heureuse, perpétue par l'image.

En un relief saisissant, il évoque encore le lambeau mutilé de la petite Patrie. Il montre la vallée de la Souchez jadis florissante, maintenant saccagée, dominée par les ruines pantelantes du clocher d'Ablain, témoin indigné de la cruauté raffinée de la civilisation allemande.

Tout l'Artois tient dans ce petit chef-d'œuvre ; et ses vallons fertiles, et ses coteaux riants où vit une population au cœur vaillant, martyrisée par les obus, par les bombes ; où travaille pour la Liberté, une ruche d’héroïques artisans ; où, pour sauver le monde en péril, luttent tant de soldats prestigieux.

Non ! ils ne passeront pas ! Non ! ils n'auront jamais ni Dunkerque, ni Calais, ni Boulogne.

Voilà ce que dit le merveilleux tableau que popularise la deuxième carte postale qui sera offerte à tous pendant la « Journée du Pas-de-Calais » les 15, 18 et 25 août.

En l'achetant, ami lecteur, vous rendrez un juste tribut d'admiration aux héroïques défenseurs de la France meurtrie aujourd'hui, victorieuse demain ; vous aiderez à soulager les infortunes cruelles sans cesse renouvelées de toutes les victimes auxquelles le Comité départemental de Secours aux éprouvés de la guerre, et la Fédération départementale des comités d'assistance aux prisonniers donne son appui fraternel, son aide si réconfortante.T. d'Hénin »

.

La vente des bijoux

Ce furent d’artistiques médailles où l'élégant burin de M. Mayeur, évoque d'une façon saisissante les hauts faits d'armes qui se sont déroulés dans l'Artois reconquis. C'est l'apothéose de la victoire rendant avec éclat un juste et légitime hommage : aux héros de Carency, Ablain-Saint-Nazaire, Neuville-Saint-Vaast, Souchez, Lorette, Vimy, Avion, Lens, Liévin et Loos ; à tous ces braves, Français, Anglais, Canadiens et Écossais, qui écrivirent des pages sublimes aux fastes de l'histoire.

Le revers de la médaille avec cette inscription « Sunt Lacrymae reum » représente les ruines glorieuses de la chapelle de Lorette versant des larmes elle aussi sur autant de dévastation, mais souriant déjà au soleil réparateur qui se lève à l'horizon.

Les médailles en argent ont été vendues 15 francs au profit de la Journée du Pas-de-Calais, et celles en vermeil ont été cédées au prix de 25 francs. Elles ont eu un succès particulièrement vif auprès des officiers des corps britanniques qui ont pris part aux mémorables exploits qu'elles glorifient. La propagande a été intensifiée grâce à l'intervention dévouée de M. le capitaine de Lastours, chef de la Mission française à Boulogne-sur-Mer.

Les résultats de la Journée en 1918

Ils ne sont pas encore connus, mais déjà ils attestent, malgré les cruelles et douloureuses épreuves de cette année encore, la puissance de générosité de notre département. Ils sont, en outre, une preuve éclatante de la confiance que les populations accordent au Comité départemental dont elles suivent avec intérêt l'heureux développement.

Fédération départementale des comités d’assistance aux prisonniers

L'existence de la fédération départementale remonte au 14 septembre 18915 ; l'autorisation lui permettant de faire appel à la générosité publique en vertu de la loi du 30 mai 1916 sur les œuvres de guerre date du 27 janvier 1917.

C'est à la demande du gouvernement et de l'administration préfectorale que les comités se sont fédérés. Dans chaque arrondissement, les bonnes volontés se sont manifestées nombreuses et enthousiastes et les initiatives les plus louables se sont révélées.

Par de fausses indications, certains prisonniers s'étaient parfois créé plusieurs sources de secours alors que d'autres en étaient privés. De très graves abus avaient été constatés à ce sujet, et cet état de choses déplorables mettait de l'aigreur dans les rapports des prisonniers entre eux et pouvait donner lieu à de fâcheuses récriminations.

L'institution de la fédération chargée de secourir les originaires du département a mis fin à cette situation regrettable ; les doubles emplois ont disparu et les lacunes ont été comblées. Chaque comité d'arrondissement est chargé de venir en aide aux seuls prisonniers de l'arrondissement et le comité départemental limite son action aux régions envahies et à la partie de l'arrondissement d'Arras qui n'a pas été occupées par l'ennemi.

Nombre de prisonniers secourus

Le nombre de prisonniers assisté par la fédération départementale à la date du 1er septembre 1918 s’élevait à 16.433. Se répartissant comme ci-après :

  • Comité départemental : 8.600
  • Comité présidé par Mme Adam, à Boulogne : 898
  • Comité présidé par Mme Péron, à Boulogne : 936
  • Comité présidé par Melle d'Héricault, à Tingry : 350
  • Amicale des instituteurs et institutrices : 150
  • Comité municipal de Calais : 1.147
  • Comité présidé par Mme Flament, à Béthune : 1.900
  • Œuvre la Solidarité, à Montreuil : 676
  • Comité présidé par M. Godefroy, à Saint-Omer : 1.085
  • Comité présidé par Mme Abel-Delbende, à Aire-sur-la-Lys : 173
  • Comité présidé par Mme Michel, à Saint-Pol : 518

Subventions

Le montant des subventions accordées depuis sa fondation à la fédération départementale, soit par le ministère de la Guerre, soit par des particuliers s'élève à 2.644.680, 09 francs.

Les œuvres fédérées ont fait preuve de la plus grande activité et du dévouement le plus éclairé. Elles ont été en rapports constants avec les familles, et ont largement contribué à adoucir les souffrances de ces malheureux prisonniers.

Rééducation professionnelle des mutilés et blessés de la guerre

L’assistance aux mutilés et aux réformés de la guerre est l’objet des préoccupations constantes du Comité départemental d’assistance aux mutilés de la guerre du Pas-de-Calais, soit qu’il dirige les mutilés sur les centres de rééducation qui conviennent à leurs goûts et à leurs aptitudes, soit qu’il les mette en rapport avec l’office départemental de placement, soit qu’il les place directement, soit enfin qu’il leur attribue des secours lorsqu’ils sont dans le besoin.

Les centres de rééducation de Boulogne et de Calais se développent comme il convient et les résultats obtenus au cours de la dernière année scolaire sont très intéressants. Tous deux admettent des internes et des externes. Les internes sont entretenus gratuitement par les Centres, qui disposent à cet effet, outre des locaux mis gracieusement à leur service par les municipalités des subventions provenant de l’État, du Comité départemental, des sociétés de secours au mutilés qui se sont crées dans la région et qui sont autorisées à faire appel à la générosité publique. Le centre de rééducation professionnelle de Berck a été fondé en novembre 1916. Les mutilés y sont soumis au régime de l’internat, c’est-à-dire qu’ils y sont logés, nourris, chauffés, blanchis et éclairés.

Les mutilés qui sont en instance de réforme abandonnent aux Centres 1, 20 francs par jour sur l’allocation qui leur est accordé en attendant la liquidation de leur pension. Pour qu’il y ait chez eux un peu d’émulation, il leur est versé des primes au travail et d’encouragement.

Centre de Boulogne

Le centre de Boulogne comprend les sections suivantes :

  • Une section d'enseignement général et commercial, à l'école pratique de commerce ;
  • Une section de cordonnerie ;
  • Une section de bourrellerie ;
  • Une section de tailleurs.

La section commerciale a enregistré 72 entrées ; la section de cordonnerie a reçu 25 élèves en 1918, celle des tailleurs en a compté 4 et celle de la bourrellerie 7.

Centre de Calais

Le centre de Calais comprend :

  • Un cours de comptabilité industrielle. Les élèves de ce cours se placent facilement et dans de bonnes conditions, ce qui s'explique par le grand nombre de maisons industrielles de la place et des environs.
  • Un cours de dessin industriel, à l'usage de ceux qui avaient déjà des notions de dessin et de technologie ;
  • Un cours de cordonnerie, choisi surtout par les mutilés des jambes ;
  • Un atelier d'ajustage ;
  • Un cours d'enseignement général, qui a eu, en juillet dernier, 3 élèves reçus à l'examen du brevet d'instituteurs.

Ces cinq cours fonctionnent à l'école primaire supérieure des garçons, place de la République. Pour l'apprentissage d'autres professions, l'œuvre de rééducation s'est assuré le concours de bonnes volonté en dehors de l'école. Ce concours lui a permis d'établir en ville :

  • Un cours de cartonnage-reliure ;
  • Un cours d'apprentis tailleurs, grâce à la bienveillance militaire de la Place de Calais ;
  • Un cours de gravure lithographique.

Enfin, après avoir fait un stage d'ajusteurs-mécaniciens, les mutilés qui le demandent entrent dans un garage automobiles, où ils se préparent à obtenir le brevet de conducteur d'autos.

Centre de Berck-sur-Mer

Le centre de Berck-sur-Mer comprend principalement la rééducation agricole et dirige les mutilés vers la grande culture, la culture maraîchère, la laiterie, les petits élevages ou l'arboriculture. Une ferme-école fonctionne à Groffliers. Les mutilés qui pour la plupart exerçaient avant la guerre une profession étrangère à l'agriculture, choisissent une section qui est fonction de leur infirmité. Ils ont été recrutés jusqu'ici dans le centre de physiothérapie de Berck. L'école est, elle aussi, en bonne voie de développement.

Placement des mutilés

Les demandes d'emploi formulées par les mutilés et les réformés parviennent à l'office départemental de placement par deux voies, les unes lui sont transmises par la voie officielle (ministère, préfecture), les autres lui sont adressées directement ou par les centres de rééducation. Le questionnaire que doit remplir le mutilé pose toujours l'intéressé devant le problème de l'éducation – ou de la rééducation – professionnelle qui lui est offerte à titre absolument gratuit. Un paragraphe spécial vise notamment la rééducation en vue des situations agricoles. Durant les six derniers mois de l'année 1917, 89 demandes ont été présentées, il en a été relevé 7 pendant les six premiers mois de 1918. Sur ces 159 postulants, 2 ont été dirigés sur les écoles de rééducation de Boulogne et de Calais et 67 placés immédiatement.

Assistance aux militaires tuberculeux de la guerre

Le comité départemental d'assistance aux anciens militaires tuberculeux a été constitué comme association déclarée le 17 juillet 1916 et l'insertion légale a été faite dans le numéro du Journal Officiel du 22 du même mois.

En outre, le Comité a été autorisé par arrêté ministériel du 15 avril 1917 à faire appel à la générosité publique dans les conditions prévues par la loi du 30 mai 1916 et le décret du 18 septembre suivant.

La situation toute particulière dans laquelle s'est trouvé le département du Pas-de-Calais, par suites ses opérations militaires, n'a pas permis au Comité de réaliser complètement l'organisation projetée.

L'’absence d'hôpitaux spéciaux dans la région, l'encombrement des sanatoria existant dans d'autres parties de la France, les difficultés rencontrées pour la création des dispensaires dans nos villes si éprouvées, ont amené le Comité départemental à penser que, dans les conditions actuelles et en présence de la cherté de la vie, la meilleure assistance qu’il pouvait donner aux malheureux blessés de la tuberculose était –au moins pour le moment- l'attribution de secours mensuels en argent.

Le Comité a eu à s'occuper, depuis sa constitution, de 382 dossiers ; le plus grand nombre des anciens militaires que ces dossiers concernent lui sont signalés par l'envoi des fiches de départ des stations sanitaires par lesquelles ont passé les malheureux tuberculeux. Depuis quelques mois, le total des fiches envoyées par les stations sanitaires a été très élevé.

Un petit nombre seulement de demandes sont adressés directement par les intéressés au Comité. Toutefois, le Comité commençant à être plus connu, ces demandes tendent à devenir plus fréquentes.

Des secours ont été accordés à 248 anciens militaires ; sur ce nombre 53 sont décédés et 34 ont quitté la région.

Le total des secours distribués s'est élevé :

  • Pour 1916-1917, à 12.602, 90 francs ;
  • Pour 1918 (jusqu'au 2 septembre), à 21.079, 25 francs.

Au total 33.682, 15.

Ces secours varient, suivant les circonstances, entre 15 et 25 francs par mois. Quelquefois le chiffre en est même plus élevé, pour permettre à l'intéressé de se procurer un logement plus hygiénique et plus salubre ; mais, alors, cette augmentation n'est versée qu’après le déménagement dans un local plus sain.

Dans un but de prophylaxie, le Comité a aussi distribué des sacs spéciaux permettant d'isoler le linge des malades et, dans les villes où il existe un bureau d'hygiène, de le faire désinfecter avant de le comprendre dans la lessive du ménage.

La question de l'isolement des enfants a aussi préoccupé le Comité. Mais il s'est heurté à de très grandes difficultés. La résistance des parents, la presque impossibilité de trouver dans la région des personnes consentant à recevoir les enfants, le refus absolu des parents de consentir à l'éloignement de leurs enfants dans d’autres régions ; la question de violation du secret professionnel et la responsabilité qui pourrait être encourue en cas de contamination par les enfants des tuberculeux, nous ont empêché, dans la plupart des cas, de donner à des familles l'assistance qui lui aurait été le plus profitable.

État des recettes et des dépenses

Depuis la création du Comité, les recettes se sont élevées au chiffre total de 44.202, 80 francs, se décomposant ainsi :

  • Subvention de l'État : 3.999,50 en 1916 ; 3.000 en 1917 ; 6.000 en 1918.
  • Subvention du Département : 4.000 en 1916 ; 3.000 en 1917.
  • Subvention des communes : 1.164 en 1916 ; 2.853, 65 en 1917.
  • Sommes remises par le comité central sur le produit de la journée de tuberculeux : 2.518, 10 en 1917 ; 15.452, 55 en 1918.
  • Dons particuliers : 60 en 1917 ; 500 en 1918 (don du président du Comité).
  • Subvention du comité national : 600.
  • Intérêts : 60.
  • Retour de mandats adressés à des tuberculeux décédés : 390.

Les dépenses jusqu'au 2 septembre 1918 se sont élevées à 35.809, 35 franc, se décomposant comme suit :

  • Secours distribués : 12.602, 90 en 1916-1917 ; 21.079, 25 en 1918 (jusqu’au 2 septembre).
  • Frais d’administration : 723, 30.
  • Achat de sacs de linge et de crachoir de poche pour les tuberculeux, vêture pour enfants : 769, 15.
  • Pensions d'enfants en nourrice, timbres-quittance, frais d’envoi d’argent : 634, 75.

Balance : Recettes : 44.202, 80

Dépenses : 35.80, 35

Disponible : 8.393, 45

Assistance aux vieillards, infirmes et incurables

Le nombre des vieillards, infirmes ou incurables assisté en vertu de la loi du 14 juillet 1905 est actuellement inférieur de 7.000 environs à celui d'avant-guerre (19.840).

