Madeleine Guillemant-Sintives

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Madeleine Sintives est née le 17 janvier 1917 à Mazingarbe, dans une famille de mineurs, à un moment où sa cité se situe sur le front tenu par les Britanniques. Son enfance fut celle d'une fille d’ouvrier, studieuse cependant, puisque la jeune fille est admise à l'école normale des filles et devient institutrice à Oignies. Elle a vingt-trois ans au moment de l'invasion ; les événements en feront très rapidement une résistante.

« Ma Résistance, pas de très grande dimension, mais vraie », aimait-elle à répéter . Cette résistance fut toutefois précoce, de la première heure ; avant que le mot même n'ait fait son apparition dans le sens que l'on connaît. Madeleine, institutrice en poste à Oignies, assiste désemparée et choquée au massacre de quatre-vingt personnes perpétré dans la commune par des SS quelque peu furieux d’avoir subi un peu de résistance la veille du côté d’Arras de la part des troupes françaises et britanniques. Elle en conçoit une haine tenace pour l'occupant. Rentrée à Mazingarbe, avec John Shrimpton « Uncle Jack », un vieil ami anglais de la famille, elle vient en aide aux prisonniers de toutes nationalités qui passent par Béthune, des Français, des Anglais, des Sénégalais. Elle entend le discours du général de Gaulle qui la conforte dans sa volonté d’agir.

Dès juin 1940, elle se rend à Arras, à bicyclette, pour rejoindre un petit groupe de femmes, dont Berthe Fraser, Zoé Evans, et Rosine Witton, qui se porte au chevet des prisonniers soignés à l'hôpital Saint-Jean. Celles-ci ne tardent pas à entrer en contact avec Arthur Richard, un Britannique, qui donne, semble-t-il, à la petite organisation qui se met en place, le nom de « Cœur de Lion ». L'ensemble formait en somme une structure peu organisée, rassemblant peu ou prou tout ce qui résistait en Artois et en Ternois, du moins ceux qui s'étaient manifestés dans la récupération des Britanniques. En juillet, on réfléchit à la possibilité d’évasion et avec l’aide des cheminots et d’André Auckland, un commencement de filière s'organise qui permet aux évadés de rejoindre la France non-occupée, où ils sont récupérés, comme ils peuvent par les filières que tentent de monter, à partir de l’Espagne Donald Darling et le révérend père Caskie, agents du MI 9 britannique.

Madeleine ne tarde pas à entrer en contact avec Sylvette Leleu, femme d'un garagiste de Béthune. Celle-ci avec l'aide d’Angèle Tardiveau, d'une religieuse, sœur Marie-Laurence, et de Robert Henneton sont déjà en contact avec les résistants parisiens qui sont à l'origine de l'un des premiers réseaux constitués en France, le « Musée de l’homme ». Le groupe de Béthune permet l’évasion de Britanniques, mais bientôt, son action se double d'une activité de renseignements, dont s'occupe plus particulièrement Jules Andrieu. Madeleine lui fait passer, en décembre 1940, de précieux renseignements sur l'usine de Mazingarbe.

Par ces deux filières, Madeleine peut faire évacuer les Anglais qu'on lui confie : ils viennent d'Oignies, par le biais de la famille d'Eugène Rincheval. En octobre, elle va chercher un pilote à Carvin. Dans son activité, Madeleine travaille sur Cuinchy, Festubert, Vermelles.

Néanmoins, l'Allemand veille et organise la répression. Une ordonnance du général Niehoff (OFK 670), en date du 24 août 1940, menace de dures représailles tout acte en faveur des soldats alliés.

« Des soldats anglais et français (en civil) séjournent en territoire occupé pour nuire à l'armée allemande, en infraction avec les lois de la guerre. Quiconque favorisera ces intentions (par actes ou omissions) se rendra complice et exposera ses concitoyens à une répression impitoyable. Seront punis de mort ou de travaux forcés ceux qui hébergeront, cacheront, aideront tout militaire ennemi, ne dénonceront pas à l'autorité allemande les lieux de refuge de militaires ennemis qu'ils connaissent, ne dénonceront pas à l'autorité allemande la connaissance sérieuse de plans dirigés contre la sécurité des forces armées allemandes. »

Dans le Pas-de-Calais, les arrestations se multiplient depuis l’été 1940 et les occupants savent favoriser la délation. C’est en janvier 1941 que les parents de Madeleine sont arrêtés, car l’Anglais qu’ils hébergent a été dénoncé. Le 22 février 1941, Madeleine tombe à son tour, alors qu’elle est de retour d’un voyage à Roubaix où elle est allée porter des vivres pour un Britannique . Interrogée tout d’abord aux Houillères de Lens, puis au siège de la Gestapo du Boulevard de la Liberté à Lille, elle les rejoint le 24 février en la prison de Loos. Le 28 avril 1941, elle est conduite à la prison Saint-Nicaise d'Arras en attente de son jugement. Dans sa cellule, arrivent des épouses de mineurs qui ont été arrêtés après la grande grève de la fin du mois de mai Parmi elles, Mme Marie et Lemaire de Rouvroy, Aline Delattre, une mère de trois enfants, Raymonde Debarge, épouse de Charles qui deviendra un des grands héros de la résistance FTP.

