Wateringues du Pas-de-Calais

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Le terme Wateringue désigne l'ensemble des travaux et des administrations du Nord-Pas-de-Calais chargés de l'assèchement des terres submersibles du triangle CalaisSaint-Omer – Dunkerque. L’occupation de ces terres par l’homme a nécessité l’aménagement d’un système d’assainissement complexe et perfectionné constitué de terres drainées, de portes à la mer chargées d’éviter l’intrusion d’eau salée, de stations de pompages chargées de renforcer l’écoulement gravitaire, de bassins de décantation, etc.

Le littoral du Pas-de-Calais a connu d’importantes évolutions au fil des époques. Au IIIe siècle, une transgression marine (dite deuxième transgression dunkerquienne) a entrainé une forte pénétration de la mer dans les terres. Il est probable qu'alors la mer allait jusqu’aux abords de Saint-Omer, s’étendant dans une sorte de vaste marais constamment inondé par les eaux maritimes. Puis la mer recula, ce qui permit aux hommes du haut Moyen Âge de reconquérir les terres au prix d’importants travaux d’endiguement qui ont sans doute évité en partie la submersion du secteur lors de nouvelles transgressions marines aux Xe et XIIe siècles.

C’est au cours de ce XIIe siècle, poussé par l'évangélisation du territoire, que fut créé le système d’assainissement dénommé wateringues (du Flamand waeter-ring : cercle d’eau). Le terme a d'abord désigné l'ensemble du système d'asséchement mis en place et entretenu pour permettre l'exploitation de la terre et l'habitat des hommes. Il a désigné ensuite l'organisation administrative du système des wateringues (associations et institution issue des collectivités territoriales) chargé de perpétuer le dispositif (construction et entretien des ouvrages et canaux).

Limite territorial des sections de wateringues du Pas-de-Calais


Territoire des wateringues

De nos jours, les wateringues du Nord-Pas-de-Calais couvrent une superficie de quatre-vingt-six mille cinq-cent hectares, délimitée schématiquement par le triangle CalaisSaint-Omer – Dunkerque (ancien delta de l’Aa), dont quarante-cinq mille cent-soixante-sept hectares se situent sur le territoire du Pas-de-Calais. Ils regroupent l’ensemble des terres situées à une altitude inférieure au niveau des plus hautes mers[1], représentant entre quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix-huit communes[2]. Le chiffre le plus couramment retenu est quatre-vingt-cinq communes, dont quarante-et-une communes pour le Pas-de-Calais. L'ensemble intéresse une population de 450 000 habitants.

Les wateringues en chiffres

  • 450 000 habitants concernés
  • Plus de 1 500 kilomètres de watergangs (canaux et fossés en bordure de polders et de chemins)
  • 150 kilomètres de canaux domaniaux
  • Plus de 100 stations de relevage sur l'ensemble du réseau
  • Une capacité d'évacuation à la mer par pompage de 100 mètres cube par seconde[3]

Principe des wateringues

Les efforts des hommes dans cette zone située en dessous de la mer doivent porter conjointement sur : la défense contre les eaux maritimes et la défense contre les eaux de ruissellement (que contribuent à alimenter de nombreux cours d’eau).

Climatologie. Les wateringues sont tributaires des conditions météorologiques et particulièrement de trois paramètres : les précipitations, la marée, les vents. Les précipitations conditionnent les volumes et débits à évacuer. Les marées, en fonction des amplitudes, imposent les capacités d’écoulement par les ouvrages à la mer. Quant aux vents, en fonction de leur intensité et de leur orientation, ils génèrent ou non des surcotes qui peuvent provoquer l’arrêt des écoulements par gravitation.

Hydrologie. L’apport principal en eau est apportée par l’Aa à Watten. D’autres rivières moins importantes viennent alimenter le réseau comme la Hem ou la Nielle. Les eaux quittent les terres par des exutoires à la mer situés à Calais (trois exutoires), Gravelines (trois exutoires) et Dunkerque (un exutoire). Calais est donc aujourd’hui pour le Pas-de-Calais, le grand estuaire des wateringues.