Cette diminution est due en grande partie à l'impossibilité dans laquelle se sont trouvés de malheureuses populations de fuir devant l'ennemi. Mais cet écart dans le chiffre des assistés est appelé à disparaître graduellement en raison des rapatriements.

En ce qui concerne le contrôle sur pièces et sur place, cinq contrôleurs avaient été nommé au début de 1914, mais la mobilisation a arrêté leur action quelques mois seulement après leur entrée en fonctions.

Si le nombre des assistés a diminué et, conséquemment, le chiffre de la dépense, le travail matériel du bureau a augmenté et s'est compliqué dans de notables proportions.

Un grand nombre de vieillards, d'infirmes ou d'incurables ont pu fuir devant l'invasion et, en tant que réfugiés privés de ressources, se sont vu octroyer l'allocation des réfugiés. D'autres, plus privilégiés, n'ont pas connu les horreurs de l'invasion mais ont dû se séparer d'un ou de plusieurs de leurs enfants, ce qui leur a valu l'attribution de l'allocation militaire. Comme la législation en vigueur n'autorisait pas le cumul de ces diverses ressources avec l'assistance aux vieillards, j'ai dû, après une enquête laborieuse dans les communes, où les services municipaux étaient quelques peu désorganisés, suspendre le paiement de l'allocation aux vieillards en cause de donner aux Receveurs des bureaux de bienfaisance les instructions nécessaires pour le reversement dans la Caisse départementale des allocations indûment mandatées.

Le coût de la vie progressant sans cesse, l'attention des pouvoirs publics fut appelée sur la nécessité de lever l’interdiction du cumul. Une loi de finances du 31 décembre 1917 a donné satisfaction aux desiderata exprimés à compter du 1er janvier 1918. J'ai dû, en conséquence, rétablir sur les listes d’assistance toutes les personnes qui en avaient été momentanément rayées et mandater à chacune d'elles toutes les mensualités auxquelles elles étaient en droit de prétendre.

Le mandatement aux allocataires, résidant ans le département n'offre pas de difficultés, mais il n’en est pas de même de celui concernant les assistés évacués sur d'autres régions, lesquels changent continuellement de résidence et ne peuvent que difficilement être suivis. D'où annulation de nombreux mandats, réclamations des intéressés, nouvel examen de leur situation suivi de confection de nouveaux mandats.

Il résulte de ces complications un grand surcroît de besogne et une certaine perturbation dans la comptabilité du service dont la tenue compliquée exige une attention très soutenue.

Les vieillards rapatriés réclament naturellement le paiement des allocations auxquelles ils pouvaient prétendre durant leur séjour en pays envahi. Ces assistés ayant pu, et la preuve m'en a été fournie, bénéficier dans leurs communes respectives de secours équivalents au montant de leurs allocations, j'ai cru prudent, jusqu'à plus ample informé, de surseoir au paiement des mensualités dont le mandatement avait été suspendu. Pour ce faire, j'ai consulté l'administration supérieure qui a déclaré partager ma manière de voir à ce sujet.

Les intéressés, bien entendu, ne restent pas sans secours. Ils touchent, outre l'allocation des réfugiés, les mensualités qui leur étaient servies précédemment, attendu que le cumul est permis depuis le 1er janvier 1918. De plus, ces mensualités viennent d’être majorées de 10 francs par la loi du 28 juin 1918 et ce, avec effet au 1er juillet 1918. Cette majoration étant à la charge exclusive de l'État, n'intéresse en rien les finances départementales.

Du fait de l'état de guerre, qui a désorganisé quelques peu les services municipaux, les mairies ne me signalaient plus que d'une façon tout à fait irrégulière, les divers changements intéressants les bénéficiaires de la loi de 1905 : décès, changements de résidence, addition à la liste, radiations, diminution ou augmentation de la quotité de l'allocation, changements de catégories pour les familles nombreuses, etc.

Il m'arrive en effet d'être avisé indirectement de décès survenus il y a six mois et même un an ; de changements de résidence de bénéficiaires partis de la commune depuis plus d'un an et qui, aujourd'hui, demandent à toucher les allocations auxquelles ils sont en droit de prétendre.

Mon administration était cependant en droit de penser que les allocations étaient versées régulièrement à tous les bénéficiaires compris sur les états mensuels. Que deviennent ces allocations mandatées inutilement par mes services ? L'impossibilité dans laquelle se trouve le receveur du bureau de bienfaisance de payer des assistés décédés ou disparus met ces comptables dans l'obligation de reverser les allocations dans la caisse départementale après accomplissement de formalités complexes qui entraînent des pertes de temps.

Mes bureaux, de leur côté, déjà fort surchargés de besogne, se trouvent avoir fait des travaux inutiles et sont, au surplus, entraînés dans des rectifications d'écriture toujours préjudiciables à la bonne marche des services d’assistance.

J'ai donc insisté de nouveau auprès des municipalités pour une meilleure observance des prescriptions touchant la base même du service. En l'absence d'un texte réglant la situation des personnes originaires soit des communes où les services administratifs sont complètement suspendus, soit de celles où il est matériellement impossible d'instruire les demandes d'assistance dans les formes prescrites par la loi, il ne pouvait être question d'accorder aux vieillards évacués, non encore inscrits sur les listes d'assistance, les allocations prévues par la loi de 1905, les conseils municipaux étant, dans ce cas, seuls qualifiés pour engager les finances communales. Cette lacune a, heureusement, été comblée par l'adoption du statut des réfugiés qui fait bénéficier les intéressés de toutes les mesures d’assistance réservées aux évacués et dont les dépenses relèvent du budget du ministère de l'Intérieur.

Il m'avait semblé tout d'abord, puisque le service d’assistance aux vieillards est départemental quant à son organisation et à sa comptabilité, que l'avance des allocations aux réfugiés qui demandaient leur inscription pouvait être faite par la Caisse départementales, sur le budget départemental proprement dit, sous réserve bien entendu de régularisation et de remboursement par les collectivités réellement débitrices, dès que les circonstances le permettraient, mais après une étude plus approfondie de la question, j'ai reconnu que la mesure envisagée n’était pas légale et que mon administration se serait trouvée complètement désarmée vis-à-vis des municipalités au cas où celles-ci auraient refusé ultérieurement de sanctionner les administrations prononcées en leurs lieu et place. L'Assemblée départementale n'aurait d'ailleurs pas manqué de reculer devant les charges très lourdes qui lui auraient incombé de ce fait, d'autant plus que le département se trouve déjà dans l'obligation de supporter, depuis 1914, avec le concours de l'État, les contingents mis à la charge des communes envahies ou évacuées et non payés par elles.

Un compte spécial est d'ailleurs tenu pour ces localités en vue d'un règlement ultérieur.

Assistance aux familles nombreuses

Les services d'assistance aux vieillards et aux familles nombreuses étant régi par les mêmes dispositions, les observations ci-dessus sont applicables à ces deux services. Le département du Pas-de-Calais a environ onze mille familles bénéficiaires de cette assistance et vingt mille enfants assistés. Comme pour les vieillards, infirmes et incurables, une loi du 28 juin dernier a décidé qu'à partir du 1er juillet 1918 et jusqu'à une date postérieure d'une année à celle de la cessation des hostilités, chacune des allocations mensuelles attribuées aux familles nombreuses, en vertu de la loi du 14 juillet 1913, sera majorée d’une somme de dix francs à la charge exclusive de l'État.

Assistance aux femmes en couches

La loi du 17 juin 1913 avait accordé, à l'occasion de leurs couches, des allocations journalières variant entre 0,50 francs et 1,50 francs, aux indigentes qui se livraient habituellement chez autrui à un travail salarié, comme ouvrière, employée ou domestique.

La loi de finances du 30 juillet 1913 étendit le bénéfice de la loi précitée aux femmes se livrant habituellement, à leur propre domicile, à un travail salarié.

Ces allocations n'étaient attribuées aux postulants que sous les réserves expresses rappelées ci-après :

  • Suspendre l'exercice de leur profession habituelle ;
  • Observer tout le repos compatible avec les exigences de la vie domestique ;
  • Prendre pour l'enfant et pour elles-mêmes tous les soins d'hygiènes nécessaires, conformément aux instructions données par la personne désignée à cet effet par le bureau d'assistance.

Le loi du 23 janvier 1917 a édicté que la condition du salariat ne devait pas être retenue à l'égard des femmes de mobilisés recevant l'allocation militaire, ni des femmes réfugiées ou rapatriées des régions envahies recevant l'allocation spéciale.

La loi du 2 décembre 1917 a enfin étendu le bénéfice de la loi du 17 juin 1913, à toutes les femmes de nationalité française privées de ressources suffisantes.

Désormais, il n'y a donc plus à distinguer la femme salarié et celle qui ne l'est pas. les postulantes doivent seulement justifier qu'elles sont privées de ressources suffisantes.

Le législateur a ainsi voulu indiquer qu'on ne saurait restreindre l'assistance aux femmes se trouvant dans un réel état d'indigence et que c’est l'utilité du secours qu'il faut avant tout considérer. C'est en somme, l'assistance maternelle élargie, complétée, sans que toutefois les prescriptions relatives au repos, à l'allaitement, à la surveillance médicale et l'éducation maternelle perdent, en quoi que ce soit leur force. En résumé, si la question de savoir si les postulantes se livrent ou ne se livrent pas à un travail salarié n'est plus soulevée, l'octroi de l'assistance n'en reste pas moins subordonné à l'observation des prescriptions susvisées, en conformité de la loi organique.

La production du certificat médical reste nécessaire. Seule cette pièce, attestant de la grossesse et indiquant l'époque probable de l'accouchement, permet de fixer la date à partir de laquelle l'allocation journalière peut être accordée.

Par suite de l'application de lois de cette importance, le service de l'assistance aux femmes en couches s'est accru dans de notables proportions. Les difficultés ont été grandes, en raison de la mobilisation du personnel permanent du bureau spécial. De plus, en l'absence de secrétaires de mairie compétents, de nombreux échanges de correspondance doivent avoir lieu en vue de la constitution régulière des dossiers prescrits par les instructions en la matière.

Quoi qu'il en soit, l'examen desdits dossiers a été poursuivi avec la plus entière indépendance, mais aussi avec la plus grande bienveillance, en s'inspirant non seulement du texte de loi mais aussi de l'esprit du législateur, sans autre préoccupation que de contribuer, par l'application des lois telles qu'elles existent, à donner à chaque postulante, le maximum auquel elle a droit.

L'attention des maires a été particulièrement attirée – chaque fois que l'occasion s'en est présentée – sur le rôle essentiel que les visiteuses sont appelées à jouer dans l'application de ces lois qui sont avant tout des lois d'hygiène sociale et de protection des berceaux populaires.

En développant, par leurs conseils éclairés, les notions d'hygiène infantile et domestique, chez toutes les femmes des travailleurs, ces collaboratrices bénévoles de l'administration contribuent dans une large mesure à la réduction de la mortalité infantile et, à l'heure actuelle, où le problème de décroissement devient de jour en jour plus angoissant pour l'avenir de notre pays, leur mission revêt un caractère vraiment national.

J'ajoute qu'en 1917, 4.250 femmes ont été assistées au titre des lois des 17 juin-30 juillet 1913.

Assistance médicale gratuite

La loi du 15 juillet 1893, prescrit en son article premier, que tout Français, malade, privé de ressources reçoit gratuitement de la commune, du département et de l'État, l'assistance médicale à domicile où, s'il y a impossibilité de le soigner utilement à domicile, dans un établissement hospitalier.

La liste nominative, dressée en exécution de l’article 12 de la loi précitée doit comprendre tous ceux qui, en cas de maladie, se trouveront hors d'état de se faire soigner à leurs frais.

Par suite de la mobilisation de leurs indispensables soutiens, un grand nombre de familles qui ne se trouvaient pas autrefois dans un état d'indigence, ont dû être admises au bénéfice de cette assistance parce que la modicité des ressources dont elles disposent ne leur permet pas de supporter les frais pharmaceutiques et médicaux occasionnés par la maladie de leurs membres.

D'autre part, les conditions dans lesquelles sont obligées de vivre les populations soumises aux bombardements, aux évacuations hâtives et aux restrictions diverses ont forcément développé, chez de nombreux sujets, les prédispositions constitutionnelles qui, en temps normal, seraient restées à l'état latent. Chaque jour aussi, quantité d'indigents sont blessés par obus ou par l'explosion de détonateurs abandonnés par les troupes ou sont victimes de raids d'avions.

Il s'ensuit que le nombre des inscrits sur la liste nominative s'est accru sensiblement ainsi que celui des indigents admis d'urgence, en exécution des articles 19 et 23 de ladite loi.

Il a fallu, en outre, conformément aux prescriptions de la circulaire ministérielle du 6 novembre 1914, assurer gratuitement aux malheureux que l'invasion a contraints d'abandonner leur foyer et qui sont déprimés par les privations, par les souffrances morales et physiques, les soins médicaux et pharmaceutiques que nécessitait leur état.

Cette mesure répondait à un besoin sérieux, à un sentiment vrai du devoir social, à l'égard de ceux qui souffrent.

Aux termes de l'article premier de la loi précitée, les étrangers malades privés de ressources doivent être assimilés à des Français, mais seulement lorsque le Gouvernement français aura passé un traité d'assistance réciproque avec leur nation d'origine.

Ce principe de la non obligation de l'assistance, à l'égard des malades étrangers était justifié en temps de paix. Le législateur n'avait pas cru en effet, qu'un étranger pu être l'objet d'un secours inscrit comme obligatoire dans la loi. Il avait compté que l'étranger qui compte malade dans les conditions de dénuement qui réclament le secours de l'assistance, continuerait, en fait, à être secouru comme auparavant.

Le Parlement avait pensé aussi, qu'il ne fallait pas inscrire à l'avance, aucune obligation dans la loi, afin de ne pas affaiblir l'action du Gouvernement dans ses négociations avec les nations étrangères. Mais en raison des événements, le Gouvernement français, en vue d’adoucir la cruelle détresse de nos glorieux alliés belges, a prescrit de prendre en faveur de leur famille, les mesures susceptibles de soulager leur infortune, notamment en cas de maladie.

De nombreux malades français ou alliés ont donc reçu gratuitement, à domicile, les soins dont ils avaient besoin. Pour des raisons d'économie, de morale et d'hygiène, j'ai insisté sur la nécessité de donner la préférence au secours à domicile.

Ce n'est en effet, qu'en cas de nécessité absolue qu'il faut soustraire le malade à son milieu naturel et dispenser sa familles des soins qu'elle lui doit ; ce n'est qu’en cas de nécessité absolue qu'il faut l'exposer aux dangers résultant de l'accumulation de maladies diverses dans un établissement ; ce n'est enfin qu’en cas de nécessité absolue qu'il est permis d'imposer aux contribuables les dépenses de l'hospitalisation, beaucoup plus élevées que celles des soins donnés à domicile.

