Église abbatiale Saint-Saulve de Montreuil-sur-Mer

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Église abbatiale Saint-Saulve de Montreuil-sur-Mer
Montreuil Saint-Saulve.jpg
Informations
Dédicace saint Saulve
Dates de construction XIIIe-XIXe siècles
Particularités
Classement  Classé MH (1910)
Accessibilité


Une fondation légendaire

La ville de Montreuil-sur-Mer doit son nom à un monastère dont la fondation à la fin du VIe siècle est traditionnellement attribuée à Saulve, évêque d’Amiens. Si aucune source n’étaye cette tradition, il est en revanche certifié que l’emplacement de l’abbaye Saint-Saulve est occupé par une communauté religieuse au début du Xe siècle. Les moines bretons de Landevennec, fuyant les Normands qui écument les monastères des côtes de Bretagne, ont en effet trouvé refuge derrière les murs de Montreuil-sur-Mer entre 913 et 926. Avec l’aide du comte de Montreuil, Helgaud II, ils édifient un monastère patronné par le saint fondateur de leur abbaye bretonne, Guénolé, appelé ici Walloy. En 1111, à la suite de la translation des restes de Saulve à Montreuil, l’abbaye change de vocable pour devenir abbaye Saint-Saulve. L’église est alors reconstruite et son plan conçu pour permettre aux pèlerins de plus en plus nombreux d’approcher les reliques.

Une lente décadence

L’abbaye Saint-Saulve connaît une période d’apogée entre le XIIe et le XIVe siècle. L’édifice est aux dimensions d’une petite cathédrale avec ses 76 mètres de long pour 20 de large. L’emprise foncière de l’abbaye est importante et les moines ont des droits quasi-exclusifs sur la Canche. À partir de la fin du Moyen Âge, l’ensablement du fleuve entrave la navigation et le commerce fluvial et provoque le déclin de l’établissement.

En 1467, l’abbaye Saint-Saulve, l’hôtel-Dieu et les édifices religieux de la ville s’effondrent sous l’effet d’un curieux phénomène naturel. La reconstruction de l’abbatiale est menée par l’abbé Dom Lobain et presque achevée avant sa mort survenue en 1480. Elle est terminée par son successeur Guillaume de La Pasture au tout début du XVIe siècle.

À peine relevée, l’église est incendiée par les armées de Charles Quint qui prennent la ville en 1537. Les dégâts sont conséquents. L’ampleur des dépenses contraint les moines de Saint-Saulve à sacrifier le chœur, le transept et l’étage des fenêtres hautes. La voûte de la nef est reconstruite à un niveau plus bas que l’ancienne.

Au début du XVIIe siècle, l’abbaye tombe en commende et n’est donc plus gérée que par un prieur, l’abbé se contentant d’encaisser les revenus de sa charge sans y résider. Les moines sont de moins en moins nombreux et sont contraints de vendre leur grosse tour à la commune de Montreuil-sur-Mer en 1642.

En 1793, le portail est saccagé et le trésor jeté aux flammes. L’église Saint-Saulve devient l’unique église paroissiale de la ville. Après la Révolution Française, les sœurs de l’abbaye Sainte-Austreberthe, qui avaient pu fuir la ville en emportant leur trésor d’art sacré, déposent ce dernier dans l’abbatiale et en font don à la commune de Montreuil-sur-Mer.

Restaurée à plusieurs reprises au cours du XXe siècle, l’église Saint-Saulve a été classée au titre des Monuments historiques le 12 décembre 1910.

Une église mutilée

À l’origine, l’abbatiale se composait d’un clocher-porche encadré par deux tours, d’une nef à collatéraux, d’un transept flanqué de quatre chapelles et d’un chœur à déambulatoire ouvert sur trois chapelles rayonnantes. Deux autres tours surmontaient les bas-côtés orientaux du transept. Une chapelle dédiée à Notre-Dame est ajoutée au bas-côté nord au XVe siècle.

Les catastrophes de 1467 et 1537 ont considérablement modifié son plan et son élévation. Du plan d’origine ne subsistent que le clocher-porche et la base de la tourelle de gauche, la nef et ses bas-côtés et la chapelle Notre-Dame. Depuis le parking situé à l’arrière de la mairie, on aperçoit les vestiges du chœur et des chapelles rayonnantes. La nef est un vaisseau de huit travées dont les trois dernières sont aujourd’hui occupées par le chœur. Seul le bas-côté nord a résisté à l’incendie de 1537. Le collatéral sud a été reconstruit entre 1596 et 1631 comme l’indiquent les armes de l’abbé Godefroy De la Rue qui ornent l’une des clés de voûte. Les deux dernières travées de ce collatéral ont été relevées en 1819 et voûtées en 1869.

Depuis 1537, l’élévation de l’église ne compte plus que deux niveaux : les grandes arcades soutenues par de robustes piliers octogonaux et le triforium remanié vers 1480 à l’exception, côté nord, de la dernière travée qui date du XIIIe siècle. La voûte ornée de liernes et de tiercerons a été exécutée au milieu du XVIe siècle cinq mètres plus bas que la précédente. La perte des fenêtres hautes contribue à assombrir l’édifice qui n’est plus éclairé que par les fenêtres géminées des collatéraux et les trois oculi ouverts au dessus du maître-autel.

