Tiburce Dégez

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Tiburce Dégez
Portrait de Tiburce Dégez

Architecte du Pas-de-Calais.

État civil

Tiburce Auguste Louis Dégez est né le 3 août 1848 à Béthune. Il est mort le 25 décembre 1933. Ses funérailles ont été célébrées le 28 décembre en l'église Saint-Vaast de Béthune.

Parcours

  • Il fait ses études à Arras, puis à l'école des Beaux-Arts de Paris.
  • Professeur de dessin géométrique et industriel au collège et aux cours municipaux de Béthune (1885 à 1915).
  • Architecte de la ville de Béthune, il débuta avec son père avec le démantèlement des fortifications de la ville.
  • Architecte départemental adjoint pour l'arrondissement de Béthune (à partir du 14 janvier 1885).
  • Architecte des coopératives de reconstruction de Béthune I, II et VIII[1].
  • Quelques-unes de ses réalisations : église de Festubert ; collège de jeunes filles et caisse d'épargne de Béthune ; caserne des sapeurs-pompiers de Béthune ; écoles de Auchel, Bruay, Carvin, Dourges, Harnes, Lillers, Pernes, Nœux-les-Mines. Il œuvra auparavant au démantèlement des fortifications de Béthune.
  • Expert auprès des tribunaux.
  • Lieutenant, puis capitaine en second de la compagnie des sapeurs-pompiers de Béthune (pendant 15 ans).
  • Président de l'association des anciens élèves du collège de Béthune (1897 à 1920).
  • Administrateur de la Caisse d'épargne de Béthune (à partir de 1915).
  • Membre de la Commission sanitaire de Béthune.

Distinctions honorifiques

  • Officier d'Académie (1892)
  • Officier de l'Instruction publique (1902).
  • Médaille d'argent des sapeurs-pompiers

Éloges funèbres

Le Journal de Bruay du 7 janvier 1934 rapporte les discours prononcés lors des funérailles de Tiburce Dégez.

Discours de M. Siomboing, principal honoraire

« Mesdames, messieurs,

C'est avec une douloureuse émotion que je viens m'incliner devant le cercueil où repose celui qui fut pour moi, pendant près de 50 ans, un très fidèle collaborateur et un grand ami.

Lorsqu'en 1885, le Ministre de l'Instruction publique me confia la direction du collège de Béthune, je trouvais parmi les professeurs monsieur Tiburce Dégez, chargé, mais officieusement, d'un cours de dessin graphique.

Bien vite, je reconnus que monsieur Dégez était un professeur distingué dont l'enseignement devait donner des résultats sérieux. Aussi n'hésitai-je pas à faire des démarches pressantes auprès de l'administration universitaire pour que la chaire de dessin linéaire fut officiellement créée. Et c'est alors qu'à la date du 8 octobre 1885, monsieur le Ministre de l'Instruction publique nomma, à titre définitif, M. Tiburce Dégez, professeur de dessin.

Les très nombreux élèves qui ont suivi ses cours et qui m'entourent aujourd’hui, ceux qui, loin d'ici, apprendront avec une douloureuse surprise sa mort, peuvent dire avec quel zèle, quel dévouement et quel bonté, quelle merveilleuse activité, avec quelles sérieuses préparations, il dirigeait ses leçons. Monsieur Dégez, dans son enseignement collaborait surtout avec son ami et excellent collègue, M. Aubriet, lui aussi professeur d'élite.

Tandis que M. Aubriet enseignait la géométrie descriptive, M. Dégez faisait reproduire dans ses cours les épures des problèmes donnés par son collègue. Je n'ai jamais vu d'entente plus parfaite entre deux professeurs. Aussi, nos élèves qui ses destinaient soit à Polytechnique, soit à Centrale, soit à Saint-Cyr, étaient-ils toujours classés premiers dans les lycées qui préparaient aux grandes écoles ; et les noms de M. Dégez et de M. Aubriet étaient bien connus, dans toute l'Académie de Lille.