Mais il y a cependant des circonstances qui rendent impossible le traitement à domicile ; c'est tantôt la nature même de l'affection, tantôt l'insalubrité de la demeure, tantôt l'absence de toute personne capable de garder le malade.

Toutes les fois que cette impossibilité a été dûment constatée dans le certificat délivré, sous sa responsabilité, par le médecin traitant, j’ai prescrit l'admission du malade à l’hôpital.

Là encore, de nouvelles difficultés sont venues entraver le fonctionnement du service. En effet, les hôpitaux de Bapaume, Carvin, Hénin-Liétard et Lens sont détruits ou occupés par l'ennemi ; ceux d'Arras, Lillers et Béthune ont dû être évacués. Quant à ceux de Calais, Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys et Arques, ils sont si fréquemment soumis à des bombardements, intenses, qu'il serait imprudent d'y faire diriger de nouveaux malades.

Les rares hôpitaux disponibles ont vu, d'autre part, plusieurs de leurs locaux réquisitionnés par l'autorité militaire et sont, par suite, très souvent encombrés. D'autre part, la mobilisation des praticiens chargées d'assurer le service médical et chirurgical a privé les établissements hospitaliers des compétences nécessaires à la bonne marche des services.

Aussi, me suis-je vu obligé, à maintes reprises, de demander à MM. les préfets des départements voisins et à M. le ministre de l'Intérieur de ma faciliter l'hospitalisation de malheureux blessés ou valétudinaires dont la situation est rendue plus pénible encore par le dénuement dans lequel ils se trouvent.

Durant l'année 1917, mon administration a prononcé 1.150 hospitalisations au titre de l'assistance médicale gratuite.

Vaccination antivariolique

Les opérations vaccinales ont été rendues, elle aussi, très difficiles par suite de la présence des vaccinateurs aux armées.

J'ai toutefois recommandé aux maires d'établir soigneusement les listes des assujettis à la vaccination et revaccination, conformément aux prescriptions de l'article 6 de la loi du 15 février 1902. Grâce aux démarches que j'ai faites auprès de la direction du service de santé de la région du Nord et de la Mission militaire française rattachée à l'armée britannique, j'ai pu faire assurer le service de la vaccine par les médecins militaires français et alliés.

En agissant ainsi, j'ai mis la population du département à l'abri d'une réapparition possible de la variole. La loi du 7 septembre 1915 est venue ensuite renforcer et étendre les dispositions inscrites dans la loi précitée. Alors que l'article 6 de la loi du 15 février 1902, limite à 3 périodes d'âge ne dépassant pas la majorité l'obligation des vaccinations antivarioliques, les nouvelles dispositions légales permettent d'imposer la même mesure, quel que soit l'âge, à toutes les personnes ne pouvant justifier qu'elles ont subi l'inoculation avec succès depuis moins de 5 ans, lorsque les circonstances telles que celles qui résultent de l'état de guerre, d'une épidémie ou d'une menace d'épidémie créent un terrain particulièrement favorable au développement de la variole.

Enfin, j'ai donné des instructions formelles pour que les permis de séjour soient retirés aux étrangers refusant de se soumettre à cette revaccination obligatoire.

Assainissement des régions libérées

Dès le recul de l'ennemi en mars 1917, le territoire à assainir a été divisé en plusieurs secteurs dont la répartition définitive est restée subordonnée aux événements ultérieurs de la guerre. Voici comment sont comprises la limitation et la nature des travaux incombant au département : Les travaux d'assainissement doivent porter essentiellement sur les localités susceptibles de redevenir habitables. Ils ne doivent être confondus ni avec l'assainissement du champ de bataille, ni avec les premiers travaux de déblaiements. Ils comprennent, savoir :

  • L'alimentation en eau potable : analyse sommaire de la potabilité des eaux de boissons ; installations, s'il y a lieu, de stations de javellisation ; désinfection ou désaffectation des puits, forages, etc. ; recherche des causes probables de contamination ; protection des sources.
  • L'assainissement général : voie publique ; fumiers ; dépotoirs ; abattoirs ; feuillées ; mares et abreuvoirs.
  • L'assainissement des habitations contaminées : cantonnements abandonnés ; fermes, écoles, maisons particulières, hôpitaux, infirmeries, etc.

Le service ainsi organisé a fonctionné pendant un certain temps, jusqu'au 23 mars de l'année courante, date de déclenchement de l'offensive allemande.

Depuis lors, les opérations sont suspendues, mais M. l'inspecteur départemental s'est préoccupé de prendre toutes les dispositions nécessaires à l'effet d'être en état d'opérer au premier jour.

En ce qui concerne le front, l'hygiène en est assurée par l'autorité militaire seule qui, dans certains cas seulement, a agi de concert avec les services civils.

Gaz asphyxiants. Mesures préventives

Agissant en complet accord avec la direction des services de la Mission militaire française attachée à l'armée britannique, l'administration préfectorale a dû, à maintes reprises, adresser aux maires des communes situées dans la zone comprise entre 0 et 30 kilomètres du front toutes instructions utiles pour réaliser la défense des populations civiles contre les atteintes des gaz asphyxiants.

Actuellement, dans la zone éloignée du front de moins de 20 kilomètres un masque est distribué à chaque habitant (protection individuelle). Chaque maison doit posséder une pièce protégée contre les gaz et dans la zone avancée exposée au bombardement toxique, la protection des caves (ou des abris) doit également être réalisée.

Enfin, un signal d’alerte, en cas de vague toxique, doit être organisé par les municipalités après entente avec l'autorité militaire britannique locale (protection collective).

Dans la zone distante de 20 à 30 kilomètres du front, la protection est assurée par les seuls moyens collectifs (pièces protégée, alerte).

Hygiène publique

Malgré les difficultés résultant de l’état de guerre, le service d'hygiène a fonctionné dans des conditions relativement satisfaisantes. L'inspecteur départemental, M. le docteur Petit, mobilisé aux débuts des hostilités, en qualité de médecin aide-major de 1ère classe, a dû vraisemblablement rester à Lille, prisonnier de l'ennemi, auprès de M. le médecin inspecteur Calmette.

Dès le 2 août 1914, M. le docteur Lestocquoy, médecin civil à Arras, a pris la direction du service jusqu'à l'évacuation de cette ville au commencement d'octobre suivant. Après le transfert des bureaux de la préfecture à Boulogne-sur-Mer, M. Gazet, pharmacien de 1ère classe à Arras, a assuré l'intérim de la direction jusqu'à la nomination de M. l'inspecteur départemental intérimaire actuel, M. le docteur Salmon, bactériologiste autorisé. Grâce à la collaboration étroite de ce praticien, la loi du 15 février 1902 et le décret du 14 août 1914 ont pu être appliqués dans toute l'étendue du département.

J'ai toujours tenu la main d'une façon toute spéciale, à ce que les médecins civils et militaires portent immédiatement à la connaissance de mon administration tous les cas de maladies contagieuses qu'ils ont été appelés à constater, afin que toutes les mesures légales de prophylaxie et de désinfection soient prises d'urgence.

Le service a-t-il normalement fonctionné ? Oui, d'une façon générale. On ne peut nier toutefois, que parfois, les désinfections ont été opérées avec un certain retard dû à l'emploi de personnel inexpérimenté, aux difficultés de communications et aussi à l'absence de produits désinfectants.

À diverses reprises, en effet, j'ai dû rendre compte à M. le ministre de l'Intérieur que l'autorité militaire réquisitionnait chez M. Gonin, fournisseur habituel de mon administration, tout le trioxyméthylène dont il disposait pour la fabrication de ses fumigators et ne lui assurait que la quantité indispensable à l'exécution des ordres émanant du Département de la guerre.

Or, les nombreux déplacements de troupes motivés par les événements actuels, les mouvements de la population civile nécessitent l'application très rigoureuse des mesures de prophylaxie et de désinfection pour éviter la dissémination des maladies contagieuses. Des prélèvements d'eau ont toujours été opérés dans les communes où ont été constatés des cas de fièvre typhoïde.

Les déclarations de fièvre typhoïde ont augmenté sérieusement. Il est à remarquer toutefois, que la plupart de ces déclarations ont été effectuées sur simple examen clinique et n’ont pas été contrôlés par l’analyse bactériologique. Les rapports qui m’ont été adressés, en temps opportun, ont signalé la bénignité de la maladie et constaté, le plus souvent, la guérison des malades.

En principe, le service d’hygiène intervient toujours pour la recherche des porteurs de germes et pour l’examen des fèces chez les typhiques. La scarlatine a été en décroissance.

Il n'en est pas de même pour la diphtérie qui est toujours la maladie prédominante, mais, assez rarement, elle revêt un caractère grave.

Quoi qu'il en soit, j'ai cru devoir attirer d'une façon toute spéciale l'attention des délégués sanitaires et des médecins en général sur les mesures prophylactiques à prendre, au moment où l'approche des saisons froides et humides crée un terrain d’autant plus favorable à la propagation de la maladie.

Il a été rappelé, notamment, à ces praticiens, que les moyens les plus efficaces pour s'y opposer comportent :

  • La déclaration, dès le début, de tout cas de diphtérie et même d'angine douteuse, les cas frustres étant, en effet souvent les plus dangereux au point de vue de la diffusion des germes, parce qu'ils sont méconnus ;
  • L'isolement rigoureux et immédiat du malade ;
  • La recherche des porteurs de germes, leur isolement lorsqu'il sera réalisable et le prélèvement d'exsudats pharingiens ;
  • L'emploi aussi rapide que possible du sérum antidiphtérique comme moyen curatif ;
  • L'inoculation préventive des enfants qui ont été en contact avec le malade et des adultes qui restent auprès de lui pour lui donner des soins ;
  • L'examen bactériologique après la guérison clinique, destiné à préciser l'époque à laquelle on pourra rendre les convalescents à la vie normale.
  • La désinfection complète de tous les vêtements et objets ayant servi au malade et des locaux occupés par lui, conformément aux instructions de la note 3, annexée à la circulaire ministérielle du 30 juillet 1903.

Les délégués sanitaires et les médecins des épidémies sont pourvus, par mes soins, des instructions du Conseil supérieur d’hygiène de France qui sont toujours distribuées dans les maisons où existent des maladies contagieuses et scrupuleusement appliquées.

Je veille également à ce que des rapports détaillés me soient adressés après constatation de toute maladie contagieuse.

Enfin, je rappelle les termes d'une circulaire ministérielle du 16 novembre 1903, sur l'emploi du sérum antidiphtérique à titre curatif ou préventif, toutes les fois que les circonstances ou les hésitations, d'ailleurs de plus en plus rares des intéressés en justifient la reproduction.

Cette intervention implique, d'autre part, la nécessité pour les pharmaciens comme pour les établissements d'assistance, d'avoir un approvisionnement de sérum en rapport avec les besoins présumés des populations.

J'ai, par suite, informé tous les médecins qu'un dépôt de sérums fournis par l'institut Pasteur de Paris existe à la préfecture et qu'il leur en sera envoyé dès réception de leur demande.

En outre, une provision des sérums ci-après : antitétanique, antimestoccique, antiméningogoccique, antidysentrique et de vaccin antityphique est toujours entretenue au service départemental d'hygiène.

Service médical des populations civiles

Par suite de l'appel sous les drapeaux de nombreux médecins, certaines régions du département se sont trouvées privées de tous secours médical. Conformément aux instructions ministérielles, et sur l'intervention de la préfecture, le service de santé militaire a délégué dans chacune de ces régions un médecin mobilisé à l'effet d’assurer le service médical.

Suivant les prescriptions ministérielles, ces médecins ne doivent recevoir d'honoraires ni des particuliers, ni des administrations civiles. Ils ne touchent que la solde afférente à leur grade. Ils utilisent les moyens de transport qui doivent être mis à leur disposition. Mon administration a dû organiser tout un système de comptabilité pour faire face aux dépenses de logement et de déplacement de ces médecins militaires.

Le département règle les dépenses sur la présentation de mémoires réguliers et récupère le montant de ses avances sur les communes intéressées. Celles-ci, de leur côté, recouvrent sur les particuliers non inscrits sur la liste nominative de l'assistance médicale gratuite les honoraires du médecin, calculés à raison de deux francs par visite de jour et cinq francs par chaque visite de nuit.

Tombes militaires. Emplacements. Recherches

Ce service a occasionné de très nombreuses correspondances avec l'autorité militaire d'une part et aussi avec les familles des disparus. La préfecture s'est efforcé autant qu'il lui a été possible, de renseigner les familles sur l'emplacement exact des tombes de leurs membres morts au champ d'honneur.

Cimetières militaires

La loi du 29 décembre 1915 a prévu que les terrains nécessaires à la création de cimetières militaires sont acquis par l'État soit amiablement, soit par voie d'expropriation. Mon administration est appelée à collaborer avec les autorités militaires pour la désignation des emplacements affectés aux sépultures destinées aux braves et glorieux soldats français et alliés tombés au champ d'honneur.

Le nombre de cimetière actuellement créés est de 50.

Assistance publique. Pupilles. Protection du premier âge

En matière d'assistance, mon administration a été amenée à proposer les mesures suivantes :

Évacuations

  • Évacuation d'un grand nombre de pupille vers les départements de l'intérieur (705 environ). Ces évacuations effectuées le plus souvent dans des conditions très pénibles ont nécessité des démarches variées et nombreuses auprès des autorités militaires françaises et anglaises ; ces dernières surtout, ont apporté une aide empressé et généreuse. Grâce aux ambulance du BRCS mises à la disposition de l'administration avec une inépuisable bonne grâce, j'ai pu mener à bien cette difficile entreprise, sans avoir à déplorer aucun accident.

D'autre part, la Commission régulatrice des chemins de fer a bien voulu assurer le ravitaillement des convois en cours de route, tandis que la place de Boulogne fournissait, moyennant remboursement des dépenses, le ravitaillement du départ.

La Compagnie du chemin du Nord s'est montrée également très aimable en nous réservant des voitures à chaque voyage, et en assurant à Paris, le transit des convois par les voies de ceinture. Enfin, l'organisation de ces évacuations a nécessité l’échange d'une correspondance active soit avec l'Assistance publique de la Seine, soit avec les préfectures qui ont bien voulu accepter la garde et la surveillance administrative de nos enfants.

  • Évacuation du mobilier départemental et des magasins de vêtures. Ces évacuations se sont opérées en deux fois. Sitôt installés à Boulogne-sur-Mer, les services de l'Inspection départementale ont été remis en possession du mobilier, des archives et des vêtures laissés au chef-lieu. Cette première partir de nos opérations s'est faite par la voie ferrée ; elle a été particulièrement laborieuse, et avait été précédée d'évacuations partielles.

