Tunnel sous la Manche

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Quelques chiffres

  • 150 kilomètres de galeries creusées
  • 140 mètres de profondeur maximale
  • 2 tunnels ferroviaires de 7, 60 mètres de diamètre. 1 tunnel de service de 4, 60 mètres de diamètre
  • Des tunneliers de 400 et 1.200 tonnes (11 tunneliers ont été nécessaires)
  • 720.000 voussoirs ont été fabriqués pour revêtir les tunnels
  • 6 millions de mètres cubes de craie extrait
  • Près de 13.000 personnes (plus de 5.600 en France) ont travaillé directement à la réalisation du Tunnel, soit plus de 100 millions d’heures de travail
  • Plus de 2.000 bureaux d’études, fournisseurs et entreprises ont participé à la réalisation du projet.
  • 7 ans de chantiers
  • Terrassements du terminal : 10.000.000 m3. Clôtures du site du terminal français : 31 kilomètres.
  • 38 locomotives et 522 wagons ont été conçus et fabriqués pour constituer les navettes touristes et poids lourds de plus de 80 mètres de long et 2.600 tonnes chacune.

Les premiers projets

  • Dès 1751, le géologue et physicien Nicolas Desmarets remporte le concours lancé par l’Académie d’Amiens pour améliorer la traversée de la Manche ; il propose déjà un tunnel entre les îles britanniques et le continent.
  • En 1802, l’ingénieur des mines Albert Mathieu-Favier présente au premier Consul, Bonaparte, un projet de percement de tunnel consistant en deux galeries superposées, celle du dessous servait à l’écoulement des eaux d’infiltration, tandis que celle du dessus était constituée d’une route pavée, éclairée par des becs à huile et desservie par des diligences attelée de chevaux. Pour l’aération, il avait prévu la construction de cheminée allant chercher l’air à la surface de la mer. Mais la guerre éclata entre les deux pays et le projet fut oublié.
  • 1856, Aimé Thomé de Gamond présente un nouveau projet de tunnel, mais ferroviaire cette fois. Dès 1833, à 26 ans, il décida de consacrer sa vie à l’étude de la jonction de l’Angleterre au continent. Après avoir étudié dans un premier temps les travaux géologiques d’Élie de Beaumont, Dufrenoy et Murchison, il se lança dans une exploration minutieuse du terrain en France et en Angleterre, il pris des mesures sur 804 sites sur une distance de 300 kilomètres de côtes. Il publie les résultats de ses études en 1857 dans son Étude pour l’avant-projet d’un tunnel sous-marin.
  • 1868 : création du comité franco-britannique pour l’étude du tunnel sous-marin. La première société concessionnaire est créée à Londres en 1872, dénommée The Channel Tunnel Company, elle a pour objet de réaliser des travaux préliminaires de forages aux environs de Douvres et de Calais. Trois ans après, un équivalent français est créé, l’Association du tunnel sous-marin.
  • 1876 : les deux Gouvernements signent un protocole devant servir de base à un futur traité. Les travaux de percements débutent, mais en 1882, les travaux cessent alors que quelques 1839 mètres avaient déjà été creusés.
  • Il faut attendre la première Guerre Mondiale pour revenir sur le sujet du tunnel, lequel sera un sujet récurrent jusqu’au début des années 1970.


Les installations de forage des années 1880, situées sur la route de Wissant, à Sangatte. Elles furent détruites en 1927 alors qu'il n'y avait plus d'espoir de reprise des travaux.

Le chantier des années 1970

Le 20 janvier 1975 le gouvernement travailliste britannique en proie à la crise économique internationale et à une crise politique intérieure décide d’abandonner la construction du tunnel sous la Manche. Les travaux étaient pourtant bien engagés depuis novembre 1973 et laissaient espérer la fin du chantier dans le courant de l’année 1980. De part et d’autre de la Manche, les puits d’accès (nommés descenderie) étaient percés et on avait débuté le creusement des galeries de service (300 mètres du côté français, et 400 mètres du côté anglais). A Sangatte, le montage du tunnelier venant des États-Unis était presque achevé, alors que son homologue anglais était déjà en service. Lorsque l’abandon des travaux est décidé, près de 600 millions de francs avait déjà été dépensés.