Le dispositif des wateringues en 2010

En 2010 Le système hydraulique des wateringues comprend  :

  • des milliers de kilomètres de fossés d'assainissement privés dans les parcelles ;
  • 1 600 km de watergang (canaux d'évacuation des eaux d'intérêt collectif) ;
  • 100 stations de pompage intermédiaires rejetant dans les canaux principaux (capacité de 0,1 m3/s à 1,6 m3/s), dans l'Aa et dans les canaux de navigation ;
  • 12 stations de pompage principales (capacité de 2,5 m3/s à 25 m3/s) permettant de rejeter à la mer un total pouvant atteindre près de 120 m3/s.


L’administration des wateringues : les associations de dessèchement, l’union interdépartementale des wateringues, l’institution interdépartementale des wateringues

L’aménagement hydraulique des wateringues repose sur la réalisation et l’entretien d’ouvrages de nature différente, dont la responsabilité technique et financière revient à trois types de maître d’ouvrage :

  • Les travaux au niveau de la parcelle de drainage, qui sont pris en charge par les associations syndicales autorisées de drainage (ASAD).
  • Les travaux d’évacuation des eaux au niveau local (aménagement des watergangs), qui sont pris en charge par les sections de wateringues.
  • Les ouvrages généraux d’évacuation des crues, qui sont pris en charge par l’institution interdépartementale Nord-Pas-de-Calais pour la réalisation des ouvrages généraux d’évacuation des crues.


Les associations syndicales autorisées de drainage (ASAD)

Les parcelles drainées sont organisées en « casiers » (regroupement géographique d’un ensemble de parcelles, déterminé en fonctions des programmes de travail). Les casiers de drainage sont gérés par les ASAD formées de propriétaires élus.

Les sections de wateringues

Du XVIe siècle jusqu’à la Révolution française, le dessèchement des vingt quatre paroisses du Calaisis fut exclusivement confié aux maires et échevins de Calais. De 1790 à 1809, cette organisation n’existe plus et le Calaisis est livré aux eaux la moitié de l’année : les écluses tombaient en ruine, les canaux étaient envasés, le système de régulation des eaux ne fonctionnait plus.

Exaspérés, plusieurs grands propriétaires obtinrent par décret impérial du 28 mai 1809, un système de wateringues exactement semblable à celui accordé au Nord. Ce décret impérial a été révisé par l’ordonnance royale du 27 janvier 1837 et l’arrêté préfectoral du 12 décembre 1969.

Les wateringues du Pas-de-Calais sont divisées en huit sections (les sixième (estuaire de la Slack) et huitième sections (zone de Wissant) sont en dehors du périmètre wateringué mais sont situés à l'embouchure de petits cours d'eau côtiers.

Les sections de wateringues sont des associations de propriétaires, organisées en commissions administratives, dont les membres sont élus pour six ans avec renouvellement par moitié tous les trois ans. La représentation du monde agricole y est très marquée. Les délibérations que prennent les sections ne sont exécutoires qu’après approbation du préfet.

Les commissions sont principalement chargées d'adopter les projets de travaux a exécuter chaque année, de répartir entre les communes les montants des contributions, de passer les marchés de travaux avec les entreprises, de vérifier les comptes des agents comptables.

On peut signaler ici, qu’une ordonnance du 15 juillet 1918 créa le syndicat des digues et dunes de Calais, chargé de veiller à la conservation de la digue de Sangatte qui préserve le pays des invasions de la mer.

L’union des wateringues du Nord et du Pas-de-Calais

L’union des wateringues du Nord et du Pas-de-Calais a été créé en 1972 pour harmoniser les études et les actions des quatre sections de wateringues du Nord (il faut y ajouter la section des Moëres) et les huit sections du Pas-de-Calais.

Dès le mois de novembre 1969, le préfet de région prévoit la création d’une union interdépartementale des sections de wateringues, mais l’institution interdépartementale mettra plusieurs mois avant de voir le jour. Le premier projet de statut est présenté en novembre 1970, remanié en janvier 1971, l’arrêté de création de l’union des wateringues du Nord et du Pas-de-Calais est finalement signé le 3 février 1972 par le préfet du Pas-de-Calais et le 16 février 1972 par le préfet du Nord[4]. Cette union interdépartementale des wateringues a été solennellement installée le 5 avril 1972 à Saint-Omer. Elle est avant tout une échelon administratif qui a eu le mérite de présenter un programme d’ensemble d’aménagement des wateringues.

Durant la même période, la police des eaux a été transférée du ministère de l’Équipement au ministère de l’Agriculture.