Le magasin de vêtures avait dû, faute de place à Boulogne-sur-Mer, être réuni à celui de Saint-Omer. Mais les récents événements militaires m'ont obligé à procéder à une deuxième évacuation, de Saint-Omer sur Boulogne-sur-Mer. Cette seconde opération pût être menée à bien grâce aux camions automobiles mis gracieusement à la disposition de l'administration par la BRCS et grâce aussi au dévouement de tout le personnel.

Le résultat en est des plus satisfaisants puisque j'ai fait sauver une valeur globale de cent mille francs.

Pupilles mobilisés : envois d’argent et de colis

Dès la deuxième session du Conseil général, en avril 1915, le vote d'un crédit spécial destiné à l'envoi d’une somme mensuelle et le colis à nos pupilles mobilisés ou prisonniers de guerre a été demandé. Ces fonds sont été inscrits au budget par l'Assemblée départementale. Mais les envois ont commencé en décembre 1914, en prélevant la dépense sur les crédits des « Dépenses imprévues et diverses ».

Nos pupilles sont l'objet des mêmes attentions que tous leurs frères d'armes. M. l'Inspecteur correspond d'ailleurs régulièrement avec eux et s'empresse de donner satisfaction à toutes leurs légitimes demandes. Les pupilles prisonniers ne cessent de témoigner leur gratitude à l'administration et au Conseil général.

Tableau d'honneur

M. l'Inspecteur a pensé qu'il était désirable de conserver d'’une manière spéciale les noms de nos pupilles qui ont mérité des citations aux armées ou qui sont tombés au champ d'honneur. À cet effet, il a fait établir un tableau d'honneur provisoire, artistiquement dessiné par un de nos jeunes auxiliaires. Lorsque la paix sera venue, peut-être sera-t-il opportun de proposer la pose, à l'Inspection départementale, d'une plaque de marbre sur laquelle seront gravés les noms de ces glorieux enfants adoptifs de la Patrie.

Œuvres diverses

M. l'Inspecteur a également été chargé, par le Comité départemental d'assistance aux militaires réformés tuberculeux, de l'examen attentif et des soins gratuits à donner à ces anciens militaires ; il remplit les fonctions de chef du service médical pour le Département.

Modification du service de la protection du Premier âge

  • Trouvant favorable l'occasion de réaliser des économies, l'Inspection a apporté certaines modifications dans le service de la protection du Premier âge, et a proposé au Comité départemental toute une série de mesures qu'il a bien voulu approuver. La simplification des registres, imprimés divers, carnets de nourrices, etc., et la suppression des contrôles non indispensables a permis de faire réaliser au Département une économie annuelle de 7.000 francs.
  • Ayant constaté au cours de ses tournées de Protection que dans diverses localités la mobilisation des médecins ne permettait pas toujours aux nourrices de soumettre à la visite les enfants dont elles avaient la garde, M. l’Inspecteur n'a pas cru devoir se renfermer dans ses fonctions habituelles de contrôle, et, chaque fois que l'occasion s'en est présentée, il a examiné les petits malades et laissé une ordonnance médicale.

Retraites ouvrières et paysannes

Le service départemental des retraites ouvrières a été transféré à Boulogne-sur-Mer le 1er novembre 1914 ; mais le transport des archives n'a pu être opéré que plus tard, par des envois échelonnés sur une période d'une année, c'est-à-dire chaque fois qu'il était possible d'y procéder avec le minimum de danger.

L'absence de ces archives à Boulogne a compliqué singulièrement le fonctionnement du service jusqu'en octobre 1915. Privé en effet des relevés de compte des assurés, il n'était pas possible, d'une part, de procéder au renouvellement des cartes annuelles, et d'autre part, de créditer les comptes des versements opérés. Il a donc fallu recourir à des mesures transitoires pour obvier à ces difficultés et, par la suite, régulariser toutes les opérations provisoirement faites.

Puis sont venus s'ajouter aux opérations normales, d’autres travaux résultant de la situation spéciale du Pas-de-Calais. Je citerai notamment la remise en ordre des relevés de comptes et des fiches d'assurés, déclassés ou détériorés par suite des diverses manipulations dont ils ont été l’objet, pour leur mise à l'abri dans les caves de la préfecture et ensuite, pour le transfert à Boulogne-sur-Mer (ce travail a porté sur près de 300.000 documents) ; l'instruction d’un millier de demandes de duplicata de cartes annuelles (titres et cartes égarés par les retraités ou assurés évacués des régions envahies) et la réfection de listes d'assurés détruites dans un certain nombre de communes.

Parallèlement aux travaux de reconstitution et de fonctionnement du service départemental, il a fallu parer à la désorganisation du service dans les communes, afin de mettre les assurés en mesure de satisfaire aux obligations légales, sous peine de les exposer à perdre les avantages spéciaux accordés par l'État. En dehors des communes directement touchées par les hostilités, presque toutes les autres ont souffert dans le fonctionnement des services municipaux. Ceux-ci, déjà désorganisés par la mobilisation des maires et secrétaires, n’ont pu que très difficilement faire face aux besognes urgentes imposées par la situation et, forcément, le service des Retraites n'y pouvait être assuré régulièrement ; il avait même cessé de fonctionner dans un grand nombre de localités.

La remise en état de ces services s'imposait donc d'urgence. Indépendamment des instructions données dans ce but, un agent contrôleur a visité une centaine de communes, afin d’y faciliter l’application de la loi des Retraites et d’obtenir à bref délai un fonctionnement normal du service. C’est ainsi que le service départemental des retraites, dont le personnel très réduit a fait face à une lourde tâche avec un grand dévouement, s’est efforcé de faire appliquer la loi partout où cela était possible. Le nombre des opérations d'échange de cartes, de liquidations de pensions, d’allocations au décès et d’inscriptions, considérablement réduit pendant le second semestre 1914, s’est relevé progressivement jusqu’au début de l’année 1918 ; on pouvait alors constater que le service était assuré et fonctionnait dans toutes les communes non occupées par l’ennemi. Cependant, le résultat obtenu ces derniers temps n’est pas comparable à celui constaté immédiatement avant la guerre. Cela tient évidemment à l’envahissement d’une partie du Pas-de-Calais et à la mobilisation de nombreux assurés. Alors, en effet, que le nombre de cartes échangées s’élevait à 63.000 pendant l'année 1913, il n’atteignait que 18.000 pour la période du 1er juillet 1917 au 1er juillet 1918. Il est à prévoir en outre, que les nouvelles évacuations survenues depuis mars 1918, atténueront la progression réalisée.

Quelques chiffres résumant d'une façon succincte les statistiques des opérations principales effectuées en exécution de la loi, permettront de faire ressortir les fluctuation du service depuis le début des hostilités.

  • Inscription sur les listes. Le nombre des assurés, inscrits au 1er juillet 1914 était de 175.923. depuis cette date, il a été procédé à 15.165 inscriptions nouvelles, savoir : 590 pendant le second semestre 1914 ; 381 en 1915 ; 4.928 en 1916 ; 5.899 en 1917 ; 3.367 au premier semestre 1918.

Il a été opéré 12.859 radiations d’assurés retraités, décédés ou ayant changé de département. Le nombre des assurés inscrits et donc actuellement de 178.229.

  • Liquidation des pensions. Depuis le 1er juillet 1914, le nombre des pensions liquidées atteint 4.317, se divisant comme suit : 428 au second semestre 1914 ; 1.031 en 1915 ; 1.142 en 1916 ; 1.193 en 1917 ; 523 au cours du premier semestre 1918.

Ces 4.317 pensions ont donné lieu à l'attribution par l’État, d’allocations ou bonifications s’élevant approximativement à la somme de 400.000 francs. Le nombre des pensions liquidées du 3 juillet 1911 à juillet 1914 était de 17.260 avec attribution de 1.656.300 francs d’allocation de l’État.

  • Allocation au décès.682 allocations représentant une somme de 143.350 francs ont été accordée depuis le 1er juillet 1914, en vertu de l’article 6 de la loi, aux ayants-droit d’assurés décédés, savoir : 50 au second semestre 1914 (10.350 francs) ; 190 en 1915 (40.300 francs) ; 246 en 1916 (51.300 francs) ; 144 en 1917 (31.400 francs) ; 52 au premier semestre 1918 (10.000 francs).

Il avait été accordé antérieurement 935 allocations pour une somme de 193.650 francs.

  • Échanges des cartes annuelles. Il a été changé 62.368 cartes annuelles, avec un total de versements de 869.980 francs, savoir : 7.259 francs au second semestre 1914 ; 12.477 en 1915 ; 16.201 en 1916 ; 17.989 en 1917 ; 8.442 francs au premier semestre 1918.

Le nombre des cartes échangées en 1918, s’élevait à 65.300 et les versements atteignaient 950.000 francs.

On peut conclure de l'examen des chiffres indiqués en ce rapport très succinct, que, malgré les difficultés matérielles considérables rencontrées dans la marche du service des retraites ouvrières et paysannes dans le Pas-de-Calais, la loi a été appliquée dans la mesure où cela a été possible. C'est ainsi que les assurés qui ont voulu se mettre en règle avec la loi, ont trouvé sans exception la possibilité de bénéficier de tous les avantages qu'ils étaient en droit d'obtenir.

Office départemental de placement

L'Office départemental de placement du Pas-de-Calais a été créé, en conformité avec la délibération du Conseil général en date du 2 mai 1916, par la transformation consentie par la Municipalité calaisienne de son bureau principal en organisme départemental.

Son existence officielle remonte au début de juillet 1916.

Les crédits alloués pour le fonctionnement de l'Office, par la Conseil général, s'élevaient à 3.300 francs pour 1916 ; le même chiffre a été voté pour 1917.

D'autre part, la municipalité de Calais intervient pour : l'aménagement et l'entretien de la partie de bureau réservée au service de l’Office ; les dépenses d’installation et d’abonnement au téléphone ; l’attribution d’un complément de salaire de 800 francs à l’employé dont la rétribution est fixée à 1.000 francs sur les crédits du budget départemental.

Les dépenses de la municipalité calaisienne se sont, de ce fait, élevées à 613, 50 francs pour le second semestre 1916 ; les crédits afférents à 1917 continuent sur les mêmes bases.

L'Office de placement est aménagé dans une annexe des bureaux de la mairie, place Crèvecœur. En dehors de M. l'Inspecteur du travail qui est chargé de la direction, le personnel de l'Office comprend un employé choisi parmi les mutilés de guerre.

Le fonctionnement technique de l’Office départemental est caractérisé ainsi qu’il suit : L’organisation du service telle qu’elle est conçue et mise en pratique, n’est la copie d’aucune organisation similaire. Tout ce qui s’y fait est le fruit de conceptions personnelles que leur utilisation journalière amende ou modifie et qui procèdent du constant souci du directeur d’utiliser rationnellement ses très modestes ressources pour fournir néanmoins rapidement et au mieux, aux uns l’occupation qu’ils désirent, aux autres la main d’œuvre qu’ils recherchent.

Le placement n’est pas le simple contact « au petit bonheur », où suivant le hasard des circonstances, des demandes et des offres qui se produisent : c’est au contraire, la mise à la meilleure place possible des aptitudes et facultés que révèle une demande, le meilleur choix possible d’une disponibilité pour pourvoir à un emploi offert.

L'annotation des demandes s’inspire de maintes considérations : nécessités d’ordre général, aptitudes, antécédents, âge, situation de famille, desiderata ou exigences exprimés, besoins communs de l’offreur ou du demandeur, difficultés de logements ou autres, chômage prolongé, etc. Les visites d’inspection de M. Gervois le mettent d’ailleurs à même de connaître le véritable caractère des situations à envisager.

La pratique d’un placement est simple : un registre des demandes d’emploi et un registre des offres d’emploi est tenu. Il est inscrit, dans l’ordre où elles se présentent, toutes opérations effectuées. Les placements qui donnent lieu à échange de correspondance provoquent la constitution de dossiers sur la couverture desquels est collée une fiche récapitulative. Toute personne qui désire un emploi est invitée à remplir un imprimé spécial et à fournir des références, si possible. Quand la demande est verbale, la rédaction de cette formule se fait séance tenante ; quant il s’agit d’une demande extérieure à la localité, elle se fait par correspondance.

L’examen simultané de cette demande et du registre des offres d’emploi permet de faire immédiatement des propositions. A défaut d’offres correspondantes, l’Office s’inspire des besoins qui lui sont connus ou qu’il est logique de prévoir.

Les propositions aux employeurs se font à l’aide d’imprimés as hoc, auxquels sont joints quand faire se peut, les copies ou originaux, des certificats et références. Au dos de l’offre, il est prévu l’acceptation sous forme d’un certificat d’embauchage qui précise les conditions de l’emploi. S’il s’agit d’un placement local, l’intéressé est convoqué et ces conditions lui sont notifiées : leur acceptation est formulée, par écrit, sur le certificat lui-même. Dans le cas de placements inter locaux, ces conditions sont portées par lettres à la connaissance du demandeur.

Les situations particulières demandent l’utilisation de formules appropriées :

Pour les ouvriers bénéficiant de bons de transports gratuit ou à tarif réduit, il est fait usage d’imprimés d’une certaine nature. Pour les propositions visant essentiellement les allocataires (ou toutes autres personnes) ayant précisé leur désir de travailler pour la Défense nationale, l’Office emploi d’autres imprimés. Pour les mutilés de la guerre, on utilise également des imprimés plus détaillés. A ces braves, on réclame d’abord des renseignements plus complets parce que leur placement beaucoup plus délicat est aussi l’objet d’attentions spéciales. Le questionnaire les oblige à s’interroger et à envisager non seulement le placement immédiat mais les avantages qu’ils peuvent retirer d’une rééducation mise gratuitement à leur portée.

Aussi souvent que possible, le directeur de l’Office prend contact avec le mutilé et cela facilite grandement son placement. Il serait désirable qu’il en puisse être ainsi pour tous. L’Office départemental entretient des relations constantes avec les maires du département de qui il réclame tous renseignements nécessaires au service, pour remettre les bons de transport aux chômeurs, etc.

Il est en rapport suivis avec de nombreux offices départementaux en vue des placements interdépartementaux. L’Office de la Loire est celui avec lequel les relations sont les plus fréquentes et les plus efficaces.

Il en est de même avec les différents services ouvriers annexés aux régions de contrôle de la main-d’œuvre militaire. Ces relations n’ont aucune forme périodique : elles se produisent au fur et à mesure des besoins.

La propagande de l'Office a été proportionnée aux moyens d’exécution que possède la direction et s’est manifestée :

  • À l'occasion de certaines enquêtes, par des articles de journaux qui ont fait connaître l’existence de l’Office et son rôle ;
  • Par des annonces publiées deux ou trois fois la semaine et qui sont limitées aux seules situations intéressant les mutilés de la guerre. Ces insertions sont consenties gratuitement et parfois spontanément par les principaux journaux de toutes nuances du département.

Des circulaires ont été envoyées aux représentants des groupements professionnels ; les propositions d'emplois sont multipliées aux employeurs avec la pensée de leur indiquer ou rappeler l'existence de l’Office. L'appel est entendu ou retenu.