L’ouvrage retenu était constitué de deux tunnels à voie unique et d’un tunnel intermédiaire (ventilation et services d’exploitation, de sécurité et d’entretien), dans le même esprit que le Tunnel qui sera finalement percé dans les années 1980-1990. Son tracé résultait d’une étude approfondie des conditions géologiques qui avaient fait l’objet de trois campagnes de reconnaissance par sondages en 1958-1959, 1964-1965 et en 1972-1973.


Selon les accords passés dans une convention signée le 20 octobre 1972 entre le Gouvernement Français, la société française du tunnel sous la Manche et la British channel tunnel company, la réalisation du tunnel devait s’effectuait en trois phases :

  • Phase 1 (débutée en avril 1971, achevée en décembre 1973) : mise au point du projet sous ses aspects techniques, économique et financier, acquisition de premiers terrains (coût estimé : 72 millions de francs)
  • Phase 2 (novembre 1973- juillet 1975) : creusement des puits d’accès au tunnel et des galeries de service (coût estimé : 266 millions de francs), et signature d’un traité franco-britannique (concession de la construction de l’ouvrage et acquisition définitive de l’ensemble des terrains)
  • Phase 3 (1975-1980) : construction du tunnel (coût estimé : 4 milliards 912 millions)


L’aventure s’arrêta donc au début de l’année 1975 alors qu’allait s’achever la fin de la deuxième phase des travaux. Elle avait été relancée en juillet 1957 par la création du groupement d’études pour le tunnel sous la Manche (GETM) qui rassemblait des intérêts économiques ferroviaires (partenaires du GETM : compagnie financière de Suez, société concessionnaire du chemin de fer sous-marin, fédération routière internationale, etc.). En 1960, le GETM propose aux gouvernements un projet de tunnel. Cette même année, un concurrent sérieux au tunnel voit le jour par la création de la société d’études du pont sur la Manche (SEPM) qui rassemble des intérêts économiques de la route, de l’automobile et du pétrole (partenaires du SEPM : banques nationalisées, union routière de France, union des chambres syndicales de l’industrie du pétrole, fédération nationale de l’automobile, etc.). En 1963, une commission mixte franco-britannique privilégie la solution du tunnel au détriment du pont estimé trop onéreux et jugé gênant pour la navigation dans le détroit. En février 1967, les deux gouvernements lancent un appel d’offres dans la presse international. Le 22 mars 1971, la maîtrise de l’ouvrage est confiée au Groupe du tunnel sous la Manche.


Le Chantier des années 1980-1990

Les projets déposés

  • Europont (Eurobridge) : ce projet émanant d’un bureau d’étude comportait deux liaisons routières et ferroviaires indépendantes : la première était constituée d’une série de ponts suspendus de 5 kilomètres de portée ; les chaussées (2 x 6 voies) étant disposées à l’intérieur d’une enveloppe cylindrique en forme de tunnel. La liaison ferroviaire consistait en un tunnel unique foré de 6 mètres de diamètre. Le coût annoncé d’Europont était de 68 milliards de francs.
  • Transmanche express : ce projet, présenté par une compagnie maritime, proposait une infrastructure mixte rail-route de deux tunnels forés de 11,3 mètres de diamètre recevant chacun une chaussée routière (2 voies + bande d’arrêt d’urgence) dans laquelle étaient encastrés les rails. L’utilisation du lien fixe était ainsi alternativement routière ou ferroviaire. Le coût annoncé de Transmanche Express était de 24 milliards de francs.
  • Euroroute : ce projet était présenté par un groupement de douze entreprises industrielles et quatre banques britanniques et françaises, il comportait également deux liaisons routières et ferroviaires indépendantes. La liaison routière (2x2 voies) était établie sur ponts à haubans classiques pour 16 kilomètres de part et d’autre du centre du détroit, et dans un tunnel immergé de 21 kilomètres dans la partie centrale de la traversée (correspondant aux voies de navigations principale du Pas-de-Calais). La transition pont-tunnel était assurée par des rampes hélicoïdales supportées par deux îles artificielles aux extrémités du tunnel. La liaison ferroviaire était constituée de deux tunnels forés à une voie. Le coût annoncé d’Europont était de 54 milliards de francs.
  • Eurotunnel (France Manche et The Channel Tunnel Group) : ce projet, celui finalement retenu, était présenté par un groupement de dix entreprises de travaux publics et cinq banques françaises et britanniques. Il proposait le percement de deux tunnels sous-marins forées de 7,3 mètres de diamètre, reliés à une galerie de service de 4,5 mètres de diamètre et l’utilisation d’un système de navettes ferroviaires exploité par le concessionnaire. Le trafic uniquement par rail impliquait de réaliser une aire terminale terrestre à chaque extrémité pour charger et décharger les véhicules. Le coût annoncé d’Eurotunnel était de 30 milliards de francs.