L’institution interdépartementale Nord-Pas-de-Calais pour la réalisation des ouvrages généraux d’évacuation des crues

Les associations syndicales autorisées de drainage (ASAD), les sections de wateringues et l’union des wateringues du Nord et du Pas-de-Calais n’avaient en aucune manière les moyens de financer les ouvrages généraux d’évacuation des crues qui nécessitaient de faire appel à des collectivités beaucoup plus importantes, d’où la création en 1977 de l’institution interdépartementale Nord-Pas-de-Calais pour la réalisation des ouvrages généraux d’évacuation des crues. La création de cette institution a été accéléré suite à des désastreuses inondations entre les mois de septembre 1974 à janvier 1975.

Le principe de sa constitution a été adopté par le Département du Nord le 12 janvier 1977 et par le Pas-de-Calais le 18 octobre 1976. L’institution interdépartementale des wateringues est composée de sept conseillers généraux du Nord et sept conseillers généraux du Pas-de-Calais. Elle est présidée alternativement par le président du Conseil général du Nord et du Pas-de-Calais.

L’institution a permis une modernisation du réseau du Pas-de-Calais qui soufrait jusqu’alors d’exutoires multiples, vétustes et inadaptés, contrairement au réseau du Nord.

Roland Huguet a été le premier président de cette institution.

Les présidents de l'institution interdépartementale

Depuis sa création en 1977, l'institution a connu quatre présidents :

Les ouvrages des wateringues dans le Pas-de-Calais

L’institution interdépartementale assura entre autres la construction de trois stations de pompages.

La station de pompage du canal de Calais

Le canal de calais est le principal ouvrage de navigation du Pas-de-Calais. Il est alimenté par les canaux d’Ardres et de Guînes. Il reçoit également les eaux de drainage d’une partie des première, deuxième et troisième sections de wateringues du Pas-de-Calais.

Avant les travaux, la capacité d’évacuation gravitaire du canal était de 10 mètres cubes par seconde (alors que la crue de l’hiver 1974-1975 était de quinze mètres cubes par seconde). Le projet de construction de la station (coût : 5 800 000 francs) a été adopté par l’institution interdépartementale Nord-Pas-de-Calais pour la réalisation des ouvrages généraux d’évacuation des crues au cours de sa séance du 1er juillet 1977.

À sa mise en service, la station permettait un pompage de huit mètres cubes par seconde. Elle fut mise en service en février 1981. La station du canal de Calais a bénéficié de travaux de réhabilitation et de modernisation en 2002-2003. En 2005, des travaux de renforcement ont été exécutés. La station a une capacité de pompage de 4 mètres cube par seconde grâce à deux pompes.

La station de pompage du canal des Pierrettes

Dès 1978, l’institution interdépartementale décida de la réfection de la porte à la mer, dénommée à Calais écluse de dix mètres, qui était dans un état de délabrement inquiétant (elle datait de 1908 et les dernières réparations remontaient à 1937). Le projet de réparation de cette porte à la mer (coût : 1 000 000 francs) a été adopté par l’institution interdépartementale des wateringues au cours de sa séance du 1er juillet 1977.

Cette opération ne permit toutefois par d’améliorer l’écoulement des crues. Le projet était d’améliorer l’assainissement des 4e et 5e des wateringues. Une station de pompage fut donc construite à l’amont du bassin des Chasses, sa puissance a sa mise en service en 1981 était de 7 mètres cubes par seconde. Les travaux de construction avaient été confiés aux entreprises Flyght et Citra-France pour un montant de 2 995 310 francs.

La station du canal des Pierrettes a bénéficié de travaux de réhabilitation et de modernisation en 2002-2003. Elle est équipé d'une pompe Flyght de 185 KW assurant un débit de 2,5 mètres cube par seconde et de trois vis d'Archimède Flyght assurant chacune un débit de 2,2 mètres cube par seconde[5].

La station de pompage du canal Marck

Le canal de Marck est une des artères principales d’assainissement de la 3e section de wateringues du Pas-de-Calais. Avec le canal du Houlet, il permet d’assainir six cent hectares. Ces deux canaux participent également pour une part non négligeable à l’assainissement de la 2e section des wateringues. La station de pompage a été construite en 1983. Lors de sa mise en service en janvier 1984, elle permettait d’évacuer 3,3 mètres cubes par seconde (dans un premier temps dans la flaque à Guerlettes, puis dans le nouveau bassin de l’Est).