Malgré toute sa discrétion, cette propagande n'en a pas moins produit encore tous les jours, d'incontestables bons résultats.

Nombre de placements. Voici le résultat général des opérations effectuées par l'Office de placement depuis la création dudit Office (juillet 1916).

' Travailleurs Mutilés Apprentis Totaux
1916 333 84 39 456
premier semestre 1917 725 63 54 842
second semestre 1917 724 72 28 824
premier semestre 1918 621 28 45 694
1er juillet au 15 août 1918 125 2 8 135

Pupilles de la Nation

La loi du 27 juillet 1917 instituant des pupilles de la Nation spécifique que les mesures de protection prévues en faveur des pupilles seront assurées dans chaque département par un Office départemental dont le conseil d’administration est composé de membres de droit et de membres élus dans les conditions déterminées par le décret du 15 septembre 1917.

Les élections du conseil d’administration de l’Office départemental ont eu lieu, dans le Pas-de-Calais, le 17 mars. Elles n’ont donné lieu à aucune réclamation ni contestation. Les membres du conseil ont tous conscience de l’importance de leur rôle et l’union et l’entente la plus étroite ont régné jusqu’à ce jour au sein de l’assemblée. Tous ont en vue un même but : faire produire à la loi son maximum de bienfaits.

Les travaux de l’Office et de sa section permanente ont porté principalement jusqu’ici sur l’organisation et la mise en œuvre de l’institution nouvelle. Depuis juin dernier, la répartition des subventions allouées par l’État en vue de secourir les orphelins de guerre nécessiteux pendant la période transitoire d’application de la loi du 27 juillet, se fait avec le concours de l’Office départemental.

L’Office prend également en charge sur ses contrôles, les enfants déclarés pupilles au fur et à mesure des notifications des jugements d’adoption par les tribunaux. A la date du 1er septembre, le nombre des jugements notifiés porte sur 664 pupilles. Les tribunaux poursuivent activement leurs travaux et de nombreux dossiers en instance aux greffes recevront une solution d’ici peu. L’année prochaine, l’Office s’occupera de la réalisation pratique des dispositions de la loi suivant le but poursuivi par le législateur.

Voici le texte de la circulaire que j’ai adressée à messieurs les maires le 1er juin dernier au sujet de l’interprétation à donner à la loi du 27 juillet 1917 :

« L’esprit et le libéralisme des sentiments qui ont guidé le législateur dans l’élaboration de la loi du 27 juillet 1917 instituant les pupilles de la Nation, semble ne pas avoir été compris par tous et des divergences d’interprétation paraissent s’être parfois produites sur el but recherché et les moyens employés pour l’atteindre.

Afin d’éviter tout malentendu à ce sujet dont les victimes seraient les orphelins eux-mêmes, il est apparu comme indispensable d’insister sur le principe qui a présidé à l’élaboration de la loi.

La loi n’a pas entendu instituer une œuvre de charité, mais élever à la mémoire de nos glorieux morts, et au profit de leur descendants, un monument de reconnaissance et de prévoyance nationales.

En adoptant les orphelins de la guerre, la nation n’a pas voulu prendre possession matérielle ni morale de ces enfants et en faire sa chose, elle a simplement entendu atténuer les conséquences de la disparition du père et donner à l’enfant, par l’intermédiaire de l’Office départemental, l’aide moral à laquelle il a droit.

Aux personnes qui vous questionneraient vous devrez préciser que le fait qu’un enfant est déclaré Pupille de la Nation ne modifie en rien sa situation dans sa famille. L’exercice de la puissance paternelle ou de la tutelle reste entier. Chaque pupille demeure dans sa famille et est élevé par les siens suivant ses goûts et ses penchants. Il continuera à vivre dans le milieu où il est né et choisira la profession qui lui plaira suivant ses aptitudes ; en un mot, son avenir sera orienté dans la voie que le père lui aurait tracée s’il était encore là.

Le rôle de l’Office départemental sera de venir en aide aux pupilles en donnant à ceux qui en auront besoin des allocations qui permettront à leur soutien de les élever convenablement. L’Office servira également d’intermédiaire et de trait d’union (si les parents le demandent) pour faciliter aux pupilles l’obtention d’un emploi, l’accès d’une carrière, mais dans aucun cas, dans aucune circonstance la liberté de la vie de famille ne sera atteinte, et les droits des parents vis-à-vis de leurs enfants seront les mêmes que si ceux-ci n’étaient pas pupilles de la nation.

Je vous prie de vouloir bien, chaque fois que les circonstances le permettra, donner à chacun tous les renseignements qui vous seront demandés, au besoin même devancer ces questions, de manière que le but de la loi puisse être apprécié par tous dans l’esprit libéral qui l’a inspiré au législateur. »

Caisses d'épargne

Les caisses d’épargne de Bapaume, Aire-sur-la-Lys, Béthune et de Lillers ont dû suspendre leurs opérations par suite de l'invasion ou de l'évacuation de ces localités. Il en est de même des succursales de Carvin, Hénin-Liétard, Liévin et Bully. Mais les réfugiés titulaires de livrets appartenant à ces succursales obtiennent des remboursements à la succursale de Bruay qui dépend de la caisse d'épargne de Lens. Les dépenses des caisses dont le fonctionnement est suspendu peuvent d'ailleurs par application de la circulaire ministérielle du 16 octobre 1914 solliciter des remboursements dans les autres caisses d'épargne.

La caisse d'épargne d'Arras a transféré ses bureaux à Berck (5, rue de Paris).

Le caissier de la caisse d'épargne de Béthune est réfugiée à Berck.

Instruction publique et enseignement technique

Établissements d'enseignement secondaire.

Les établissements d'enseignement secondaire du Pas-de-Calais ont subi des fortunes diverses depuis l'ouverture des hostilités. Les deux collèges d'Arras ont dû fermer leurs portes dès les premiers jours d’octobre 1914. En grande partie détruits, ils devront être réédifiés à grands frais le moment venu.

Le lycée de Saint-Omer, les collèges de Boulogne, les collèges de Calais, quoique abritant dans leurs locaux des hôpitaux temporaires (sauf le collège de jeunes filles de Boulogne) sont restés ouverts presque sans interruption pendant les quatre dernières années scolaires. Les émotions n'ont cependant pas été ménagées à nos élèves, surtout pendant l'année 1917-1918, où les bombardements par avions ont trop souvent troublés leur repos et leur travail. Les deux collèges des Béthune, gravement endommagés dès 1915, avaient dû être installés dans la partie de la ville la plus éloignée du front ; mais en 1917, la sécurité des enfants n'y étant plus assurée nulle part, l'administration universitaire, d'accord avec les municipalités de Béthune et de Bruay, installa lesdits collèges dans un groupe scolaire de cette dernière ville. L'avance ennemie d'avril 1918, et le bombardement auquel la ville de Bruay fut soumise amenèrent la fermeture de tous les établissements scolaires de cette localité (y compris les collèges). Enfin, le collège de Saint-Pol-sur-Ternoise, transformé en hôpital dès novembre 1914, puis rendu à sa destination normale le 15 mars 1916, dut renvoyer ses élèves dans les premiers jours de mars dernier, à la suite de bombardements qui menaçaient leur sécurité.

Écoles normales.

Réquisitionnés par les services hospitaliers de l'armée dès le mois d'août 1914, les écoles normales d'Arras n'ont pu se rouvrir dans leurs locaux en octobre suivant. L'incendie qui avait détruit la plus grande partie de l'école d'institutrices et le bombardement ininterrompu de la ville, obligèrent les représentants autorisés de l'État et du Département à rechercher une installation provisoire pour ces deux établissements. Des locaux furent loués à Berck, et le 1er mars 1915, les normaliens et normaliennes purent reprendre leurs études, qui se sont poursuivies régulièrement depuis.

Enseignement primaire.

Par suite de l'occupation ennemie d'une partie du département, le nombre des écoles qui restèrent ouvertes, à partir du 1er octobre 1914, fut réduit à 1.205 (6 écoles primaires supérieures, 1150 écoles élémentaires, 49 écoles maternelles), mais dans 205 de ces écoles le service était suspendu parce qu'elles étaient soit utilisées pour le cantonnement des troupes, soit affectées à des services militaires, soit situées à proximité de la ligne de feu, dans une situation vraiment dangereuse.

Les 1.912 instituteurs ou institutrices qui donnèrent l’enseignement dans les 1.000 écoles restées ouvertes se composaient de 1.505 maîtres exerçant à leur poste normal, de 341 instituteurs et institutrices évacués des régions envahies ou de la zone dangereuse, et de 66 débutants et débutantes désignés comme intérimaires. Les évacués et les intérimaires assuraient le service des instituteurs qui, au nombre de 424, furent mobilisés le 2 août 1914, ou dans les mois suivants.

La situation des écoles resta à peu près stationnaire pendant les deux années qui suivirent. Toutefois, dans le voisinage du front, bon nombre de classes furent rouvertes aux élèves, et les écoles affectées au cantonnement des troupes et aux formations sanitaires diminuèrent de plus en plus. Aussi, en juin 1917, ne compte-t-on plus que 67 écoles où ne fonctionne pas le service scolaire (contre 93 en 1916 et 205 en 1915). Malheureusement, l'avance ennemie qui se produisit en avril dernier, dans la région située au nord-est de Béthune y affecta gravement le service de l’enseignement : 66 écoles de l’arrondissement de Béthune (et 5 de l’arrondissement d’Arras) durent être évacuées. A l’heure actuelle, l’ennemi a dû abandonner la plupart des communes qu’il avait envahies, mais comme elles ont été dévastées, la vie ne pourra y reprendre que dans un temps indéterminé.

Des 1.202 instituteurs et institutrices exerçant avant la guerre dans la région envahie, 498 se sont repliés devant l’ennemi et ont été occupés dans les classes tenues précédemment par les instituteurs mobilisés : 221 avaient répondu à l'ordre de mobilisation ; les autres, soit 483, sont restés en région envahie où ils ont exercé pour la plupart leurs fonctions, avec plus ou moins de régularité, selon les exigences des envahisseurs. Jusqu’à présent, 309 ont été rapatriés ; 82 d’entre eux exercent dans le Pas-de-Calais et 227 dans d’autres départements.

Le personnel enseignant a répondu, pendant ces quatre dernières années, à tout ce qu’on pouvait attendre de lui. Il a fait preuve, suivant les circonstances, de patience, de courage, d’abnégation ou de vaillance. À la fin de l’année 1917, près d’un milliers d’instituteurs du département étaient sous les drapeaux. Ils ont payé un lourd tribut à la défense du pays. Jusqu’à ce jour, 142 nous ont été signalés officiellement comme morts au champ d’honneur, et 46 comme disparus, 186 ont été blessés (un bon nombre plusieurs fois). Pour leur conduite héroïque, 8 ont été nommé chevaliers de la Légion d’honneur, 13 ont obtenu la médaille militaire, et 170 ont eu l’honneur d’une citation à l’ordre du jour.

Les institutrices qui remplaçaient leurs collègues appelés à l’armée ont eu à suffire à de multiples tâches. A leur service scolaire, plus complexe et plus lourd qu’en temps normal, plus d’une centaine d’entre elles ont dû ajouter les travaux très divers et très délicats d’un secrétariat de mairie important.

On peut affirmer que le personnel de l’arrière n’a pas été inférieur à celui du front. Jamais il n’a été fait appel en vain à son dévouement pour aider à la tenue morale de la population, pour contribuer au succès des campagnes entreprises dans l’intérêt supérieur du pays : collecte de l’or, emprunts nationaux, œuvres destinées à venir en aide à nos soldats prisonniers, aux réfugiés, à la reconstitution des pays envahis, etc. instituteurs et institutrices ont été l’âme du succès de ces entreprises si éminemment morales et utiles. On ne leur rendra jamais trop justice.

Enseignement technique.

Malgré la mobilisation qui priva les écoles pratiques de garçons de Boulogne-sur-Mer de la plupart de leurs professeurs et chefs d’atelier, ces établissements, grâce au concours dévoués qui leur sont parvenus, virent leur effectif augmenter par suite de la présence de nombreux réfugiés dans la région et de l’importance de plus en plus grande qu’attachent les familles à l’enseignement technique.

A leur sortie de l’école, les élèves trouvent en effet des emplois de plus en plus rémunérateurs dans le commerce et l'industrie. Au cours de ces quatre années, beaucoup d’entre eux ont été immédiatement employés avec fruit dans les usines de guerre et il n’est pas jusqu’aux anciennes élèves de l’école pratique de jeunes filles qui n’aient collaboré efficacement à l’œuvre de la Défense nationale.

Partie économique

Reconstitution des régions envahies et dommages de guerre

Réorganisation et fonctionnement des services

L’organisation des services de la reconstitution des régions atteintes par les événements de guerre qui a été exposée, en détail, l’année dernière, a subi de profondes modifications par application du décret du 16 novembre 1917 qui a institué un ministère du Blocus et des Régions libérées. L’organisation centrale du service comporte essentiellement, sous l’autorité et la responsabilité du ministre unique :

D'une part, des services d’un caractère administratif ayant pour objet la réorganisation de la vie locale, la réparation des dommages de guerre, le personnel et la comptabilité, services auxquels est rattaché l’Office national de coordination des secours publics et privés ;

D'autres part, des services techniques ayant pour objet la reconstitution provisoire des moyens d’habitation et la préparation technique de la reconstitution définitive ; la reconstruction des immeubles détruits et la reconstitution du sol et des bâtiments d’exploitation rurale ; Enfin, deux offices spécialisés : l’un en ce qui concerne la reconstitution agricole ; l’autre, en ce qui concerne la reconstitution industrielle.

J’ai proposé à M. le ministre du Blocus, le 9 juillet, conformément à ses instructions sur la question, d’adopter la même organisation pour les services locaux du département, sous mon autorité directe, secondé d’ailleurs à cet effet par mon nouveau collaborateur, M. le secrétaire général à la reconstitution.

Une distinction sera nettement établie entre les services administratifs et les différents services techniques d’exécution, chacun des nouveaux services répondant à une spécialisation de compétence. Les services administratifs seront répartis en trois sections : l’administration générale, la reprise de la vie locale et la réparation des dommages de guerre.

Les services techniques seront au nombre de trois également : le service de reconstitution provisoire des moyens d’habitation, de l’approvisionnement en matériaux et des travaux publics (placé sous la direction de M. l’Ingénieur en chef des ponts et chaussées du département). Le service de reconstitution définitive des moyens d’habitation (ayant à sa tête un architecte en chef nommé par le ministère). Le service de reconstitution du sol et des bâtiments d’exploitation rurale (avec un ingénieur agronome, désigné par le ministère, comme directeur).