Ces différents projets ont été examinés par un groupe d’évaluation franco-britannique. Les raisons qui ont présidé au choix u projet d’Eurotunnel peuvent être résumées ainsi : le projet était techniquement fiable, sécurisant et attractif pour les usagers, respectueux de l’environnement. Il avait par ailleurs obtenu les engagements financiers les plus nombreux et les plus fermes, tant pour les prêts que pour les fonds propres.


Les difficultés initiales au plan local

Si les réactions ont été globalement favorables lors de l’annonce de la construction du lien fixe, on observa les principales réticences au niveau local :

  • Les chambres de commerce et d’industrie de [[Boulogne-sur-Mer]] et de Calais se posèrent d’abord en défenseur d’une liaison transmanche exclusivement maritime. Cela est compréhensible au regard du poids de l’activité portuaire dans l’économie locale : elle représentait 90% des recettes de la chambre de commerce de Calais et 50% des recettes à Boulogne-sur-Mer.
  • D’autres inquiétudes étaient exprimées par les communes limitrophes du chantier, notamment à Sangatte, Coquelles, Fréthun, Peuplingues et Calais. Ces communes s’interrogeaient sur les nuisances immédiates du chantier mais aussi sur l’après-chantier (accessibilité et attractivité de leur territoire). Par ailleurs, la coopération intercommunale était rendue malaisée par des relations difficiles entre la ville de calais et ses voisines situées à l’ouest. Les pouvoirs publics ont faits beaucoup d’efforts pour lever ces réserves.

Les organes publics

  • La commission intergouvernementale : son rôle était de suivre, au nom des deux gouvernements, l’ensemble des questions liées à la construction et à l’exploitation du lien fixe. Elle était composée de deux délégations nationales de sept membres chacune. La présidence de la commission était assurée alternativement par chaque chef de délégation pour une durée de douze mois. Elle se réunissait alternativement chaque mois à Paris et à Londres. Elle prenait ses décisions d’un commun accord, en cas de désaccord il était prévue une procédure de consultation des gouvernements.

Composition française de la commission intergouvernementale au 1er juillet 1990 : Chef de la délégation française : Maurice Legrand Membres : Edwige Belliard (ministère des Affaires Etrangères), Claude Charmeil (ministère chargé des Transports), Jean-Louis Langlais (ministère de l’Intérieur), Paul Maruani (ministère des Affaires Étrangères), Pierre Mayer et Jean-Claude Saffache (ministère de l’Économie et des Finances).

  • Le comité de sécurité : son rôle était de conseiller et d’aider la commission intergouvernementale sur toutes les questions liées à la sécurité de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe. A cette fin, elle veillait à la conformité des règlements et des dispositifs de sécurité avec les règles nationales et internationales en vigueur.

Composition française dub comité de sécurité au 1er juillet 1990 : Président : Bernard Pilon Membres : Bertrand Cadiot (ministère de l’Intérieur), Claude Charmeil, Michel Massoni et et Roger Lejuez (ministère chargé des Transports).

  • Secrétariat général au tunnel sous la Manche : il était constitué au sein de l’administration centrale du ministère des Transports et de la Mer, en tant que service autonome placé sous l’autorité du ministre. Son rôle était d’assurer la préparation et l’exécution, en France, des décisions de la commission intergouvernementale et du comité de sécurité.

Composition : Secrétaire général : Pierre Perrod ; secrétaire général adjoint : Maurice Fourneyron.


Transmanche Link

Le 10 décembre 1993 et après sept années de travaux, Transmanche Link (TML), le groupement des dix constructeurs du Tunnel, remet l’ouvrage à Eurotunnel, concessionnaire du projet.