Chaque année, un inspecteur général du dessin inspectait les classes de M. Dégez. Chaque fois cet inspecteur, qui avait vu les travaux des élèves, emportait une impression très favorable de son inspection et ne manquait pas d’adresser à M. Dégez, les plus élogieuses félicitations.

Régulièrement et dans le temps minimum exigé, M. Dégez fut récompensé en 1892 par les palmes d'officier d'Académie, et en 1902, par la rosette d'officier de l'Instruction Publique.

Pendant son professorat qui dura jusqu'en 1915, M. Dégez, qui avait été aussi un brillant élève du collège, fut élu à l'unanimité président de l'association des anciens élèves et fonctionnaires du collège. Il conserva ces fonctions pendant 24 ans, de 1897 à 1921. C'est pendant sa présidence, en 1905, le 18 juin, que furent fêtés le centenaire du collège et le 25e anniversaire de la fondation de l’association des anciens élèves.

En remettant au collège, une plaque commémorative sur laquelle son nom est gravé pour toujours, il prononça une touchante allocution dans laquelle il exhortait ses camarades à ne jamais oublier le passé, à ne pas perdre le souvenir de nos pères et à rester fidèles à la grande loi humanitaire de la solidarité.

Voilà le maître et l'ami que nous avons connu et que nous pleurons sincèrement aujourd’hui.

Mais les longs et excellents services de M. Dégez, son dévouement sans bornes, sa fidélité au collège, son enseignement parfait, sa tenue irréprochable, son caractère d'une franchise sans égale, sa grande honnêteté, méritaient encore une autre récompense que celles qui lui avaient été décernées par le ministère de l'Instruction publique. Je sais que des démarches très sérieuses et pressantes étaient faites pour que notre ami reçut la croix de la Légion d'honneur, dont il était si digne. Mais son extrême modestie, l'indépendance de son caractère et surtout l'horreur des sollicitations sont probablement la cause que nous n'avons pas eu la joie de voir le ruban rouge à sa boutonnière.

Belle et noble vie que la vôtre, mon cher Dégez.

Bel exemple que vous avez donné à nos enfants et à tous ceux qui vous ont approché, mon cher ami !

L'assistance nombreuses qui vous accompagne à votre dernière demeure prouve que vous n'avez pas travaillé en vain et que vous emportez le respect et le regret de tous. Et c’est au nom de l'Université que vous avez si grandement honorée, c'est au nom du collège à qui vous avez rendu tant d’éminents services, c'’est au nom de tous vos anciens collègues et de tous vos anciens élèves, c'est au nom de tous vos amis que je vous dis : Adieu ! »


Discours de Paul Decaux, architecte en chef du département

« Il y a à peine un an nous étions réunis en ce lieu de repos, pour rendre les derniers devoirs à madame Dégez, et nous sentions tous quel coup irréparable avait porté au cœur si noble de M. Dégez, la disparition de celle qui était l'âme et la sérénité de son foyer depuis plus de cinquante années. Il semblait s'être ressaisi cependant. Son admirable vieillesse se poursuivait sans qu'une infirmité vint en limiter la robuste activité. Mais il avait été trop profondément atteint ; la première attaque de la maladie le trouvait sans résistance et nous venons aujourd'hui réunir pour toujours, à sa compagne aimée, dans cette tombe à peine fermée, l'ami qui fut, au cours d'une vie merveilleusement prolongée, le modèle des vertus civiques, l'honneur de sa profession, un chef de famille exemplaire.

Tiburce Dégez, fils d’un architecte qui exerçait dans cette même ville de Béthune, il y aura bientôt cent ans, poursuivait ses études à l'école nationale des Beaux-Arts quand la guerre de 1870 éclata. Ses vingt-trois ans ne firent pas obstacle à ce qu'il fut promu capitaine adjudant major de la deuxième légion mobilisée du Pas-de-Calais. Le 19 janvier 1871, à la bataille de Saint-Quentin, il fit preuve d'un étonnant courage : resté le dernier dans le village de Fayet, dont il ne s’échappa qu'en luttant au corps à corps avec l'ennemi, blessé à la poitrine de quatre coups de baïonnette, à la tête d'un coup de crosse, son admirable conduite lui valut une double démarche de l'état-major de son corps, du conseil municipal et des notables de Béthune pour solliciter en sa faveur la croix de la Légion d'honneur, distinction qu'il eut sûrement obtenue, sans l'excessive modestie de son caractère.