Ces services fonctionneront après approbation du ministère, au fur et à mesure que les circonstances le permettront. Les dépenses qui en résulteront seront prélevées sur les crédits spéciaux du ministère du Blocus et des régions libérées, comme il est pratiqué depuis le mois de janvier dernier, par dérogation au système financier que vous aviez été appelés à instituer et qui consistait en un crédit départemental hors budget, alimenté par des fonds de l’État et du Département.

Ces modifications exposées, j'ai l’honneur de vous résumer ci-après, les résultats que les services locaux de la reconstitution ont obtenu depuis votre deuxième session de 1917 jusqu'au 21 mars dernier, pour les régions qui furent alors occupées par l’ennemi ou évacuées, et jusqu'à ce jour pour les autres.

Reconstitution de la vie locale

Au 21 mars 1918, 35 des 90 communes qui avaient été récupérées dans le début de 1917, étaient accessibles aux services de la reconstitution ; mais du fait que les réintégrations ont toujours été subordonnées à l’avis conforme de l’autorité militaire et que cet avis ne put jamais être obtenu qu’après la rentrée de la municipalité, la réorganisation n’était réellement entreprise que dans 23 de ces localités et dans 11 autres qui n’avaient été qu’évacuées.

La population de ces 34 communes s’élevait à 8.868 habitants dont 5.466 réintégrés.

Reconstitution des foyers

355 maisons provisoires (dont 32 à 4 pièces, 16 à 3 pièces et les autres à 2 pièces), 48 baraques 20 hommes et 41 baraques Adrian avaient été édifiées au profit des réintégrés ; 113 autres maisons étaient en cours d’édification ; 200 abris provisoires, 6 baraques 20 hommes et 3 baraques Adrian étaient déposées dans les magasins spéciaux de Beaumetz-lès-Loges, La Herlière, Achiet, Bucquoy et Foncquevillers, en attendant leur montage ; 1.008 immeubles avaient été ou remis en état d’habitabilité ou préservés contre les intempéries, soit par l’administration (264), soit par les particuliers eux-mêmes (744) avec des matériaux fournis par l’administration à cette fin.

Pour l'édification des abris provisoires et des baraques, comme pour l’exécution des travaux de préservation et de réparation, j’avais traité avec deux entrepreneurs qui occupaient environ 200 ouvriers ; je disposais d’autre part d’une centaine d’ouvriers nord-africains pour les travaux de terrassement.

J’avais aussi passé des marchés :

  • Pour la fabrication de 25 abris en bois (avec des bois en provenance du service du Génie) et pour la livraison de 275 maisons provisoires en ciment, moyennant la somme globale de 916.740 francs ;
  • Pour la fabrication de 1.200 maisons et de 710 remises ou écuries (avec des bois à fournir par le génie) moyennant respectivement, 1.573.900 francs et 596.527 francs ;
  • Pour la fourniture de briques, bois, chaux, ciment… moyennant 3.500.000 francs ;
  • Pour la livraison d’objets mobiliers indispensables, moyennant 216.690 francs.

Je disposais de 53 camions automobiles pour le transport des abris, baraques et matériaux de construction.

115 des abris montés provenaient des marchés susvisés ; les autres (ainsi que les baraques) d’une valeur d’ensemble d’1.600.000 francs, m’étaient parvenus du ministère qui avait promis de m’envoyer 2.000 abris.

Les travaux de terrassement, d’édification, de préservation et de réparation avaient occasionné une dépense de 1.560.000 francs ; les matériaux distribués aux particuliers avaient une valeur de 192.000 francs.

Services scolaires

Tous les instituteurs susceptibles d’être mise en sursis étaient rentrés dans les communes en voie de réorganisation ; 14 mairies-écoles, cédées par le ministère (moyennant paiement) étaient parvenues au service et 3 d’entre elles étaient déjà montées ; du mobilier scolaire était commandé jusqu'à concurrence de 18.500 francs.

Service postal

Toutes les communes en voies de réorganisation étaient desservies par la poste suivant une organisation provisoire qui aurait été améliorée au fur et à mesure que les circonstances et les disponibilités en locaux spéciaux l’auraient permis ; des abris provisoires avaient dû servir à l’installation des bureaux de postes.

Caserne de gendarmerie

Une brigade de gendarmerie était déjà réinstallée à Foncquevillers dans des abris provisoires fournis, également, par le service de reconstitution.

Services divers

MM. les directeurs des services de contributions, de l’Enregistrement, des Domaines, des Finances… m'avaient pressenti sur la possibilité de faire rentrer leur personnel et la réintégration des fonctionnaires se serait faite au plus tôt, toutes mesures utiles étant déjà prises à cette fin.

Ravitaillement

Les premiers réintégrés ont touchés des rations de vivres des armées anglaises, mais les autorités militaires se sont opposées ensuite à ce mode de ravitaillement, qu’elles considèrent comme irrégulier et, finalement, les intéressés ont dû se ravitailler par eux-mêmes.

Le service des Étapes a bien voulu mettre bénévolement une voiture attelée et un conducteur à la disposition des communes qui les ont sollicités, d’une manière ferme, pour faciliter le transport des denrées alimentaires ; 14 voitures avaient été affectées ainsi à 15 communes.

Les transports furent, d’autre part, facilités par la remise en service des voies ferrées de Boisleux et de Beaumetz-lès-Loges.

Les boulangers mobilisés des localités réorganisées obtinrent des sursis dans toute la mesure possible et 7 fours roulants (parvenus du ministère, moyennant paiement) furent mis à leur disposition en attendant que leurs anciens fours fussent réparés ou reconstruits ; je leur livrais de la farine, en même temps que le charbon nécessaire à la cuisson du pain.

Les autres habitants reçurent du service les charbons indispensables à la préparation de leurs aliments et au chauffage de leurs habitations. Des distributions de denrées alimentaires devaient être faites, à titre de secours, par les bureaux de bienfaisance et, à défaut, par les communes, aux familles dont les ressources, quelle que fût leur origine, n’auraient pas suffi à assurer leur existence.

Le nettoyage et la réparation des puits comblés ou endommagés avaient été entrepris par le service départemental de la santé et de l’hygiène publique avec le concours des Anglais ; les travaux devaient être poursuivis sans désemparer avec l’aide du service spécial des améliorations agricoles ; ces projets de construction de puits ordinaires et d’adduction d’eaux potables avaient été mis à l’étude pour remédier au manque d’eau plusieurs fois signalés.

Secours

Pour assurer les moyens d’existence des habitants réintégrés, le gouvernement a institué une assistance analogue à celle qui est accordé aux familles réfugiées et aux familles des mobilisés. Cette assistance, qui porte le nom de « Secours temporaires aux habitants privés de ressources des régions libérées », n’est accordée que pour une période de trois mois, mais elle peut être renouvelée, sur la demande des intéressés, autant qu’il est nécessaire.

Au mois de mars dernier, j’avais distribué dans les régions libérées, 118.200 francs d’allocations aux familles de mobilisés réintégrées et 424.378 francs de secours d’extrême urgence et d’allocations aux réfugiés.

Des effets d’habillement et des objets mobiliers leur avaient déjà été remis à titre de secours publics ou privés. C’est ainsi que les sociétés ci-après désignés avaient distribué :

« Le Bon Gîte », une centaine de lits avec literies complètes ; « Le Secours national », des effets d’habillement (300 pièces) et des caisses de vivres (33) ; Mme Loetitia Raphaël, des ustensiles de ménage (pour 80 familles environ), 111 paires de draps et 673 chemises ; « Le Retour au foyer », 17mobiliers complets d’une valeur de 1.200 francs chacun ; « La Croix-Rouge Américaine », un nombre élevé de lits, couvertures, brouettes, instruments agricoles, sans oublier des denrées de toutes sortes : riz, légumes secs, cafés, fromage, etc. ; « Le Comité de secours agricoles aux alliés », plus de 2.000 arbres fruitiers et plusieurs centaines de poulets et de poules. D’autre part, la société « The mother church war relief » avait distribué 2.600 francs aux habitants de Courcelles-le-Comte. Et le groupe parlementaire de certains souscripteurs avait mis à la disposition de l'œuvre départementale « Le Pas-de-Calais dévasté » une somme de 80.856,40 francs sur laquelle 46.905,45 francs avaient été versés aux réintégrés.

Deux bureaux locaux de coordination de secours publics et privés avaient été constitués : l’un, à Beaumetz-lès-Loges pour l’arrondissement d’Arras, et l’autre à Béthune pour l’arrondissement même. La première réunion de Beaumetz était fixée.

Avances en nature et en espèces

Pour se réinstaller, les réintégrés ont pu toucher le mobilier qui leur était indispensable (lit, literie, tables, chaises, armoires, fourneaux, vaisselles, etc.), jusqu'à concurrence des disponibilités en cours et des attributions du ministère, le tout à titre d’avance sur l’indemnité pour dommages de guerre, à fixer ultérieurement. Les petits artisans également rentrés, ont reçu des outils dans les mêmes conditions.

Le bénéfice de ces avances vient d’être étendu par le ministère aux personnes de l’arrière, pour faciliter leur réinstallation au lieu du dommage, et aux fonctionnaires qui ont subi des pertes par faits de guerre, quelle que soit leur résidence obligatoire actuelle.

Quand le service de la reconstitution ne peut pas fournir le mobilier ou les outils, il remet aux intéressés des bons-fournitures spéciaux qui leur permettent de se procurer l’indispensable dans des maisons de commerce de leur choix.

Les avances pour mobilier peuvent atteindre 500 francs par chef de famille, plus 200 francs par personne à sa charge. Les objets mobiliers distribués jusqu’ici à titre d’avances avaient une valeur de 31.446,24 francs.

En ce qui concerne les cultivateurs, les commerçants et les petits artisans, il leur a été accordé des avances à titre de fonds de roulement, c’est-à-dire pour leur permettre de subvenir à la subsistance de leurs familles et de couvrir les premières dépenses de fonctionnement de leurs exploitations, commerces et entreprises, en attendant qu’ils puissent réaliser la vente de leurs produits. Ces avances ne furent attribuées tout d’abord qu’après la constatation de l’état des meubles ou immeubles endommagés – dans le sens indiqué par la loi du 5 juillet 1917 ; elles le sont aujourd’hui par la production d’un état détaillé des pertes, dont l’exactitude est attestée par deux témoins et certifiée par le maire de la commune.

Les cultivateurs qui reprennent leurs anciennes exploitations, comme ceux qui entreprennent une ferme dans la région libérée de leur département ou dans un arrondissement limitrophe, peuvent en bénéficier.

Elles ne doivent pas en principe être supérieures à 3.000 francs par bénéficiaires ; toutefois, en ce qui concerne les cultivateurs, cette limite peut être dépassée dans la mesure d’un maximum de 400 francs par hectare de terre susceptible d’être remise en culture.

Les attributions de cette nature ont atteint 187.900 francs dont 91.000 sont déjà versés.

Les avances sur dommages de guerre pour la remise en état d’habitabilité des maisons, ont simplement pour objet de permettre l’exécution de travaux qui présentent un caractère d’urgence et qui sont limités par rapport à l’ensemble de l’immeuble, par exemple : la réfection ou la réparation des toitures ; l'obturation des trous d’obus dans les murs ; la réfection des planchers, plafonds, cloisons intérieures crevées par le choc ou l’explosion des obus ; le remplacement ou la remise des portes et fenêtres brisées et tous autres travaux analogues.

Ces avances ne peuvent s’appliquer aux travaux assimilables à la reconstruction proprement dite, ni aux travaux d’aménagement intérieurs non indispensables.

Dans tous les cas, elles ne doivent être accordées qu’aux personnes qui ont réellement besoin de l’aide sollicitée, autrement dit, qui ne pourraient pas payer les travaux envisagés avant le règlement de leurs indemnités de dommages de guerre. Elles sont versées au fur et à mesure de l’exécution des travaux, après contrôle, par le service technique de la reconstitution, des dépenses engagées et sur production des décomptes ou mémoires des entrepreneurs.

Les avances de cette nature n’ont pu être faites que pour des immeubles situés dans la zone de l’arrière, même assez loin du front, et s’élèvent à 18.489,25 francs.

En dehors de ces avances, il est remis bénévolement aux propriétaires sinistrés, sur leur simple demande, la toile huilée et le carton bitumé nécessaires à la préservation de leurs maisons endommagées.

Versement d’acomptes

Les acomptes sur l’indemnité de dommages de guerre ne peuvent être consentis qu’après évaluation de ces dommages dans les conditions fixées par le décret du 20 août 1915 ; jusqu’à présent, les commissions cantonales d’évaluation n’ont pas encore pu fonctionner et par voie de conséquence, aucun acompte n’a été attribué.

Mais l’enquête préalable à ces évaluations est ouverte dans 26 cantons du département et quelques commissions pourront vraisemblablement fonctionner sous peu, ce qui permettra d’accorder des acomptes, dans les conditions fixées par les instructions ministérielles, pour la reconstitution ou la réparation des objets ou immeubles détruits ou détériorés par des faits de guerre ouvrant droit à indemnité, soit 1/5 à ½ de l’évaluation.

Reconstitution du sol

La reconstitution du sol fut entreprise par la direction des services agricoles du département et continuée par l’Office national de reconstruction agricole.

Sept équipes de 10 tracteurs chacune ont labouré les terrains de culture les moins dépréciés et ensemencé près de 1.500 hectares de céréales d’hiver ; elles préparaient les emblavements de printemps quand les avances des troupes allemandes les mirent dans l’impossibilité de poursuivre leur œuvre.

Des avances en chevaux, bestiaux, instruments de culture, engrais, semences… furent consenties aux cultivateurs réintégrés ; elles sont résumées dans les tableaux suivants :

Nature des avances en nature Valeur (en francs) '
115 chevaux 203.507,25
83 vaches 49.813
2 bœufs 2.150
5 porcs 1.090
Instruments agricoles 113.692,59
Harnais 50.029,80
Mouture et malterie (pour les animaux) 4.794,96
Foin (pour les animaux) 8.069, 13
Paille (pour les animaux) 2.652, 05
Pulpe (pour les animaux) 311,4
Avoine (pour les animaux) 59.800, 44
Semences :
Blé 100.120,96
Seigle 7.235,04
Scourgeon 5.007,30
Avoines 26.777,80
Vesces 4.097,75
Lentilles 1.534,85
Betteraves, carottes, trèfle, luzerne, sainfoin 3.067,85
Graines potagères 3.685,10
Engrais et divers :
Superphosphates 2.940
Sulfate de cuivre 555
Huile de graissage 152,2
Divers 1.450,91
Total (pour 584 cultivateurs) 652.517,38

Pour terminer, je vous donne ci-après quelques détails sur l’évacuation des régions envahies en mars dernier :

Dès le deuxième jour de l’offensive, les habitants des communes réorganisées reçurent de l’autorité militaire l’ordre d’évacuer leurs domiciles. Beaucoup refusèrent tout d’abord de répondre aux injonctions de la prévôté, mais s’y soumirent ultérieurement à la suite des bombardements.