TML se composaient de cinq entreprises françaises et de cinq entreprises britanniques. Les entreprises françaises :

  • Bouygues SA : Créé en 1952 par Francis Bouygues, Bouygues SA est un groupe multi-disciplinaire (construction, immobilier, infrastructures et services, communications). Au début des années 1990, la société était implantée dans 70 pays avec plus de 1.000 filiales et des effectifs supérieurs à 70.000 personnes en France et 20.000 à l’étranger.
  • Dumez SA : Entreprises spécialisées dans la réalisation de grands ouvrages de génie civil et dans l’aménagement urbain. Filiale du groupe Lyonnaise des Eaux-Dumez. Quelques références : aménagement du Grand Louvre à Paris ; ministère de l’Économie et des Finances à Paris ; les modules C et D de l’aérogare 2 de Roissy Charles de Gaulle ; la basilique de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire ; etc.
  • Société auxiliaire d’entreprises SA : Entreprise internationale de bâtiment et de travaux publics. Quelques références : The China World Trade Center, à Pékin ; l’aéroport international de Jakarta ; the central expresse way de Singapour ; le réseau de distribution de gaz d’Istanbul ; le barrage de Dul Hasti au Cachemire ; The Sydney convention center en Australie ; l’aéroport de Houston (Texas) ; etc.
  • Société générale d’entreprises : SGE exerce ses activité dans les domaines du bâtiment, des travaux publics, des travaux routiers et des travaux industriels et du second œuvre. Quelques références : Tunnels et ouvrages d’art pour le TGV Atlantique et le TGV Nord ; cité de la Musique à la Villette ; auditorium du palais des congrès de Montpellier ; tunnels du Storebaelt au Danemark ; aéroports de Jakarta en Indonésie et de Karachi au Pakistan ; centrale nucléaire de Daya Bay en Chine ; pas de tir de la fusée Ariane 5 à Kourou.
  • SPIE Batignolles SA : Entreprise générale structurée autour de 3 métiers : l’entreprise électrique, la contrution et le génie industriel. Quelques références : usine aluminium Pechiney à Dunkerque ; Barrage de Trukwel au Kenya ; Equipements électromécaniques de la centrale nucléaire de Daya Bay en Chine ; participation au métro d’Athènes ; Participation au TGV Rhônes-Alpe et TGV Nord.

Les entreprises britanniques : Balfour Beatty onstruction Ltd ; Costain Civil Engineering Ltd ; Tarmac construction Ltd ; Taylor Woodrow construction holdings Ltd ; Wimpey Major Projects Ltd.

Alors que TML a été créé pour assurer la coordination du projet, deux sociétés ont été formées séparèment pour réaliser les travaux des deux côtés de la Manche : le GIE Transmanche Construction (basé à Calais) et Translink Koint Venture (basé à Shakespeare Cliff).