Les travaux de construction avaient été confiés aux entreprises Flyght-France et Électricité industrielle pour un montant de 4 834 267 francs. La station du canal de Marck a bénéficié de travaux de réhabilitation et de modernisation en 2002-2003. Elle est équipé de trois pompes Flyght de 95 KW, assurant chacune un débit de 1,1 mètre cube par seconde.

Les aménagements à Calais

Au milieu du XVIIe siècle, Vauban construit à Calais un fort-écluse unique en France. Cet ouvrage permet de défendre la ville en cas de siège, en inondant les environs grâce à des vannes situées à l’intérieur du fort. Parallèlement, il fit construire deux autres écluses, une dans la muraille nord qui empêchait les inondations en cas de grandes marées, l’autre au sud pour prévoir le gonflement des eaux de l’arrière pays en cas de fortes pluies. Ces deux écluses permettaient de moduler l’inondation.

Il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir se diviser en deux branches cet unique exutoire. On fit construire une écluse de dessèchement à l’extrémité du chenal d’Asfeld, et une autre écluse à côté de la citadelle. En 1856-1857, on construisit sous les quais du bassin Ouest, des aqueducs de chasses qui permettaient l’évacuation des eaux en provenance du canal de Calais, et débouchaient dans le port d’échouage situé dans le bassin Ouest.

Les travaux de construction du bassin Carnot entre 1881 et 1884 permirent la réalisation d’un nouvel exutoire à l’Est du port cette fois. C’est le creusement de la dérivation du canal de Marck et la construction d’un aqueduc débouchant dans l’arrière port de l’Est.

Un nouvel aqueduc fut construit en 1901-1902 sous les terres-pleins du bassin Ouest afin d’évacuer et de réguler les eaux en provenance du canal de Calais.

En 1990, les eaux du canal de Marck furent déviés dans un aqueduc reliant la dérivation du canal de Marck au nouveau bassin Est du port.

Les wateringues et les inondations historiques[6]

  • Vers 1570-1580, un tremblement de terre a provoqué un raz de marée qui a fait des très nombreuses victimes jusqu'à Saint-Omer.
  • Pendant la deuxième guerre mondiale, les allemands procédèrent à des inondations stratégiques qui couvrirent vingt-cinq mille hectares des wateringues du Nord.
  • En 1953, une terrible tempête frappe la plaine maritime faisant près de 2 000 morts en Hollande, quelques dizaines en Flandres Belge, mais aucune victime en France.
  • De 1973 à 1976, d'importantes tempêtes provoquèrent des dégâts sur plusieurs milliers d'hectares.


Sources

  • Rapport du service maritime des ports de Boulogne-sur-Mer et Calais, 1991.
  • Délibérations de l’institution interdépartementale Nord-Pas-de-Calais pour la réalisation des ouvrages généraux d’évacuation des crues (1977-1980).
  • Conseil économique et social régional Nord Pas-de-Calais, Rapport de Jean‐Luc Charley présenté lors de la séance plénière du 26 janvier 2010 : Le dispositif des Wateringues du Nord‐Pas-de-Calais : Un dispositif vital pour tout un territoire, en proie à de vives tensions, 52 pages.
  • Mission pour la restructuration foncière et agricole du Calaisis, Livre vert du Calaisis, 1992.

Notes

  1. Les wateringues sont ce que les polders sont à la Hollande
  2. Le nombre des communes varie selon les approches sans qu'on sache d'ailleurs vraiment les critères retenus
  3. Les chiffres de cette rubrique sont extraits d'une plaquette d'information de l'institution interdépartementale Nord-Pas-de-Calais pour la réalisation des ouvrages généraux d'évacuation des crues de la région des wateringues.
  4. Paru au Recueil des actes administratifs du Pas-de-Calais numéro 6, de mars 1972
  5. Les données sur les équipements de ce chapitre proviennent d'une plaquette d'information de l'institution interdépartementale des wateringues de juillet 2006
  6. Xavier Pin, , François Nau, Jean-Loup Garcin, Mise hors d'eau du polder des wateringues dans le Nord et le Pas-de-Calais, Conseil général des ponts et chaussées, mars 2007, 80 pages.

Liens externes