L’évacuation se fit sans incident ; elle fut même beaucoup facilité par quelques corps de troupes qui, en se repliant, permirent aux habitants de faire usage de leurs camions automobiles incomplètement chargés. La plupart des évacués purent emporter quelques affaires personnelles ; malheureusement, ils durent abandonner le mobilier qui leur avait été attribué par le service de la reconstitution ou donné par des œuvres charitables ; les cultivateurs sauvèrent, en général, leurs chevaux et bestiaux, sauf les porcs, mais ils durent laisser leurs instruments agricoles sur place, en raison de leur poids et de l’encombrement qu’ils auraient provoqué sur les routes.

Les batteries de tracteurs furent sauvées ; les fours roulants le furent également, sauf l’un d’eux, celui de Bucquoy.

Les services des ponts et chaussées qui étaient chargés de la partie technique de la reconstitution et qui s’étaient réinstallés à Arras, depuis quelques temps déjà, se replièrent sur Saulty-l’Arbret, puis sur Sus-Saint-Léger et, enfin, sur Hesdin où ils se trouvent encore. Tous les agents techniques – sauf un qui fut chargé de la récupération des abris, des matériaux et du mobilier, et de leur classement, durent être congédiés après la liquidation de leur comptabilité ; ils sont affectés au service des plans d’alignement du département ou à la reconstitution de la ville de Paris.

J’ai malheureusement à constater la perte des magasins d’Achiet-le-Grand et de Bucquoy qui furent pris sous le feu de l’artillerie ennemie.

Communes Arras Béthune Boulogne Montreuil Saint-Omer Saint-Pol Totaux
1. Qui furent envahies 151 44 0 0 0 0 195
2. Encore occupées 127 39 0 0 0 0 166
3. Encore évacuées 39 34 0 0 0 0 73
4. Importantes bombardées 13 27 11 2 23 7 83
330 144 11 2 23 7 517


Liste des communes actuellement envahies ou évacuées
Liste des communes actuellement envahies ou évacuées
Liste des communes actuellement envahies ou évacuées et liste des principales communes de l'arrière bombardées
Liste des principales communes de l'arrière bombardées / Liste des cantons où l'enquête pour dommages de guerre est ouverte

Plans d'alignement des communes sinistrées

Une circulaire du 27 septembre 1916 de M. le ministre de l’Intérieur a prescrit la confection de plans généraux d’alignement et de nivellement pour les communes atteintes par les événements de guerre.

La dévastation de ces communes a posé le problème de leur reconstitution au triple point de vue de la circulation, de l’hygiène et de l’esthétique. Il était donc logique et nécessaire que les Assemblées qui ont la charge de veiller en temps de paix aux intérêts généraux des populations dans l’ordre d’idée ci-dessus rappelé, groupassent, pour l’après-guerre, leur expérience et leurs compétences en vue d’aider au relèvement rapide et ordonné des localités détruites ou gravement endommagées. Aussi, M. le ministre a-t-il décidé que les trois commissions : Bâtiments civils, Sites, Conseil départemental d’hygiène, seraient fusionnées en une commission mixte qui pourrait elle-même désigner une sous-commission chargée d’examiner les plans d’alignement.

La commission mixte s’est réunie pour la première fois le 20 janvier 1917 et il a été décidé de procéder immédiatement à la reproduction des plans cadastraux concernant les agglomérations. Les maires ont été invités à désigner l’homme de l’art (agent-voyer cantonal, géomètre, architecte) chargé d’établir un avant-projet des plans d’alignement en attendant que les éléments à recueillir sur le terrain permettent la mise au point et l’élaboration définitive des projets. Toutes les municipalités, sauf deux, ont porté leur choix sur l’agent-voyer cantonal.

Dès le mois de mars 1917, une équipe de dessinateurs civils et militaires était constituée et 5 mois plus tard les copies des plans de 238 communes envahies ou évacuées étaient terminées. Ces copies ont été reproduites ou agrandies en 12 exemplaires. Quatre de ces exemplaires ont été envoyés au service vicinal pour établir les nouveaux plans et il fut décidé que la largeur minimum à prévoir pour les routes nationales et les chemins de grande communication à circulation automobile serait en principe de onze mètres, y compris les trottoirs.

Au cours de l’été et de l’automne 1917, des agents du service vicinal ont pu se rendre sur les lieux et lever les plans des voies de communication de la plupart des communes récupérées des cantons d’Arras Nord et Sud, Bapaume, Beaumetz-lès-Loges, Bertincourt, Croisilles et Pas. Cinq communes du canton de Vimy font actuellement l’objet d’études sur le terrain. Le nombre des plans examinés par la sous-commission mixte est de 51. Un plan, celui de Maisnil-lès-Ruitz, a pu être soumis au conseil municipal ; il sera approuvé prochainement.

La dépense d’établissement des plans dont il s’agit, s’élevait au 15 septembre 1918 à la somme totale de 53.300 francs entièrement à la charge de l’État.

J’ajoute que, depuis l’offensive allemande du 9 avril 1918, vingt nouvelles communes de l’arrondissement de Béthune ont été évacuées. Les plans cadastraux des communes du Pas-de-Calais ayant été expédiés à Évreux, je me suis mis en rapport avec mon collègue de l’Eure pour faire copier partiellement ceux relatifs aux 20 communes dont il s’agit.

Mines et carrières

Bien qu’il ne me soit pas permis d’apporter, en ce moment, des précisions sur le développement de l’industrie minière pendant la guerre dans la partie non envahie du bassin houiller, je ne veux cependant pas passer sous silence l’admirable surproduction qui a été réalisée pour faire face aux impérieuses nécessités de la Défense nationale et aux besoins des populations.

Les compagnies et leur personnel ouvrier, dans un même élan de patriotisme clairvoyant, ont confondu leurs efforts et ont su conjurer de graves périls au milieu des plus grandes difficultés.

L’exploitation des carrières du Pas-de-Calais a été également intensifiée afin d’assurer la réfection rendue si difficile du réseau routier.

Chemins de fer d’intérêt local

Les chemins de fer d’intérêt local ont rendu des services signalés depuis la mobilisation. Ils participent, comme les chemins de fer d’intérêt général, aux transports militaires et notamment au transport de matériaux destinés à la réfection et à l’entretien des routes militaires.

Ils assurent également et dans une large mesure les transports dits « du ravitaillement civil » : charbons, blés, farines et issues.

Les lignes suivantes fonctionnaient dans les régions envahies : Achiet à Bapaume et à Marcoing ; Boisleux à Marquion ; Marquion à Cambrai ; Vélu-Bertincourt à Saint-Quentin.

En 1917, l’armée britannique a reconstruit en partie les deux premières lignes.

La partie de la ligne de Lens à Frévent avoisinant Lens est également située en région envahie.

La section Lens Camblain-l'Abbé (18 kilomètres) n'est plus exploitée par la compagnie depuis le 4 octobre 1914.

La ligne de Béthune à Estaires est exploitée par l’armée anglaise ; l’exploitation de celle de Berck-Plage à Paris-Plage a cessé au début de la mobilisation faute de personnel ; une partie du matériel a été réquisitionnée.

Le trafic des chemins de fer d’intérêt local en exploitation s’est développé d’une si heureuse façon pendant la guerre que les lignes concédées sous le régime de la loi du 11 juin 1880, ne font plus appel à la garantie d’intérêt de l’État et du Département.

Les lignes en exploitation appartiennent à deux groupes :

  • Groupe dont la direction est confiée à M. Level : Anvin à Calais, Aire à Fruges et Rimeux-Gournay à Berck, Ardres à Pont d’Ardres ;
  • Groupe des chemins de fer économiques du Nord : le Portel à Boulogne, à Bonningues et à Tournehem. Directeur : M. Duriez ; Lens à Frévent. Directeur : M. Codron.

Les travaux neufs et de grosses réparations exécutés depuis le début de la guerre sur les lignes non envahies sont considérables. Ils consistent surtout en établissements de nouvelles voies, embranchement, raccordement, quais de transbordement, doublement de lignes.

Afin de permettre l’octroi aux agents des compagnies d’indemnités spéciales pour cherté de vie et charges de famille, le Conseil général a consenti une augmentation de 15 % porté ensuite à 20 %, des tarifs de transports en vigueur. Les premières indemnités servies aux agents l’ont été à partir du 1er janvier 1917.

Réseau routier

Le département du Pas-de-Calais est situé dans la zone des armées depuis 1914. C’est M. l’ingénieur en chef des ponts-et-chaussées qui est chargé de la réfection du réseau routier. L’action de ce chef de service s’étend, sans distinction, sur l’ensemble des voies qui lui ont été confié par l’autorité militaire. le mode d’exécution et le règlement des dépenses sont soumis aux règles de l’administration des Travaux Publics quelle que soit la catégorie des chemins. Mais la comptabilité est tenue de manière à pouvoir établir ultérieurement le montant des dépenses correspondant à chaque catégorie de routes et chemins.

Toutes les routes nationales et presque tous les chemins de grande communication sont classés comme routes militaires. Il en est de même d’un grand nombre de chemins vicinaux ordinaires de l’arrondissement de Saint-Pol et des communes non envahies des arrondissements d’Arras et de Béthune. Dans l’arrondissement de Boulogne, 12 communes seulement ont des chemins classés par l’autorité militaire ; l’arrondissement de Montreuil en a 4, l’arrondissement de Saint-Omer en a 20.

Depuis longtemps déjà toute la production des carrières du Pas-de-Calais étant absorbée pour les besoins de l’armée, l’état du réseau routier laisse à désirer.

Il résulte d’ailleurs, du rapport présenté en septembre 1917 par M. l’ingénieur en chef « que, là où la main-d'œuvre fait défaut, on se borne à rendre la circulation possible sur les chemins de grande communication autres que les artères principales. Les armées utilisent toutes les routes viables, mais ne réparent que celles qui leur sont nécessaires ».

À la date du 25 avril 1918, M. le ministre de l’Intérieur m'a informé que M. le ministre de la Guerre était disposer à demander au Parlement le vote d’un crédit spécial sur lequel seraient imputées les sommes nécessaires à la réfection des chemins les plus gravement détériorés par les véhicules militaires et dont la remise en état présenterait un caractère d’urgence incontestable.

Le 20 juin dernier, j’ai fait connaître au ministère que, dans le Pas-de-Calais, la dépense totale afférente à la grande vicinalité serait de 213.268 francs. En ce qui concerne la petite vicinalité et les chemins ruraux reconnus, elle serait de 846.851 francs.

Dans ces chiffres, ne sont pas compris les frais de réfection des chemins de la partie non envahie de l'arrondissement d’Arras, en raison de ce que cette partie était entièrement soumise à l’époque aux bombardements ennemis.

Commerce et industrie

Chambre de commerce de Boulogne

Au point de vue commercial proprement dit, une diminution de trafic dans la circonscription de la Chambre de commerce de Boulogne a été constatée depuis le début de la guerre. Cette réduction est due aux difficultés de transports par mer et par voies ferrées et aux restrictions apportées aux importations et aux exportations.

Le résultat de cette diminution s'est fait sentir surtout chez les négociants importateurs et exportateurs et chez les transitaires qui ont vu leurs affaires diminuer dans de larges proportions. Plusieurs maisons de Boulogne, pour éviter de licencier leur personnel, ont établi des bureaux dans les ports de la Manche (Le Tréport, Dieppe, Le Havre, Rouen, Caen, etc.), ports où les facilités de transports sont plus grandes.

Les scieries mécaniques ont également vue diminuer leurs affaires par suite des difficultés éprouvées pour faire venir les bois du Nord qu'elles travaillent ordinairement.

La réglementation des transports de charbon et la création de groupements pour la répartition du combustible ont interrompu complètement le commerce du charbon (gros, demi-gros et détail) et nombre de maisons faisant ce commerce ont fermé.

Pêches maritimes

La production a été inférieure à celle du temps de paix, tant par suite de la mobilisation des marins, que par la réquisition des bateaux pêcheurs, peut-être exagérément pratiquée à la première heure.

Les statistiques de 1911 font ressortir la production en poisson frais, expédié par la gare de Boulogne à 47.000 tonnes et les poissons salés à 15.000 tonnes. Dans ce chiffre ne sont pas comprises les conserves de poissons, filets de harengs à l'huile, harengs marinés et maquereaux.

En 1915, les chiffres sont tombés à 12.000 tonnes de poisson frais ; 2.717 tonnes de poisson salé ; depuis, ils sont restés sensiblement les mêmes. Faute de production, faute de transport rapide pour la Marée fraîche, les commerces de marais et de salaison de poisson n'ont certainement pu atteindre le résultat de la pleine activité du temps de paix. Boulogne qui détenait le titre de premier port de pêche de France ne le retrouvera qu'après la guerre.

Ciments

À partir de la déclaration de guerre, les usines ont pris les dispositions pour arrêter complètement leur fabrication, ou pour la réduire en proportion de la main-d'œuvre qu'elles avaient pu conserver et des stocks de charbon qu'elles possédaient. Car pendant les derniers mois de 1914 et les premiers mois de 1915, la demande de ciment se réduisit à peu de chose. mais la nécessité d’accroître la production du matériel de guerre de toutes espèces, amena la construction de nombreux et importants établissements. Aussi, la consommation du ciment augmenta et devint considérable. Il y eut donc, vers la fin de 1915, une possibilité pour les usines du Boulonnais de vendre toute leur production.

Vers la fin de 1917, les demandes de ciments faites par l'État dépassaient de beaucoup la production. Actuellement, les Sociétés de ciment Portland du Boulonnais qui constituent de beaucoup le groupe le plus important de France, produisent tout au plus le tiers du tonnage d'avant-guerre dans leurs usines du Boulonnais.

Faïence

Cette industrie a subi une diminution sensible par suite de la difficulté d'obtenir les matières premières et le combustible et aussi par la pénurie de main-d’œuvre. Plusieurs usines ont dû diminuer leur travail et certaines ont même fermé temporairement.

Produits céramiques et réfractaires, briques, chaux, etc.

Malgré les mêmes difficultés, ces usines travaillant soit pour la Guerre, soit pour la reconstruction des pays envahis ont pu maintenir et même augmenter leur production du temps de paix.

Toiles, cordages, etc.

Les usines de la région, travaillant en grande partie pour la guerre, ont pu maintenir leur activité.

Hauts-fourneaux

L'activité des hauts-fourneaux qui s'était ralentie au début de la guerre par suite de la pénurie de combustible et de la difficulté de se procurer les minerais venant pas mer, a repris depuis.

Cuirs, chaussures

Les tanneries, courroieries, fabriques de chaussures travaillant pour l'armée, conservent leur activité.

Plumes métalliques et crayons

La fabrication des plumes métalliques continue, dans des proportion moindre toutefois, en raison des difficultés de transports.

La fabrication des crayons a cessé complètement.