Chronologie

  • 10-11 septembre 1981 : Décision d’études d’un lien fixe transmanche confié par François Mitterrand et Marguaret Thatcher à leurs ministres des Transports.
  • 23 avril 1982 : Remise du rapport de la commission retenant l’intérêt d’un tunnel ferroviaire avec navettes pour véhicules automobiles.
  • 1984 : Vote d’une résolution du Parlement européen en faveur du lien fixe.
  • 22 février 1985 : remise du cahier des charges aux deux ministres des Transports français et britannique.
  • 2 avril 1985 : Cahier des charges rendu public, lancement de la consultation. Les sociétés consultées sont libres de leur stratégie commerciale (tarifs, services proposés, etc.), elles auront à supporter la totalité des risques financiers.
  • 31 octobre 1985 : remise des dossiers des candidats aux deux gouvernements. Quatre dossiers sont retenus : Transmanche Express, Europort, Euroroute et France Manche.
  • 20 janvier 1986 : Mitterrand et Thatcher annonce le lauréat, il s’agit de France Manche qui deviendra Eurotunnel.
  • 12 février 1986 : signature à Cantorbery entre la France et le Royaume-Uni d’un traité concernant la construction et l’exploitation par des sociétés privées concessionnaires d’une liaison fixe transmanche. Ce traité mettait notamment en place une commission intergouvernementale (CIG) chargée de suivre au nom des gouvernements l’ensemble des questions liées à la construction et l’exploitation de cette liaison fixe.
  • 14 mars 1986 : signature d’une concession quadripartite entre les gouvernements français et britannique d’une part et les sociétés France Manche et The Channel Tunnel Group d’autre part concernant la conception, le financement, la construction et l’exploitation d’une liaison fixe transmanche.
  • 13 août 1986 : signature du contrat de construction entre Eurotunnel et TML.
  • 6 novembre 1986 : lancement à Sangatte des travaux préliminaires du puits de descente.
  • 6 mai 1987 : par décret du 6 mai 1987, paru au Journal officiel du 8 mai 1987, les travaux de réalisation de la partie française de la liaison fixe transmanche, y compris les installations terminales ainsi que les travaux de déviation de la route nationale 1 au droit de Coquelles, ont été déclarés d’utilité publique et urgents. Ce décret a emporté modifications des plans d’occupation des sols de Calais, Coquelles, Frethun, Peuplingues et Sangatte.
  • 15 juin 1987 : approbation par la Parlement français du Traité et de la Concession.
  • 23 juillet 1987 : promulgation par la Reine d’Angleterre du Royal Assent concluant favorablement la procédure parlementaire britannique.
  • 29 juillet 1987 : Ratification à Paris du traité du tunnel sous la Manche qui lance le lancement officiel du projet.
  • 10 octobre 1987 : le Gouvernement français annonce la construction du TGV Nord et de l’interconnexion des réseaux TGV en Ile de France.
  • Novembre 1987 : émission d’actions Eurotunnel dans le public.
  • 28 janvier 1988 : visite du Président de la République Française à Sangatte.
  • 28 février 1988 : début des travaux de creusement du tunnel de service sous mer côté France.
  • Octobre/novembre 1990 : Augmentation du capital et des crédits bancaires.
  • 1er décembre 1990 : achèvement du tunnel de service. La première jonction est réalisée.
  • 22 mai 1991 : jonction des tunneliers opérant sur le tunnel ferroviaire nord.
  • 28 juin 1991 : jonction des tunneliers opérant sur le tunnel ferroviaire sud marquant la fin des travaux de creusement.


L'inauguration

Discours prononcé le 6 mai 1994 par le président de la République française, François Mitterrand, à l’occasion de l’inauguration du Tunnel sous la Manche :

« Madame,

J’éprouve en ce jour, et les Français avec moi j’en suis sûr, un sentiment particulier d’émotion et de fierté à vous accueillir pour l’inauguration du Tunnel sous la Manche.

Plus de deux siècles de rêves et de projets, d’initiatives échelonnées dans le temps, trouvent aujourd’hui leur aboutissement. Cette inauguration, en présence de son Altesse Royale, le Prince Philip, et de beaucoup d’autres personnalités, britanniques et françaises, au premier rang desquels Madame Thatcher, Monsieur Pierre Mauroy, qui furent à l’origine du projet en même temps que les ministres des Affaires étrangères, sir Geoffrey Howe et Roland Dumas, tout cela scelle la volonté et la persévérance de nos deux pays, volonté et persévérance qui n’ont jamais fléchi depuis plus de dix ans malgré l’audace et les risques de l’entreprise. C’est le 11 septembre 1981 que l’aventure a commencé. Ce jour-là, le projet de construction d’un lien fixe transmanche a été relancé à l’occasion d’un sommet franco-britannique. C’est le 30 novembre 1984, lors du sommet de Rambouillet, que la décision de principe a été arrêtée et le 12 février 1986, le traité du Tunnel sous la Manche a été signé à Canterburry. Le 29 juillet 1987 à Paris, nos deux États ont échangé les instruments de ratification du Traité rendant cette démarche irréversible. En ces quatre circonstances, le récit sera court mais l’œuvre a été longue.

Ce qui fut décisif a été l’engagement personnel des responsables de nos deux pays, et j’ai plaisir à rappeler précisément, en présence du premier Ministre de l’époque et de monsieur John Major, tous ces éléments qui montreront ce que peut être la réussite, c’est-à-dire une somme d’efforts.

Et pourtant, même cette volonté n’aurait pas suffi si elle n’avait été relayée par celle des créateurs et des initiateurs du projet, par celle des diplomates, des juristes, des financiers, des ingénieurs, des ouvriers, de tous les corps de métiers, et j’écoutais avec intérêt les propos de monsieur le président Bénard, auxquels j’associerai Sir Alaistair Morton, qui ont à tous moments connu les épreuves, les affres mais aussi les joies d’une entreprise menée à bien. Grâce à la fructueuse collaboration instaurée entre les États et le secteur privé, par le système de la concession, un prodigieux travail d’imagination, d’invention, de précision a permis qu’aujourd’hui cet ouvrage impressionnant pu exister. Je veux encore rendre hommage à tous ceux qui ont pris part ; j’en ai cité beaucoup, le plus humble devra se reconnaître dans le compliment que je leur adresse.