Un portail historié

Cul-de-lampe du portail

L’entrée dans l’église s’effectue par la tour porche dans laquelle s’ouvre un profond portail. La base de la tour, en grès, ainsi que son mur septentrional sont peut-être les dernières traces de la construction du XIIe siècle. Le portail est creusé de quatre voussures dont les 42 bas-reliefs sculptés à la fin du XVe siècle évoquent des épisodes de la vie de la Vierge et des patriarches. Les statues qui ornaient le tympan et les piédroits avant la Révolution Française ont été remplacées en 1874. Elles sont issues de l’hagiographie locale. On y trouve notamment saint Walloy, reconnaissable aux deux poissons qui sortent de l’eau à l’appel de sa clochette pour l’écouter. Tous les culs-de-lampe, à une exception près, datent en revanche du XVe siècle. Le portail a été profondément modifié en 1771 par l’architecte hesdinois Brunion. Les deux tourelles d’escalier qui l’encadraient sont supprimées et la tour centrale rehaussée et coiffée d’un lanternon. Le décor de la tour et l’horloge datent du XIXe siècle.

Sur le côté nord de l’église, un portail secondaire, contemporain de l’entrée principale, est orné d’une statue de saint Wulphy. Une chaire extérieure fermée par une balustrade flamboyante ajourée le surmonte.

Un réceptacle des grandes heures de l’histoire religieuse de Montreuil

Les frises qui courent sous le triforium et les chapiteaux des piliers méridionaux de la nef cachent un peuple de personnages excentriques et cocasses, d’animaux fabuleux et de végétaux aux entrelacs savants. Les chapiteaux, très proches de ceux de l’église de Montcavrel, semblent issus d’une école de sculpture en activité à la fin du XVe siècle dans la région de Montreuil-sur-Mer. Ils soutiennent les faisceaux de colonnettes qui portent les nervures de la voûte de la nef. Au sud, ces faisceaux sont ornés à la base d’écus bûchés à la Révolution Française, soutenus par des anges éployés.

Le décor de la chapelle Notre-Dame foisonne d’arbalètes dissimulées dans les feuillages du chapiteau de son pilier circulaire, sur les clés de voûte ainsi que dans les meneaux d’une fenêtre. Leur présence rappelle sa fondation par la confrérie des arbalétriers de Montreuil-sur-Mer. Quelques phylactères portent en outre leur devise : « Par Amour ».

L’église Saint-Saulve présente de très beaux exemples de sculptures médiévales. Les deux gisants du XIIIe siècle qui encadrent l’entrée de l’église, un seigneur de la Porte à gauche et un abbé de Saint-Saulve à droite, ainsi que les fonts baptismaux à colonnettes du XIIIe siècle situés dans la chapelle latérale nord, en sont les éléments les plus anciens. Un Christ gisant en craie provenant d’une mise au tombeau du XVe siècle et le monument funéraire de l’abbé Guillaume de la Pasture, mort en 1504 sont conservés derrière la chapelle Notre-Dame.

Le mobilier est le fruit du regroupement des vestiges des autres églises montreuilloises fermées en 1793. Trois grandes toiles du XVIIIe siècle surmontent les autels. À l’extrémité du collatéral sud, la Guérison d’un paralytique par saint Pierre et saint Jean est une œuvre de Nicolas Delobel datée de 1758 et provenant de l’ancienne abbaye Sainte-Austreberthe. La Vision de saint Dominique de Jean-Baptiste Jouvenet, réalisée entre 1712 et 1717, orne le maître-autel. La chapelle Notre-Dame conserve une toile de Jean Restout de 1768. Cette œuvre tirée de l’hagiographie locale met en scène sainte Austreberthe, née dans un petit village des bords de Canche, implorant saint Omer de lui confier le voile.

La chaire de style Louis XIV a été mutilée par les révolutionnaires qui ont affublé les évangélistes représentés de têtes d’angelots. Les orgues du XVIIIe siècle proviennent de l’église Notre-Dame en Darnétal détruite à la Révolution.

La plus ancienne crosse abbatiale d’Europe

L’église conserve l’un des plus riches trésors d’église du nord de la France. Celui de l’abbaye Saint-Saulve ayant été détruit lors de l’autodafé de 1793, il se compose dans sa plus grande partie du trésor de l’abbaye Sainte-Austreberthe auquel s’ajoutent quelques éléments du XIXe siècle.

La pièce la plus ancienne est la crosse pastorale de l’abbesse de Pavilly, sainte Austreberthe, dont le bois daté de la fin du VIIe siècle a été richement orné au XIIe siècle. Quelques très beaux reliquaires d’émail ou d’argent doré rehaussés de cabochons et pierres semi-précieuses datent du Moyen Âge. Cette partie du trésor n’est visible que lors de visites guidées.

Plusieurs reliquaires en argent repoussé du milieu du XVIIe siècle, présentés à l’extrémité du collatéral nord, attestent de l’ancienne richesse de l’abbaye bénédictine Sainte-Austreberthe.

Galerie photo

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