Une des usines, située dans un quartier fréquemment bombardé lors des raids aériens, a quitté Boulogne dernièrement.

Papier

L'usine de Maresquel continue son exploitation.

Petite industrie

Beaucoup d'ateliers ont fermé, le patron ou le chef d'atelier étant mobilisé et la main-d'œuvre étant difficile à recruter.

Commerce en général

La mobilisation qui a enlevé beaucoup de chefs de maisons et les employés principaux, a amené une gêne considérable pour le commerce et même la fermeture d'un certain nombre d'établissements, au début des hostilités.

Toutefois, depuis l'occupation de la région par les troupes étrangères et l'arrivée de nombreux évacués des régions envahies, le commerce en général a repris une activité inconnue en temps de paix, principalement en ce qui concerne toutes les branches de l'alimentation.

Brasseries-malteries

Par suite de l'insuffisance de l'orge et aussi par insuffisance de combustible, nombre d'établissements ont dû diminuer leur production et certaines maisons ont arrêté temporairement.

Rôle économique du port de Boulogne

Le port de Boulogne, placé à l'entrée du détroit du Pas-de-Calais, à l'embouchure de la Liane, au Sud de la rade foraine dite de Saint-Jean, bien abritée des vents du Nord et de l'Est par les falaises du cap Gris-Nez, pourvu d'une rade artificielle excellente ayant une superficie de plus de 45 hectares et accessible aux plus grands navires, qui est fermée dans la direction du Sud-Ouest par la digue Carnot de 2.600 mètres de longueur environ, se trouvait dans les meilleurs conditions pour remplir un rôle économique très important pendant la guerre.

Quelques années avant la guerre, l'État et la Chambre de commerce avaient d’ailleurs procédé en commun à la construction d’un grand bassin de marée, dénommé Bassin Loubet, pouvant recevoir des navires de plus de 12.000 tonnes dont les quais fondés à grande profondeur sont desservis par de nombreuses voies ferrées et pourvus de vastes terre-pleins. Ce bassin mis en service en 1913 avait été doté par la Chambre de commerce d’un outillage électrique très perfectionné.

Au 1er août 1914, l'outillage du port de Boulogne comprenait au total 49 engins de déchargement.

Voies ferrées

La rive Ouest du port, les quais du bassin à flot, ceux du bassin Loubet et le port extérieur sont desservis et reliés à la gare par des voies ferrées d'une longueur totale de plus de 22 kilomètres.

Un faisceau de triage est établi sur le terre-plein situé entre le bassin Loubet et la digue Carnot.

Hangars et entrepôts

Sur les terre-pleins du bassin Loubet ont été établis quatre hangars d'une surface totale de 10.800 mètres carrés.

Il existait également sur les quais du port divers entrepôts pour les marchandises, pour les sels et les sucres.

Gares

Une gare maritime, où stationnaient les trains rapides pour Paris, la Suisse et l'Italie, est située au droit de l'appontement servant à l'accostage des paquebots de voyageurs.

Au début des hostilités, le port de Boulogne, par suite de sa position géographique, de ses facilités d'accès pour les navires à grand tirant d'eau et de son outillage, se trouvait tout désigné pour l'établissement d'une importante base britannique.

Résultats obtenus

L'accroissement de l'outillage du port, destiné à faire face à l'accroissement du trafic, a permis d'obtenir d'importants résultats. Le nombre des navires ayant fréquenté le port de Boulogne est passé de 1.741 en 1914 à 13.773 en 1917.

Le tonnage des marchandises qui s'élevait à 1.052.233 tx en 1913 a atteint 2.326.121 tx en 1917.

Pendant l'année 1913, le nombre de voyageurs de ou pour l'Angleterre s'était élevait à 481.940. en 1917, le nombre des passagers civils et militaires a été de 2.685.887 (non compris les blessés) ; pendant la période comprise entre août 1914 et décembre 1917, il a été évacué par le port 603.668 blessés. Depuis 1915, le port extérieur de Boulogne a rendu les plus grands services à la navigation comme port d'escale pour les convois. Pendant les tempêtes, la rade, protégée par la digue Carnot, est remplie par une flotte de vapeurs et de voiliers qui viennent chercher un refuge en attendant l'accalmie qui leur permettra de continuer leur route.

Chambre de commerce de Calais

Industrie, commerce, agriculture

Depuis l’ouverture des hostilités, l’industrie si calaisienne et si importante du tulle et de la dentelle, qui dans les années d’avant-guerre avait pris un essor considérable et faisait prime sur tous les marchés du monde, a subi une crise grave due au peu de débouchés laissés à l’exportation, à la difficulté du recrutement de la main-d’œuvre et à la pénurie de matières premières. Elle a pu, néanmoins, grâce aux sacrifices consentis par les industriels et au dévouement de la population ouvrière, continuer à montrer une activité assez importante. Lorsque la paix sera revenue, nous la verrons reprendre la place à laquelle elle a droit.

Le séchage de la chicorée a été florissant à tous les points de vue.

Le commerce des bois a été nul en raison des difficultés d’importation.

L’industrie de la pêche, eu égard surtout à la mobilisation de nombreux pêcheurs et à la difficulté de la navigation, a nécessairement subi une crise. Quant aux autres industries : constructions mécaniques, carrières, pierres calcaires, biscuits, câbles sous-marins, cuirs, meunerie, etc. elles ont été, en partie ou en totalité, réquisitionnés par l’autorité militaire.

Rôle économique du port de Calais

Le port de Calais, en raison de sa situation géographique, a été amené à jouer depuis la guerre un rôle économique dont l’importance n’a cessé de croître de 1915 à ce jour.

Pour augmenter la rapidité des opérations de manutention, diminuer la durée de stationnement des navires, évacuer rapidement vers l’intérieur les produits importés et assurer ainsi, pendant la période des hostilités, l’exploitation maximum de notre port, diverses améliorations ont été apportées à son outillage de déchargement, à ses moyens d’évacuation et au développement de ses postes de déchargement et de ses quais.

Amélioration de l’outillage de déchargement

L’outillage de déchargement a dû être grandement accru tant pour faire face à l’augmentation des importations déjà existantes que pour satisfaire à des trafics nouveaux ou très largement développés pendant la guerre.

Le nombre total des engins de déchargement est passé de 33 en 1914 à 87 en 1918.

En outre, pour permettre un fonctionnement plus intensif de l’outillage hydraulique, très accru, un compresseur nouveau a été installé dans la machinerie centrale hydraulique du port, permettant de porter de 90 mc à 150 mc le débit normal horaire en eau comprimée et de faire face à la consommation d’environ 750 coups de grue à l’heure.

L’augmentation de capacité de déchargement des quais, résultant de cet accroissement important de la puissance et du nombre des engins de levage, a été telle qu’elle a permis d’assurer à la fois le déchargement des approvisionnements destinés aux armées alliées, le ravitaillement en charbon des chemins de fer du Nord, de l’Est et du PLM, et le déchargement des navire destinés au ravitaillement de la population civile.

Améliorations apportées aux moyens d’évacuation

Le tonnage total des marchandises importées au port de Calais n’a cessé de croitre de 1915 à ce jour ; ce tonnage était de 1.153.632 tonnes en 1915 et de 2.434.832 en 1917 et avait été ainsi plus que doublé.

Il était donc indispensable pour éviter l’encombrement des quais, que la capacité d’évacuation fut au moins égale à la capacité de réception. Dans ce but, les voies ferrées des quais ont été améliorées, de nouvelles voies ont été posées, des garages ont été créés pour le classement et le groupement des wagons pleins ou vides et des hangars de magasinage et un parc de stockage ont été construits.

  • Voies ferrées. Sur les terre-pleins du port, 1.000 mètres de voies environ ont été posés à la requête du service des Ponts-et-Chaussées sur l’ordre du directeur de l’arrière, par les sapeurs du chemin de fer. En outre, 2.800 mètres ont été posés à la requête des bases alliées, savoir 1.420 mètres au bassin Carnot et 1.380 au bassin Ouest.

Enfin, trois grands garages et faisceaux de triage ont été créés pour le desserte du port et la formation des trains divisionnaires des armes alliées, savoir : garage du Vieux Bassin (à la sortie du bassin Ouest) avec 5.400 mètres de voies. Garage de Rivière Neuve, pour servir d’extension à Calais-Triage avec 19.400 mètres de voies. Garage de Coulogne, avec 6.400 mètres de voies.

  • Parc de stockage. Un parc de stockage de 15.000 mètres carré environ de surface, pour recevoir éventuellement 30.000 tonnes de houille, a été créé avec 900 mètres de voies ferrées, clôtures et revêtement du sol.
  • Hangars et entrepôts. Les entrepôts de la Chambre de commerce, qui couvrent une superficie de 31.020 mètres carré ont été mis depuis 1915 à la disposition des armées et de la population civile. L’entrepôt des sucres, détourné provisoirement de sa destination primitive, sert également actuellement à nos alliés.

Pour les besoins militaires, cinq hangars de grandes dimensions ont été construits.

Développement des postes de rechargement et des quais
  • Poste à navires. Un travail autorisé par la loi du 30 juillet 1911, ayant pour but la création d’un quai de 240 mètres de longueur, susceptibles de recevoir des navires d’un tirant d’eau de 8/9 mètres avait été interrompu par les hostilités. La construction de ce quai a pu être reprise en 1916, d’accord entre les Travaux publics et la Chambre de commerce qui fournit les fonds. Le quai, complètement terminé, est actuellement livré à l’exploitation ; il est desservi par un terre-plein de 20.000 mètres carré environ dont le cylindrage est en voie d’achèvement. 11.000 mètres environ de voies, dont la majeure partie est déjà posée, doivent équiper le nouveau quai.

En outre, un poste terminus de ferry-boat a été créé par l’armée anglaise avec main-d’œuvre chinoise, avec l’approbation du service central d’exploitation des ports maritimes. Ce travail, qui comporte l’établissement de piliers en béton et de massifs de charpente pour l’accostage et l’amarrage d’un train ferry à 4 voies de 110 mètres x 18 mètres 50 et la construction d’une passerelle oscillante, pour le raccordement aux voies ferrées, est complètement terminé. Le premier train Ferry est entré au port en mars 1918 et, depuis cette époque, 163 voyages ont été effectués. 2.000 mètres environs de voies ferrées desserviront le trafic de ce ferry-boat.

  • Poste de mouillage. Trois postes de mouillage pour péniches de mer comprenant chacun deux Ducs d’Albe en charpente, ont été établis dans l’avant-port.
Résultats obtenus

Le nombre des navires ayant fréquenté le port de Calais n'a cessé de croître de 1915 à 1917. En 1917, le nombre de ces navires est en effet de 9.077 contre 3.852 en 1915.

En 1916, tant à l'entrée qu'à la sortie, 608 péniches ont fréquenté le port de Calais. En 1917, ce nombre est passé brusquement à 6.071 (3.148 à l’entrée et 2.923 à la sortie) et pour le premier semestre de 1918, nous en comptons déjà 5.074 avec un tonnage de marchandises de 303.552.

Le tonnage total des marchandises débarquées et embarquées qui était de 1.073.425 en 1913, 750.967 en 1914, n'a cessé, à partir de 1915 de croître pour atteindre en 1917 ; 2.471.902, soit par rapport à 1913, année normale, une augmentation de trafic de 220 %.

Pour le premier semestre de 1918, le tonnage total de marchandises débarquées et embarquées atteint 1.003.100 non compris le tonnage des péniches de mer (303.552).

Le nombre des passagers, de toutes catégories, transportés est passé de 346.663 en 1914 à 597.283 en 1917. Ce mouvement de passagers s’accroît sans cesse ; pour le premier semestre 1918, nous relevons le chiffre considérable de 588.918.

La moyenne de tonnage manutentionné des combustibles minéraux des trois dernières années est de 657.722 tonnes, bien supérieure à celle des années d'avant-guerre.

Chambre de commerce de Saint-Omer

Pendant les premiers mois de la guerre, la plupart des établissements industriels et commerciaux dépendant de la Chambre de commerce de Saint-Omer, ont été contraint de suspendre, ou tout au moins de restreindre largement leurs opérations.

Dès le début de 1915, en présence de l'épuisement des réserves, la consommation redevint exigeante et l'activité économique reprit une certaine vitalité. Toutefois, les difficultés de remplacement du personnel mobilisé, la suppression du crédit, l'insuffisance des moyens de transports, limitèrent étroitement l'essor de cette activité. Il s'ensuivit rapidement une hausse de tous les objets et denrées de consommation pendant que l'accroissement de la circulation fiduciaire précipitait encore l'ascension des prix.

Depuis quatre ans, les industries et commerces de l'alimentation ont prospéré malgré tous les obstacles. Le bâtiment, au prix de sacrifices considérables, a pris toutes les mesures utiles en vue de parer aux besoins immenses de l'après-guerre. Quant aux autres industries dont la circonscription de la Chambre de commerce de Saint-Omer est abondamment pourvue, telles que papeteries, cartonneries, filatures et verrerie, elles ont réussi à sauvegarder leur existence. Les unes et les autres ont déployé les plus louables efforts pour lutter, généralement victorieusement, contre les grandes difficultés économiques créées par la guerre.

Chambres de commerce d'Arras et de Béthune

La circonscription de la Chambre de commerce d'Arras est presque totalement envahie depuis le début des hostilités. Le président de cette compagnie, votre collègue, M. Doutremépuich, n'en est pas moins resté à proximité du chef-lieu pour fournir aux commerçants et aux industriels tous les renseignements dont ils ont pu avoir besoin et pour faire prendre par les membres de la chambre de commerce des délibérations d'ordre généralement motivées par les circonstances.

Quant à la Chambre de commerce de Béthune, elle a fait preuve d'une grande vitalité malgré l'invasion partielle de sa circonscription. L'offensive ennemie de mars dernier a cependant obligé ses services à se replier à l'arrière. Par suite du décès de M. Mahieu-Sauvage, les fonctions de présidents sont actuellement remplies par votre collègue, M. Elby, vice-président.

Comité d'action économique

Ce comité comprend des représentants de l'agriculture, du commerce et de l'industrie des départements du Pas-de-Calais, du Nord, de l'Oise et de la Somme.

Il étudie toutes les questions se rattachant à la vie économique de nos régions et formule des vœux qui sont transmis au Gouvernement. L'activité du comité s'est manifestée au cours des huit réunions qu'il a tenues depuis sa création qui date de 1915. Sa dernière séance a eu lieu sous ma présidence, à Boulogne-sur-Mer, le 23 juillet dernier.

Il a été dernièrement adjoint au comité un organe permanent, dirigé par un officier délégué du ministre de la Guerre, qui a pour mission de suivre et de faire aboutir les vœux présentés et de fournir des renseignements d'ordre pratique aux populations. Cet organe s'appelle la section économique de la région du Nord. Il est installé 1 rue Basse des Tintelleries, à Boulogne-sur-Mer.