Voilà bien la preuve que lorsque la Grande-Bretagne et la France s’accordent pour travailler ensemble et mettre en commun leurs immenses ressources matérielles et humaines, elles réalisent de grandes choses. Peut-être pourrions-nous nous en inspirer d’avantage ?

Nous avons désormais une frontière terrestre, Madame. Calais n’est plus qu’à une demi-heure de Folkestone, et Londres n’est plus qu’à trois heures, bientôt 2 heures 30 de Paris.

Mais ce qui se passe entre nous n’est pas indifférent au reste de l’Europe et à son devenir. L'Europe présente en ce jour en la personne de deux grands fondateurs et constructeurs de notre union, le premier ministre du royaume de Belgique, monsieur Dehaene, et le président de la Commission Européenne, monsieur Jacques Delors.

À terme, cette liaison à grande vitesse reliera également Londres à Bruxelles, puis Amsterdam et Cologne, sans oublier la suite que le siècle prochain dessinera. Cette réalisation est donc un atout majeur pour le renforcement de l’union européenne, un élément décisif dans l’élaboration et la mise en œuvre du marché unique, un pas supplémentaire pour le rapprochement entre les peuples eux-mêmes.

Au fur et à mesure de l’avancée des travaux, le Tunnel est devenu une réalité dans le paysage quotidien de nos pays. Il est apparu comme un lien définitif entre la Grande-Bretagne et la continent ; sa mise en service ne pourra que renforcer ce sentiment. Car au-delà de l’aspect primordial que revêt la liaison fixe transmanche pour l’approfondissement de nos relations bilatérales, je salue sa vocation européenne entre les deux dimensions et dans les deux dimensions, politique et économique. Ce nouvel axe de communication préfigure de manière exemplaire une Europe à la pointe de la technologie ; elle pourrait faire tellement plus, unie et solidaire, et c’est cette solidarité entre les États membres qui la composent, qui symbolise l’Europe, point de départ d’une autre grande aventure, celle, je l’ai dit, du prochain siècle, et je crois Madame, et vous, Mesdames et Messieurs, que nous pourrons être fiers d’avoir poursuivi l’œuvre jusqu’à ce terme qui précédera la construction dont nous continuons de rêver, si le rêve, comme cela est montré aujourd’hui, reste proche de la réalité. »

Les innovations du Tunnel

Le Tunnel est alors à la pointe de l’innovation :

Innovations dans la réalisation des tunnels :

  • Attaque simultanée de plusieurs tunnels à partir d’un point d’accès ;
  • Utilisation de tunneliers en mode ouvert et fermé sous pression de 100 mètres d’eau ;
  • Guidage automatisé des tunneliers ;
  • Topographie de haute précision avec contrôle satellite ;
  • Production industrielle de béton à très hautes performances (record de compacité et d’imperméabilité) ;
  • Réalisation des cross-overs (croisement des voies) : record mondiale des cavernes sous-marines ;
  • Ateliers roulants automatisés pour la pose à grande cadence de voie ferrée, de tuyauteries, de câblage et ce caténaires en tunnels.


Innovations dans l’équipement des tunnels :

  • Système de refroidissement des tunnels par canalisation d’eau froide ;
  • Détection incendie dans les 300 salles électriques et dans le tunnel ;
  • Rameaux de pistonnement pour équilibrer les pressions entre les deux tunnels ferroviaires ;
  • Mise au point d’un système de ventilation modulable par télécontrôle assurant une surpression permanente dans le tunnel de service ;
  • Porte étanches automatisées dans les cross-overs.


Innovations dans le système de contrôle et de communications :

  • Généralisation de la transmission d’informations sur un support de fibre optique (troisième système privé dans le monde par sa capacité) ;
  • Gestion dynamique du trafic ferroviaire dans son environnement technique ;
  • Signalisation ferroviaire pour un trafic mixte, navettes et trains de transit ;
  • Premier réseau téléphonique privé d’Europe par le nombre d’autocommutateurs et de lignes ;
  • Système d’affectation informatisé pour optimiser l’embarquement des véhicules sur les navettes.