Madeleine et ses parents sont jugés le 24 juin 1941 par le tribunal militaire allemand : Madeleine et sa mère sont condamnées chacune à trois ans de travaux forcés, son père, estimé moins responsable de l'hébergement des britanniques, à deux ans. En attente de son éventuelle déportation en Allemagne, elle reste à Arras jusqu’au 30 août, le temps d’assister à l’exécution d’Alfred Beckaert. Elle revient à Loos d’où elle est libérée en décembre 1942 alors qu'elle séjourne à l'hôpital de la Charité pour une opération du nez. C'est un médecin major allemand qui intervient en sa faveur. Sa mère, devenue aveugle, est libérée quelque temps après.

Ses parents reprennent leur activité dans la résistance après leur libération, mais les perquisitions fréquentes empêchent la famille d'héberger des pilotes alliés. Madeleine a retrouvé ses élèves d’Oignies après quelques mois de congé, mais à la rentrée de 1943, elle est affectée à Calonne-Liévin. Le contexte de la Résistance a considérablement changé depuis février 1941. Le bassin minier est alors travaillé par la résistance communiste qui a organisé des groupes F.T.P. et un vaste mouvement de soutien le Front National qui rassemble largement au-delà du parti. Madeleine, désireuse de retrouver l’action, prend contact avec Francis Dupont, secrétaire de mairie de Liévin et père de la jeune Francine qu’elle a côtoyée à la prison d’Arras, qui l’introduit auprès des dirigeants du Front National. André Pierrard la désigne comme responsable du secteur féminin n° 2. Avec René Playe et Edmond Théry, elle parcourt son secteur, distribuant des armes, visitant les boîtes aux lettres, aidant à l’hébergement de responsables du parti. Elle rencontre régulièrement René Lanoy, responsable du Front National pour le Pas-de-Calais, et son épouse Suzanne, décédée sous la torture en 1944.

Mars 1943 : reprise des activités résistantes. Mes parents donnent le couvert à des réfractaires dont René Lanoy, chef régional du Front National. Des perquisitions régulières avaient toujours lieu le soir (ils cherchaient des aviateurs), mais en vain - à l'occasion quelques revolvers étaient camouflés hors de la maison. Les combats de la libération la trouvent revolver au poing et grenades à la main à Auchy-les-Mines : « Je n’ai pas eu à m’en servir ! ». Avec deux résistants, elle part à la rencontre des Britanniques qui arrivent d’Arras. À Aix-Noulette, le conducteur du premier char, noyé sous les fleurs, lui offre un bouquet de roses. Elle l’a conservé pendant plus de vingt ans. Ajoutons pour ce qui concerne cet événement, la rencontre inopinée avec un camion allemand dont les occupants, peu désireux de se rendre, ont tiré sur de jeunes résistants qui les avaient pris pour des Britanniques. Madeleine était de ceux-ci.

La paix revenue, Madeleine Sintives a poursuivi sa carrière d’enseignante et a épousé René Guillemant, de sept ans son cadet. La famille a fini par s’installer à Gosnay. D’emblée, elle a travaillé à la mémoire de la Résistance et de la Déportation, pour les vivants certes, mais plus encore pour les morts .

Elle affirmait : « Nous sommes légataires de nos fusillés, de nos déportés, de nos morts. Nous devons témoigner auprès des jeunes pour leur dire pourquoi ils se sont battus. ».

Elle intègre rapidement l'Association des déportés internés et ayants-droit de la Résistance, puis l'Union départementale des combattants volontaires de la Résistance, dont elle devient la vice-présidente en 1972 avant d'en assumer une présidence très active depuis 1984. Elle était membre du jury départemental du Concours National de la Résistance et de la Déportation et, pour aider au travail de mémoire, elle répondait volontiers à la demande des enseignants qui la priaient de témoigner. Elle aimait d’ailleurs cette jeunesse de nos écoles qui savait l'écouter silencieusement et avec beaucoup d'émotion. La haine avait sans doute disparu des propos de l'ancienne résistante qui avait ayant fait sienne la devise « Pardonne, mais n'oublie pas » Elle ne manquait jamais de partir en croisade contre l'indifférence, contre l'oubli. Elle attachait beaucoup de prix aux cérémonies patriotiques où jusqu'au bout elle a assuré sa présence.

Chevalier de l'Ordre national du Mérite (décret du 14 novembre 1990).

Elle s’est éteinte le jeudi 4 février 2010, un an à peine après que son mari René ait quitté ce monde.

Sources