Puis, pendant quinze ans, il se prodigua à la compagnie des sapeurs-pompiers, méritant la médaille d'argent pour sa belle conduite au cours des incendies.

La dernière guerre le trouva toujours aussi simplement attaché à son devoir, donnant tout son concours aux autorités anglaises, n’acceptant que par ordre de ses laisser évacuer. Il rentra l'un des premiers dans la ville en ruine.

Républicain de la première heure, il resta toute sa vie fidèle à ses convictions libérales et généreuses. Profondément attaché à l'enseignement public, il présida pendant près de vingt-cinq ans l'association des anciens élèves du collège. Il était encore administrateur de la Caisse d'’épargne.

Comme architecte, il collabora d'abord avec son père au démantèlement des fortifications qui permit l'aménagement des nouveaux quartiers, l'une des premières opérations de cette nature dans la région. Nommé très tôt expert auprès des tribunaux, ses avis furent vite remarqués, sa scrupuleuse impartialité, la clarté et la pondération de son jugement, l'étendue de ses connaissances techniques, lui assurèrent une autorité qui s'affirma notamment dans la jurisprudence nouvelle à laquelle donna lieu la grave question des affaissements miniers.

Aussi, dès 1885, était-il choisi comme architecte départemental de l’arrondissement de Béthune, fonctions qu'il exerça pendant quarante-sept ans d'une manière si dévoué et si compétente que l'administration préfectorale a tenu à lui décerner l’honorariat lorsqu'en décembre 1931, il voulut se démettre en faveur de son fils ; elle me charge aujourd'hui de lui exprimer sa gratitude.

Ce fut peut-être comme architecte agréé des communes de cet arrondissement de Béthune, que M. Dégez aura donné la mesure de son esprit sagace, large sans imprudence, strictement ménager des ressources des collectivités, sachant parfaitement adapter à leur destination des plans d'une distribution aérée et d'une élégante simplicité.

Des constructions plus importantes le trouvaient aussi averti des besoins à satisfaire et des effets à produire, que ce soit le collège des jeunes filles, la caisse d'épargne, le nouvel hôtel de la Chambre de commerce, la décoration d'une partie de la place d’armes, il savait hausser le ton avec la plus discrète convenance, et dans une note de classique sobriété, continuer les traditions de cet art flamand qui s'harmonise si bien avec le vieux beffroi, honneur de cette cité.

Mais le rôle d’architecte n'est pas seulement de dresser des plans ; nul ne sut mieux que M. Dégez, animer, diriger, surveiller un chantier. Qui ne se souvient d'avoir vu hier encore son pas toujours vif le conduire ou l'appelait son devoir de maître d'œuvre. Sans doute parfois, sa sourcilleuse probité autorisait-elle quelque sévère observation, mais chacun savait quelle profonde bonté, quels égards pour le bon ouvrier cachait une écorce un peu rude. J'en puis attester le témoignage de ces générations d'artisans auxquelles, au cours de trente années d’enseignement à l'école municipale, sa méthode claire et simple, a divulgué les notions nécessaires à la meilleure pratique de leur métier.

M. Dégez était devenu dans notre profession, une figure légendaire : la vénération universelle l'entourait et l'association provinciale des architectes français s'était fait, l'an dernier, un devoir de lui décerner l'une de ses plus hautes récompenses, pour consacrer son admirable carrière d’expert. La remise de cette médaille fut l'occasion d’une touchante cérémonie dans ce foyer dont l'union et la simplicité faisaient le bonheur et que l'âge paraissait épargner. Une grande douleur l'avait cependant frappé pendant la guerre : un fils, élève de l'école normale supérieure, était tombé au début des hostilités, dans les Vosges, après avoir montré la même bravoure que son père sur le champ de bataille. Mais l'affection des deux autres enfants avaient pansé cette cruelle blessure. »

Sources

Lien interne

Notes

  1. En association avec son fils Paul Dégez.