Innovations dans le matériel de transport :

  • Record de puissance de traction des locomotives des navettes ;
  • Conception spécifiques des rames transportant les poids lourds, les bus et les voitures de tourisme avec wagons chargeurs ;
  • Système automatique de guidage des véhicules d’intervention dans le tunnel de service.


Le terminal français du Tunnel sous la Manche

Le terminal français du Tunnel sous la Manche est situé à proximité du célèbre Camp du Drap d’Or, lieu de rencontre en 1520 des rois de France et d’Angleterre François 1er et Henri VIII. Eurotunnel a baptisé de ce nom de Camp du Drap d’Or le pôle d’activités du Terminal français pour symboliser le caractère franco-britannique de l’ouvrage et la vocation d’échange du site.

Le site comprend 200 hectares dédié aux entreprises, aux services, aux grands équipements de tourisme, de loisirs, de culture et de commerce. Il comprend également les quelques 500 hectares dédiés aux équipements d’exploitation du Tunnel sous la Manche (accès routiers, terminal touristes, terminal fret, voies de circulation, quais d’embarquement, installations de maintenance, etc.).

La zone d’aménagement concertée (ZAC) du tunnel sous la Manche a été créée le 21 février 1990 par arrêté du préfet du Pas-de-Calais. Elle recouvre l’ensemble du territoire concédé par l’État à la société Eurotunnel. Ce territoire est lui-même situé sur les communes de Calais, Coquelles, Fréthun et Peuplingues. L’aménagement de la zone est de la responsabilité de la société Eurotunnel qui exerce son rôle dans le cadre d’une procédure de ZAC privée.

On distingue trois sous-ensemble :

  • Cité Europe est la partie située à proximité du péage d’entrée du Terminal (70 hectares), à Coquelles, elle comporte trois sortes d’équipements : commerciaux, loisirs et culturels ; la cité de l’Europe a fait l’objet d’une autorisation ministérielle du ministère des Finances délivrée le 7 août 1991 à la société SNC Espace Commerce Europe représentée par son gérant la société Espace Promotion[1]. Cette société a obtenu l’autorisation de créer un ensemble commercial de 35.000 mètres carré de vente[2].
  • Technopôle est la partie qui se trouve sur le territoire de Calais (90 hectares). Il est dédié au rapprochement des entreprises, des centres de recherche, des universités et des établissements de formation.
  • zone de Fréthun(25 hectares) est le secteur proche de la gare d’arrêt des TGV qui accueille un parc d’activités.

Au cours de la phase de définition du programme, deux remarques de nature différente sont apparues : la statut en bail de terrains se prêtait mal à la réalisation de certaines activités industrielles et tertiaires ; les collectivités locales et territoriales souhaitaient avoir une implication plus forte sur l’aménagement du site. Dans le but de ne pas retarder les travaux, l’État a décidé de séparer la ZAC initialement prévue par l’arrêté préfectoral du 21 février 1990, en deux opérations indépendantes dites ZAC 1 et ZAC 2.

Les terrains de la ZAC ont été concédés par l’État, après acquisition à l’amiable (dans la majorité des cas) ou par expropriation, pour une durée de 55 ans à partir de 1987. Avant l’aménagement du site, le terrain était constitué en partie de parcelles agricoles comportant quelques zones boisées, ainsi que quelques zones de prairies marécageuses. Le site chevauche la limite de deux régions naturelles : la plaine flamande au Nord et à l’Est, les collines d’Artois au Sud et à l’Ouest.

La pose de la première pierre de la Cité Europe s’est déroulée le 30 octobre 1992.


Liens internes

Sources

  • Jean Dominé (préfet du Pas-de-Calais), Le Tunnel sous la Manche, 1988, 13 pages.
  • Brochure de présentation du secrétariat générale au tunnel sous la Manche, 1990, 16 pages.
  • Archives départementales du Pas-de-Calais, fonds de la mission coordination transmanche (MCT), 2975 W

Notes

  1. Espace promotion est une filiale d’Arc Union dont les trois principaux groupes actionnaires étaient Worms et compagnie, le Crédit Lyonnais et Total.
  2. Décision de la commission départementale d’urbanisme commerciale du Pas-de-Calais en date du 11 mai 1990.